Jade

Après avoir terminé la deuxième dizaine avec le bruyant Sid & Nancy, les bandes-annonces des films 21 à 30 nous laissaient présager une dizaine presque entièrement composée de thrillers, un genre que j’aime beaucoup! C’était presque ça!

Avec du recul, il n’y a que Summertime qui détonne de cette nouvelle dizaine. Véritable carnet de voyage extraordinairement beau, son histoire est ici relayée au second plan, derrière les magnifiques images de Venise qui m’auront donné le goût d’y retourner (mon expérience avec la ville n’ayant malheureusement pas été positive dans son ensemble). Dans ce film aussi léger que son nom l’indique, on revit une amourette de vacances du type de celles présentées dans les romans de littérature féminine, avec en fond à tout ça une superbe toile particulièrement douce de l’Italie des années 50 et avec une héroïne forte et indépendante comme il ne s’en faisait pas beaucoup dans ce temps-là! C’est donc sans grande surprise que j’ai placé Summertime en première position de ces 10 nouveaux films!

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Complètement à l’inverse, Alphaville, de Jean-Luc Godard, se place malheureusement en toute dernière position. Film noir, futuriste et dystopique, Alphaville m’a rappelé beaucoup d’autres films ou romans, que ce soit Europa en raison des scènes de narration (pour apprendre plus tard qu’Eddie Constantine faisait la narration dans les deux films), 1984 pour sa société totalitaire, Fahrenheit 451 pour le rapport à la lecture, Handmaid’s Tale pour la scène d’exécution à la piscine, et même Austin Powers pour ses femmes robots séductrices (!) bref, les échos étaient nombreux! Bien que j’adore lire des dystopies, je n’ai pas trouvé mon compte dans ce film de Godard, qui, contrairement aux romans de ce type, n’explique rien, jamais. On dit être dans le futur, cependant les décors et accessoires n’appuient pas ce fait. On parle des « Pays Extérieurs » en mentionnant des villes américaines, et on comprend qu’on se trouve « ailleurs » mais il est difficile de voir où c’est, exactement. Les missions du personnage principal sont parfois dures à suivre également. Alors que cette aura de mystère pourrait être seulement acceptée d’emblée et qu’on peut y voir un certain charme, j’avais besoin de plus de direction!

Les films qui m’auront fait les plus grandes impressions dans cette dizaine sont sans aucun doute les 2 projets de Paul Morrissey et Andy Warhol, Flesh for Frankenstein et Blood for Dracula, qui sont deux films d’horreur de série B qui pourraient sans doute passer à Fantasia (un autre genre que j’aime bien!) Sont-ce de bons films? Voilà une question dont la réponse a beaucoup de relief!

À priori, non. Ces deux films sont allés jouer littéralement dans les intestins de deux grands classiques pour proposer une autre histoire, qui jouent en parts égales avec l’horreur et l’érotisme. Imaginez un genre de Piranha 3DD (oui, je sais, le jeu de mot est fort!) où les paires de seins prennent plus de place dans l’écran que les poissons, mais transposez ça à Frankenstein qui est excité en éviscérant une femme qu’il a « créée » en cousant plusieurs parties de corps de plusieurs personnes. Sinon, la scène où son assistant lèche les très grosses cicatrices de ce même corps de femme est du même registre! De la même manière, avant d’avoir regardé Blood, jamais je n’aurais pu dire avoir vu une flaque de sang de prise de virginité sur le plancher du château d’un comte italien (j’exagère, mais la scène est exactement telle que je viens de la décrire). Ce qui est magique de ces deux films, c’est à quel point tout y est ridicule. Les effets spéciaux sont désastreux, le jeu n’est pas parfait, les accents sont forts, les personnages ont de drôles de motivations, et on s’amuse beaucoup à utiliser sexuellement Joe Dallesandro, véritable sex-symbole des années 70 dont le membre se retrouve sur la pochette de l’album des Rolling Stones Sticky Fingers. Dans ces deux projets d’envergure qui n’ont pas eu de succès ni critique ni commercial, j’ai eu un énorme plaisir, un peu comme quand j’ai regardé les Sharknado et The room de ce monde!

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Cela étant dit, un bon film va nécessairement battre au classement les deux précédents. C’est pourquoi j’ai placé plus hauts RoboCop de Paul Verhoeven, High and Low de Kurosawa, Picnic at Hanging Rock de Peter Weir et M de Fritz Lang, tous des films d’enquête, mais différents les uns des autres.

RoboCop, grand classique que je n’avais étrangement jamais vu à TQS un samedi soir, était très bon et pouvait rappeler les Die Hard, en offrant autant d’humour et d’action plus grande que nature. Nous avons là une histoire classique, certes, mais qui est bien faite et je ne peux pas ne pas prendre en considération non plus la place qu’il occupe dans l’histoire du cinéma.

High and Low, véritable lutte de classes sociales (d’où le titre) était un film pour le moins différent de l’image que je me fais de Kurosawa, et sa construction en trois parties distinctes avec une enquête où les moindres éléments prennent de l’importance, était une histoire que j’ai beaucoup aimé voir se développer. Rappelant Parasite par moment en raison de son évolution qui nous amène sans cesse ailleurs, ce n’est que ses quelques longueurs qui l’ont fait se placer au numéro 3 de mon top 10.

Picnic, quant à lui, nous tient en haleine tout du long, dans son développement lent et mystérieux. J’aurais aimé qu’il nous offre une fin plus satisfaisante, mais son atmosphère légère et pour le moins bizarre (eerie) m’a fait un bien fou, comme si je regardais 2h de ASMR (Autonomous sensory meridian response, sorte de sensation agréable qui provient d’un stimulus auditif ou visuel).

Je m’attendais à plus de la part de M, qui reste un très bon film d’enquête avec des plans de caméra extraordinaires et un montage alterné efficace. La dernière minute du film m’a laissé croire qu’on n’avait peut-être pas une version complète, tellement tout se termine de façon abrupte, mais le reste du récit est excellent!

Plus bas dans le top 10, je place Dead Ringers et The Long Good Friday un peu à regret. Les deux ne m’ont pas divertie autant que les deux Morrissey, le premier présentant des situations et personnages trop étranges mais ne le faisant pas avec un certain recul humoristique, et le second étant parfois trop compliqué à suivre pour m’investir totalement, bien que le rôle principal ait été tenu par Bob Hoskins, que j’adore depuis Hook.

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Après avoir visionné ces 10 nouveaux films, je constate que cette dernière dizaine était un peu plus faible que les deux précédentes. C’est la première fois où je n’ai pas donné au moins un 9 ou un 8 aux films, me contentant cette fois de 7 et 6. J’avais peut-être un peu trop d’attentes après avoir vu les bandes-annonces, mais j’ai tout de même bien aimé apprendre de nouvelles choses. Plus on avance, plus je réalise que les liens sont multiples dans l’univers du cinéma, et de commencer à reconnaître des réalisateurs ou acteurs, de même que des marques distinctives de genres ou d’époques, me fait énormément plaisir!

La quatrième dizaine s’annonce forte de contrastes, j’ai bien hâte!

 

Mon top 10 :

10- Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (1965) de Jean-Luc Godard

9- The Long Good Friday (1980) de John Mackenzie

8- Dead Ringers (1988) de David Cronenberg

7- Flesh for Frankenstein (1973) de Paul Morrissey

6- Blood for Dracula (1974) de Paul Morrissey

5- M (1931) de Fritz Lang

4- Picnic at Hanging Rock (1975) de Peter Weir

3- High and Low (1963) d’Akira Kurosawa

2- RoboCop (1987) de Paul Verhoeven

1- Summertime (1955) de David Lean

 

Mon top 3 de la Collection :

3- Amarcord (1973) de Federico Fellini

2- La Belle et la Bête (1946) de Jean Cocteau

1- The Silence of the Lambs (1991) de Jonathan Demme

Alex

Cette troisième dizaine s’annonçait prometteuse, que ce soit en raison de la présence de deux films que je voulais voir depuis longtemps (Dead Ringers et RoboCop), ou encore parce que quatre réalisateurs iconiques s’y trouvaient (David Lean, Akira Kurosawa, Jean-Luc Godard et Fritz Lang). Aussi, les films, par un quelconque hasard, faisaient contraste avec les deux dizaines précédentes en raison du grand nombre de films d’action, de thrillers ou de films d’horreur qui s’y trouvaient. J’ai finalement eu droit à une montagne russe d’appréciations, alors que j’ai mis la note de 2.5* à l’un des films (Flesh for Frankenstein) et que High and Low a percé mon top 3 de la Collection, jusqu’à présent.

Commençons ce récapitulatif avec les belles surprises. Je crois avoir aimé outre mesure Alphaville de Godard, pour une raison que je ne pourrais pas totalement expliquer. La science-fiction est l’un de mes genres favoris, certes, mais le film a un je-ne-sais-quoi qui l’a rendu unique à mes yeux. C’est un agréable mélange entre l’absurdité et l’aspect déroutant d’un Brazil (ou des Monty Pythons en général) et l’introspection d’un film de la Nouvelle Vague. Le film est d’ailleurs considéré l’un des derniers de ce courant cinématographique. Alphaville allie à perfection la science-fiction, le film-noir et le film contemporain. Je crois qu’il polarise son auditoire (on aime ou on déteste), mais il m’a conquis, au point où, je crois, il s’élève au rang de mes films de science-fiction préférés, rien de moins!

Une autre surprise fut Summertime, un film incommensurablement plus sobre que les épiques qui nous ont fait connaître David Lean (Doctor Zhivago, Lawrence of Arabia, Bridge on the River Kwai). Il est d’une beauté exceptionnelle, et nous plonge directement au cœur de Venise dans les années 1950, et, strictement au niveau archivistique, mérite beaucoup de crédit. Les plans éloignés se succèdent pour former un travelogue digne du Canal Évasion. Il m’a beaucoup fait voyager, et l’écouter en confinement m’a énormément tiraillé.

Les autres films ont été sensiblement à la hauteur de mes attentes, et ne m’ont donc pas vraiment surpris. High and Low s’est avéré une belle découverte, plus pour sa construction narrative digne d’une pièce de Shakespeare qu’autre chose. J’ai été décontenancé de voir un film de Kurosawa qui n’est pas un film de samurai, et je crois que c’est un peu pour cette raison qu’il est si peu connu aujourd’hui. C’est personnellement mon préféré du grand réalisateur japonais, à présent du moins. M de Fritz Lang a su se tailler une place parmi le top 3 de la décennie, sans grande surprise lui non plus. Je connaissais de nom ce grand film expressionniste allemand, et donc mes attentes étaient hautes. Il aurait pu se hisser au second rang, je crois, n’eut été de sa fin qui se termine abruptement, tout en s’étirant (quel contraste!)

On voit se succéder dans les quatre dernières places de mon classement des films d’action, genre qui, je dois l’avouer, parvient rarement à me satisfaire. Je suis très critique des films de série B dont le seul but est de divertir ; je ne suis donc évidemment pas le meilleur public pour les apprécier à leur juste valeur (lisez plutôt le commentaire de Jade plus haut). Il en va de même pour RoboCop, que j’imaginais plus sérieux, comme un Terminator. J’ai plutôt eu droit à un film d’action de série B à gros budget, même si la chose semble contradictoire. On était dans le pur divertissement, et si les explosions étaient au rendez-vous, le tout avait un visuel low-budget. Je pourrais le comparer, en bien ou en mal, à True Lies. The Long Good Friday m’a lui aussi déçu, mais la barrière de la langue (et surtout l’absence de sous-titres) a grandement miné mon visionnement. Il y avait également une sorte de lenteur qui n’est pas nécessairement néfaste, mais qui m’a complètement sorti du film. Bref, je confirme une fois de plus que le cinéma-divertissement n’est pas ma tasse de thé!

Restent Picnic at Hanging Rock et Dead Ringers, que j’ai tous deux bien appréciés, mais auxquels il manquait un peu trop d’éléments pour me satisfaire pleinement. Dans le premier, on a droit à l’un des meilleurs films de la Nouvelle Vague australienne, mais dont la 2e moitié n’arrive pas à la hauteur de la 1ère. L’ambiance y est incroyable, le visuel également, mais la fin laisse à désirer, à mon avis. Je lui ai préféré Walkabout, qui lui ressemble quand même beaucoup, bien que l’histoire soit complètement différente. Dead Ringers est également un film d’ambiance, et Jeremy Irons y brille plus que nulle part ailleurs. Pour un film des années 1980, il réussit avec brio la représentation des frères jumeaux, chose qui est difficile à faire encore aujourd’hui (citons Legend qui, à cet égard, n’arrive pas à la cheville de Dead Ringers). David Cronenberg a sensiblement deux carrières : ses films d’avant les années 2000 sont principalement des films d’horreur et des thrillers, alors qu’après le millénaire il s’est concentré sur des drames et thrillers sociaux. Pour avoir vu des films des deux phases de Cronenberg, c’est la dernière que je préfère. J’ai cependant bien hâte de plonger dans le début de son œuvre, notamment dans Videodrome et The Naked Lunch, qui viendront un peu plus tard dans notre projet.

Je suis donc ambivalent face à cette troisième dizaine. J’ai fait de belles découvertes, mais d’autres films sont, à mon avis, plus banals. Aucun n’a été mauvais, loin de là. Je n’étais tout simplement pas le public cible, et c’est très bien ainsi. Il y a de tout pour tout le monde dans la Collection Criterion, et c’est ce qui en fait sa force. Toutefois, on n’est pas sorti des pays que l’on connait déjà : le Japon, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis (évidemment). Seul M fait exception, en étant à la fois notre premier film allemand (bien que je sois familier avec le cinéma de ce pays) et notre plus ancien jusqu’à présent (1931). La prochaine dizaine regorge de programmes doubles et de dépaysement, avec notre premier film muet, notre premier documentaire, et un premier film russe. Ça promet!

Mon top 10 :

10- Flesh for Frankenstein (1973) de Paul Morrissey

9- Blood for Dracula (1974) de Paul Morrissey

8- The Long Good Friday (1980) de John Mackenzie

7- RoboCop (1987) de Paul Verhoeven

6- Summertime (1955) de David Lean

5- Dead Ringers (1988) de David Cronenberg

4- Picnic at Hanging Rock (1975) de Peter Weir

3- M (1931) de Fritz Lang

2- Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (1965) de Jean-Luc Godard

1- High and Low (1963) d’Akira Kurosawa

Mon top 3 de la Collection :

3- High and Low (1963) d’Akira Kurosawa

2- La Belle et la Bête (1946) de Jean Cocteau

1- The Silence of the Lambs (1991) de Jonathan Demme

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