Lorsque j’ai vu ce chef-d’œuvre au début des années 2000, j’étais bien jeune. Évidemment, le charisme d’Anthony Hopkins dans le personnage du tueur en série Hannibal Lecter (Hannibal le cannibale) m’a profondément marqué. Dans sa plus simple expression, The Silence of the Lambs est une histoire poignante, viscérale, avec une intrigue policière prenante et des personnages brillamment interprétés. Je n’avais pas le regard critique que je pose désormais sur tous les films que je visionne, mais je comprenais déjà à l’époque que j’avais devant moi un grand film. Après l’avoir vu de nombreuses fois en quelques années, je l’avais relégué aux oubliettes jusqu’à tout récemment, où je l’ai en quelque sorte redécouvert avec la Collection Criterion. Avec mon regard plus affûté, j’ai tout de suite constaté que la qualité du film va au-delà du simple divertissement.

Le film s’ouvre sur une scène envoûtante (en grande partie en raison de l’excellente trame sonore d’Howard Shore) où l’on voit Clarice Starling (Jodie Foster) s’entraîner dans un parcours en forêt. On comprend rapidement qu’elle est étudiante à Quantico, lieu de formation des futurs agent.e.s du FBI. Jack Crawford (Scott Glenn), de l’unité de la science du comportement, la tire de cet entraînement pour l’assigner à une tâche particulière : interroger le dangereux tueur en série Hannibal Lecter (Anthony Hopkins) de sa cellule en prison pour tenter d’obtenir des pistes d’investigation pour coffrer Buffalo Bill (Ted Levine), un autre tueur en série. Le film se veut un mélange entre enquête sur Buffalo Bill et rencontres entre Starling et Lecter, ces dernières qui s’avèrent toutes délicieuses. En effet, en échange de pistes de recherche, Starling doit dévoiler des informations personnelles sur son passé, pour le plus grand plaisir de Lecter. Psychiatre de formation, il se délecte des informations sur la jeune agente, tout en conservant envers elle un certain respect. En fait, le respect est mutuel entre les deux, ce qui peut sembler particulier, mais qui correspond tout à fait à l’esprit distingué et affûté de Lecter.

Le scénario de Silence of the Lambs est relativement traditionnel pour une histoire d’enquête policière. En effet, après que Buffalo Bill a capturé Catherine Martin, la fille d’une sénatrice, une véritable course contre la montre s’enclenche pour renter de la retrouver avant qu’il ne soit trop tard. Histoire classique, tirée d’un roman à succès de Thomas Harris, mais qui fonctionne surtout en raison de deux principales éléments : des interprétations hors pair et une réalisation minutieuse.

Parlons d’abord de ces interprétations, menées par Foster en agente provenant du sud des États-Unis. Elle incarne à perfection à la fois la certaine fragilité de son personnage et la puissance qui peut en émaner. Fragile, est ne l’est qu’en apparence, entourée d’hommes plus grands les uns que les autres avec leurs regards perçants (nous reviendrons sur cet aspect dans quelques lignes), puisqu’en effet, elle dégage la confiance et la détermination d’une jeune agente qui tente de faire ses preuves, et qui est prête à tout pour y arriver. On comprend avec son précédent rôle de survivante d’un viol dans The Accused (qui lui vaudra son premier Oscar en 1989) qu’elle peut jouer les victimes fragiles. Ici, c’est tout le contraire. J’ai pour ma part trouvé son accent relativement inutile, même si elle parvient à le rendre crédible. Il faut aussi mentionner la performance magistrale de Hopkins qui, s’il n’était pas très connu aux États-Unis à l’époque, obtiendra instantanément le statut de l’un des meilleurs acteurs de sa génération. Sa performance posée et sobre, contrastante avec le personnage qu’il incarne, fonctionne sur tous les plans. De répliques savoureuses en mimiques mémorables, il est la seule raison pour laquelle Hannibal Lecter est encore connu aujourd’hui. L’insuccès commercial du film Manhunter, sorti quelques années avant, et où Lecter était interprété par Brian Cox, peut en témoigner. Personne ne peut demeurer indifférent face au stoïcisme de son personnage, mais surtout à son charisme. Qui ne voudrait pas s’entretenir (en toute sécurité, tout de même) avec Lecter? Il est parvenu à créer une certaine attirance malsaine envers l’un des personnages les plus terrifiants du cinéma, et ce, malgré son apparence peu menaçante. Il a tout simplement le physique de l’emploi! Il remportera un Oscar grandement mérité, et sera par la suite en nomination pour trois autres statuettes dans les années 1990 seulement!

Il ne faut pas oublier la distribution secondaire, à commencer par Ted Levine, dont l’interprétation est relativement passée sous le radar. Il est tout de même le principal vilain du film! Levine a, tout comme Hopkins, le physique de l’emploi. Son interprétation de Buffalo Bill en tueur en série en crise identitaire est tout simplement mémorable. Ses mimiques et ses dialogues marmonnés font de lui un personnage extrêmement dérangeant. On ne s’étonne pas qu’il se soit fait proposer plusieurs autres rôles de psychopathes après The Silence of the Lambs. Soulignons enfin la performance juste et sobre de Scott Glenn, bureaucrate du FBI, qui octroie tout au long du film sa confiance à Starling, chose assez peu commune dans ce genre de films.

Parlons enfin de la réalisation sensible de Jonathan Demme. Pour accentuer la pression que vit Starling (mais aussi beaucoup de femmes en général), tous ses interlocuteurs s’adressent à elle en regardant directement la caméra. Cela fait donc ressentir à l’auditoire toute l’intimidation que l’on tente de faire vivre à Starling, qui elle regarde toujours un peu à côté de la caméra. La plupart des dialogues, tournés en plans rapprochés, accentuent une fois de plus la tension inhérente et le sentiment de claustrophobie que ressent Starling. C’est un aspect très simple, mais extrêmement efficace lorsque réalisé avec brio. Saluons également les efforts du directeur photo Tak Fujimoto à cet égard. Aussi, le montage joue un rôle important dans la conclusion du récit. Le montage superposé nous donne l’impression que quelque chose se trame, alors que c’est l’inverse qui se produit. Ce ne sont que quelques éléments qui élève The Silence of the Lambs au niveau de chef-d’œuvre.

Maintenant que je connais un peu mieux les Oscars, j’ai été extrêmement surpris d’apprendre que le film avait remporté le Big 5 (film, réalisateur, acteur, actrice et scénario). Ce n’est pas à première vue le typique film oscarisable. Un film d’horreur ayant connu un énorme succès commercial et sorti un an avant la cérémonie (alors que les films qui sont habituellement de la compétition sortent de 2 à 4 mois avant) n’est pas le premier choix automatique pour l’Académie. En le visionnant aujourd’hui, je comprends beaucoup mieux pourquoi. The Silence of the Lambs est beaucoup plus qu’un divertissement. C’est tout simplement l’un des meilleurs thrillers psychologiques qui existent, sinon le meilleur. Tourné avec un budget risible, il s’est avéré marquer une génération entière, en plus de créer un emblème du cinéma avec son tueur en série atypique. Tous les éloges à son égard son pleinement justifiés. Chapeau!

Fait partie de la Collection Criterion (#13).

Fait partie des 1001 films à voir avant de mourir.

Fait partie du top 250 d’Alexandre (#15).

Fait partie du top 100 de Jade (#53).

Fait partie du top 50 de Camille (#16).

3 commentaires

  1. La Collection Criterion (#11-20) – Ciné-Histoire sur juillet 21, 2020 à 3:46 am

    […] comprenait l’un de mes films préférés. Sans grande surprise (du moins pour moi), c’est à The Silence of the Lambs que revient la première place des films 11 à 20. Il y avait plusieurs films que j’avais hâte […]

  2. La Collection Criterion (#31- 40) – Ciné-Histoire sur novembre 10, 2020 à 1:18 pm

    […] La Belle et la Bête (1946) de Jean Cocteau 2- Les diaboliques (1955) de Henri-Georges Clouzot 1- The Silence of the Lambs (1991) de Jonathan […]

  3. La Collection Criterion (#21-30) – Ciné-Histoire sur novembre 11, 2020 à 2:03 pm

    […] The Silence of the Lambs (1991) de Jonathan […]

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