Après l'engouement de la première cérémonie des Academy Awards, l'American Motion Pictures Arts and Science (AMPAS) récidive l'année suivante avec un deuxième événement, tenu au Cocoanut Grove de l'Ambassador Hotel de Los Angeles le 3 avril 1930. L'institution a célébré le meilleur des films sortis entre le 1er août 1928 et le 31 juillet 1929. Question d'harmoniser la période d'éligibilité et la tenue de l'événement, deux cérémonies se sont déroulées en 1930, et ce, pour la seule fois de l'histoire. Ainsi, la troisième cérémonie s'est déroulée le 5 novembre et a récompensé les films sortis entre le 1er août 1929 et le 31 juillet 1930. Pour la première fois, la cérémonie est radiodiffusée par la station locale KNX.

Plusieurs changements notables peuvent être observés dans ce second gala. D'abord (et contrairement à la première cérémonie), les vainqueurs ne sont pas annoncés à l'avance. Il y a donc pour la première fois un véritable élément de surprise, ce qui favorise de plus la présence des gens de l'industrie lors de la cérémonie. Surprenamment, aucune liste officielle de nominations n'est divulguée à l'avance. On a depuis retrouvé des listes non-officielles des personnes considérées dans chacune des catégories, basées sur les films soumis pour considération à l'AMPAS. Pour en connaître davantage sur le processus de sélection des vainqueurs, référez-vous à la page concernant la 1ère cérémonie des Academy Awards.

Autre changement majeur : le nombre de catégories est réduit de 12 à 7, et le nombre de personnes ou films considérés passe de 3 à une variation de 5 à 11. C'est probablement dû au fait qu'aucune liste officielle n'ait été dévoilée et qu'on pouvait considérer une personne selon tous les projets auxquels elle avait participé au cours de la période d'éligibilité. Les catégories "Meilleure réalisation - Drame" et "Meilleure réalisation - Comédie" sont fusionnées, de même que les catégories qui récompensaient les scénarios originaux et adaptés (ils seront séparés à nouveau à partir de la 4e cérémonie, en 1931). De plus, les catégories "Best Engineering Effects" (meilleurs effets d'ingénierie), "Best Unique and Artistic Production" (meilleur film artistique et unique) et "Best Title Writing" (meilleurs intertitres) sont abandonnées. Notons également qu'aucun prix honorifique (intitulé "Special Award" à l'époque) n'est décerné lors de cette seconde cérémonie, et qu'aucune distinction n'a été apportée entre les films muets et parlants.

Bien que pour la première et seule fois de l'histoire de la cérémonie où aucun film n'a remporté plus d'un prix, certains se sont démarqués par leurs nombreuses "nominations". C'est le cas de The Patriot et In Old Arizona qui, avec 5 nominations, ont égalisé le record précédemment établi par 7th Heaven. Certains critiques et historiens s'entendent pour dire que 1929 est l'année la moins marquante au niveau des productions cinématographiques, illustrant du même coup le chaos de la transition entre le cinéma muet et parlant. On observe clairement lors de cette édition la proximité entre les studios et l'AMPAS, alors que plusieurs membres fondateurs ou personnes évoluant près de l'Académie se sont vus récompensés de la prestigieuse statuette, à tort comme à raison.

Outstanding Picture (Meilleur film)

The Broadway Melody
(Irving Thalberg & Lawrence Weingarden, Metro-Goldwyn-Mayer)


Alibi
(Roland West, United Artists)


The Hollywood Revue of 1929
(Irving Thalberg & Harry Rapf, Metro-Goldwyn-Mayer)

In Old Arizona
(Windfield Sheehan, Fox Film Corporation)

The Patriot
(Ernst Lubitsch, Paramount Pictures)

Deuxième récipiendaire officiel des plus grands honneurs, The Broadway Melody est quelque peu tombé dans l'ombre avec le temps (malgré qu'il ait dominé le box-office en 1929, amassant 4 millions de dollars). Premier film parlant à remporter le prix (une version muette existe également puisque plusieurs théâtres ne possédaient pas l'équipement nécessaire pour le projeter avec du son), c'est également la première comédie musicale à 100% parlée de l'histoire. Réalisé par Harry Beaumont, le film raconte l'histoire typique de deux sœurs qui tentent de percer la scène musicale de Broadway, avant qu'un triangle amoureux ne vienne compliquer les choses. Des séquences en couleurs faisaient partie du film original, ce qui a amorcé une tendance à utiliser le Technicolor dans plusieurs des comédies musicales de l'époque. Cependant, ces négatifs ont été perdus depuis, et seule la version en noir et blanc subsiste de nos jours. Il s'agit de la première comédie musicale du studio Metro-Goldwyn-Mayer (MGM), et le premier de trois prix (et dix nominations supplémentaires) pour le légendaire producteur Irving Thalberg. C'est par ailleurs l'un des trois seuls films à avoir remporté l'Oscar du meilleur film sans s'être vu récompenser dans une catégorie subsidiaire, les deux autres étant Grand Hotel et Mutiny on the Bounty.

Les autres films nommés incluent le mélodrame criminel Alibi de Roland West, le spectacle de variété The Hollywood Revue of 1929, le western In Old Arizona et la biographie The Patriot, réalisée par l'iconique Ernst Lubitsch. Si peu de choses sont à signaler pour le premier, The Hollywood Revue fait figure seule parmi le lot. Sans scénario, le film est en fait une succession de numéros musicaux qui servent à mettre en valeur les stars du studio MGM. On y remarque des performances de plusieurs célébrités ayant connu la gloire quelques années plus tard, notamment Joan Crawford, Norma Shearer, Buster Keaton, Lionel Barrymore et Laurel et Hardy. Contrairement à The Broadway Melody, les séquences en couleur de ce film subsistent encore.

In Old Arizona est pour sa part considéré comme le premier western majeur parlant. Coréalisé par Irving Cummings et Raoul Walsh (bien que ce dernier n'ait pas été crédité), il est surtout reconnu pour être le premier film parlant ayant été tourné à l'extérieur d'un studio. Walsh devait à l'origine réaliser le film et y jouer le premier rôle, mais un accident de voiture qui lui coûta un œil mit fin à sa carrière d'acteur. Ce jeu de chat et de la souris entre un bandit et un shérif a été nommé dans cinq catégories lors de la présente cérémonie.

L'histoire la plus triste revient à The Patriot, seul film nommé dans la catégorie "Meilleur film" de l'histoire des Oscars qui soit considéré comme perdu. C'est également le dernier film muet (à l'exception de The Artist) à être nommé dans cette catégorie, bien qu'une bande sonore ait été ajoutée en postproduction. Le film retrace un complot mortel organisé pour mettre fin au règne de l'Empereur de Russie Paul 1er, et met en vedette Emil Jannings (récipiendaire de l'Oscar du meilleur acteur l'année précédente), Florence Vidor et Lewis Stone. C'est l'un des premiers films hollywoodiens du réalisateur allemand Ernst Lubitsch qui fera sa marque sur le cinéma américain des années 1930. Quelques scènes du film existent encore aujourd'hui, mais aucune version complète n'a été retrouvée à ce jour.

Best Director (Meilleur réalisateur)

Frank Lloyd - The Divine Lady

Harry Beaumont - The Broadway Melody

Frank Lloyd - Drag

Irving Cummings - In Old Arizona

Lionel Barrymore - Madame X

Ernst Lubitsch - The Patriot

Frank Lloyd - Weary River

C'est Frank Lloyd qui remporte les grands honneurs de la réalisation lors de cette seconde cérémonie, qui voit la fusion entre les deux précédentes catégories de réalisation de la première édition des Oscars. Fait surprenant, Lloyd a été considéré pour trois films dans cette catégorie : The Divine LadyDrag et Weary River. Rappelons que l'année précédente, une personne pouvait, pour une seule catégorie, être nommée pour plus d'un film. On peut donc se questionner à savoir si l'on a récompensé Lloyd spécialement pour The Divine Lady ou pour l'ensemble de son travail dans la précédente année. Quoi qu'il en soit, il s'agit de sa première de deux statuettes, la seconde qu'il recevra quatre ans plus tard pour Cavalcade (qui remportera également l'Oscar du meilleur film). Lloyd est l'un des membres fondateurs de l'AMPAS, et sa victoire, ainsi que celle de Mary Pickford, a soulevé des doutes sur la crédibilité des prix remis aux gens de l'industrie.

The Divine Lady est probablement le plus connu des trois films pour lesquels Lloyd était en nomination. Ce drame historique a été tourné avec une trame sonore synchronisée et des effets sonores, mais aucun dialogue. Il est le seul de l'histoire des Oscars à avoir remporté le prix de la réalisation sans être nommé dans la catégorie "Meilleur film" (à l'exception de Two Arabian Knights l'année précédente où Lewis Milestone s'est vu remporter l'Oscar de la meilleure réalisation pour une comédie). Drag, longtemps considéré perdu, raconte quant à lui l'histoire d'un auteur tourmenté par deux femmes issues de milieux différents, alors que Weary River aborde le récit d'un gangster qui trouve rédemption à travers la musique lorsque emprisonné. Notons que ces deux films mettent en vedette Richard Barthelmess, nommé l'année précédente comme meilleur acteur.

Harry Beaumont, réalisateur de The Broadway Melody, décroche ici sa seule nomination en carrière. Salué techniquement à sa sortie, plusieurs critiques à l'époque ont dénoncé les nombreux clichés et l'histoire simpliste du film. Les plus grands succès du réalisateur proviennent de l'ère du cinéma muet, dont Beau Brummel avec John Barrymore. Un autre de ses films, Our Dancing Daughters, a été nommé lors de cette même cérémonie dans les catégories "Meilleur scénario" et "Meilleure direction photo".

Irving Cummings obtient également en 1930 sa première et seule nomination aux Oscars pour son travail exemplaire sur In Old Arizona. Entamant sa carrière devant la caméra, il fait le saut à la réalisation dans les années 1920, surtout dans des westerns. Toutefois, il est connu de nos jours comme ayant propulsé la carrière de nombreuses stars de comédies musicales dans les années 1930, notamment Carmen Miranda, Shirley Temple et Betty Grable.

Lionel Barrymore, un autre acteur devenu réalisateur, décroche sa première nomination pour Madame X, un drame de justice suivant un avocat qui défend sa mère qui l'a abandonné en bas âge. Dans l'effervescence de l'arrivée du cinéma parlant, Barrymore invente alors, pour ce film, le "boom mic", ce micro suspendu à une perche qui permet aux acteurs de se déplacer au sein du décor. Barrymore est plus connu de nos jours pour ses rôles dans Key Largo et It's a Wonderful Life, mais son seul Oscar d'interprétation lui sera décerné l'année suivante, lors de la 4e cérémonie des Oscars, pour le film A Free Soul. C'est également le grand-oncle de l'actrice Drew Barrymore.

Ernst Lubitsch complète ce palmarès toute étoile pour son travail sur The Patriot, obtenant ainsi sa première de trois nominations dans cette catégorie, toutes infructueuses. Toutefois, l'Académie lui décernera un prix honorifique en 1947 pour sa contribution au cinéma. Puisque The Patriot est considéré perdu, il est difficile de témoigner de son travail sur cette production. Cependant, quand on constate le succès de ses projets suivants (Trouble in ParadiseNinotchkaThe Shop Around the CornerTo Be or Not to BeHeaven Can Wait) on s'imagine que cette nomination était pleinement méritée.

Best Actor (Meilleur acteur)

Warner Baxter - In Old Arizona

George Bancroft - Thunderbolt

Chester Morris - Alibi

Paul Muni - The Valiant

Lewis Stone - The Patriot

Comme c'était le cas pour la première cérémonie, un acteur pouvait être considéré pour tous les films au sein desquels il a joué durant la période d'éligibilité. Warner Baxter, dans le rôle du Cisco Kid dans In Old Arizona, remporte donc la seconde statuette d'interprétation masculine de l'histoire des Oscars. C'est le seul prix qu'il remportera dans sa carrière, et on le connaît surtout pour ses rôles dans The Great Gatsby (1926), Penthouse42nd Street et The Awful Truth.

Les autres nommés sont également des acteurs bien établis à l'époque, à commencer par George Bancroft qui, pour le film Thunderbolt, décroche sa seule nomination en carrière. Bien qu'il soit davantage connu pour ses rôles dans Stagecoach et Mr. Deeds Goes to Town, sa performance dans le film de vendetta du célèbre réalisateur Josef von Sternberg est à souligner. Véritable habitué de Sternberg, on a pu le voir l'année précédente dans Underworld ainsi que dans The Docks of New York.

Plus grand encore est Paul Muni qui, pour sa performance dans The Valiant, obtient sa première de six nominations (il gagnera éventuellement pour The Story of Louis Pasteur en 1937). Dans son premier rôle au grand écran, il interprète un homme qui se livre aux autorités sous un faux nom après avoir commis un crime. Ce film établira Muni comme l'un des meilleurs acteurs de sa génération, et il s'illustrera dans les années 1930 dans ScarfaceI Am a Fugitive from a Chain-Gang et The Life of Emile Zola.

Les deux autres acteurs en compétition sont moins connus mais ont tout de même su faire leur place à Hollywood. Lewis Stone est reconnu comme une icône du studio MGM, pour lequel il a joué dans plus d'une vingtaine de films. Reconnaissable pour ses rôles dans Grand Hotel et la série Andy Hardy, il décroche sa première et seule nomination en carrière pour le drame The Patriot. Chester Morris connait quant à lui ses moments de gloire durant les années 1930. Il joue aux côtés de Norma Shearer dans The Divorcee et dans The Big House, notamment. Sa nomination provient du film Alibi également nommé dans la catégorie "Meilleur film", qui raconte l'histoire d'un policier qui tente de capturer un dangereux criminel.

Best Actress (Meilleure actrice)

Mary Pickford - Coquette

Ruth Chatterton - Madame X

Betty Compson - The Barker

Jeanne Eagels - The Letter

Corinne Griffith - The Divine Lady

Bessie Love - The Broadway Melody

Comme c'était le cas pour la première cérémonie, une actrice pouvait être considérée pour tous les films au sein desquels elle a joué au cours de la période d'éligibilité. Grande oubliée de la première édition des Oscars, c'est Mary Pickford qui, après avoir fait campagne auprès des membres de l'AMPAS, remporte la statuette pour sa performance (peu acclamée) dans Coquette. Rappelons au passage qu'elle est l'un des membres fondateurs de l'Académie, et qu'elle était mariée à son premier président, Douglas Fairbanks. Elle a invité à de nombreuses reprises des membres votants à prendre le thé chez elle, tandis que les autres actrices, n'étant pas aussi proche des têtes dirigeantes de l'Académie, n'étaient pas au courant qu'elles étaient considérées pour le prix. Ce lobby est l'un des premiers observés dans la course aux Oscars et est devenu une pratique courante de nos jours (quoique faite avec plus de subtilités). Ce sera toutefois le seul Oscar remis à Pickford, qui en remportera tout de même un, honorifique cette fois, en 1976. Elle interprète dans Coquette Norma Besant, une fille du sud des États-Unis qui est courtisée par un prétendant issu d'une classe sociale inférieure à la sienne.

Pour la première et seule fois de l'histoire, Jeanne Eagels est nommée à titre posthume pour son interprétation de Leslie Crosbie dans l'intrigue amoureuse au cœur de The Letter. Décédée subitement l'année précédente à 39 ans d'une surdose d'alcool et d'héroïne, elle a connu un bref succès dans les années 1910 et effectuait un retour au grand écran depuis 1927.

Des quatre autres nommées cette année-là, seule Ruth Charterton est parvenue à décrocher une seconde nomination aux Oscars après la présente. Interprétant Jacqueline dans Madame X, elle sera également nommée l'année suivante pour Sarah and Son, bien qu'elle soit probablement plus connue pour son rôle dans Dodsworth de William Wyler. Elle prendra sa retraite du cinéma en 1938 pour se concentrer au théâtre, au Royaume-Uni.

Bien qu'elle ait été créditée dans plus de 200 productions, Betty Compson est très peu connue de nos jours. Elle interprète dans The Barker une carnavalière qui s'éprend d'un fils d'avocat qui souhaite intégrer la troupe, au grand dam de son père. Ses autres films marquants incluent The Docks of New York de Josef von Sternberg et Mr. & Mrs. Smith d'Alfred Hitchcock.

Corinne Griffith était pour sa part une star du cinéma muet pour qui l'ajustement au cinéma parlant s'est fait avec difficulté. Elle prit sa retraite du cinéma en 1932 (à l'exception d'un petit rôle dans Paradise Alley en 1968) pour devenir écrivaine. Sa performance dans The Divine Lady sera toutefois saluée par la critique à sa juste part.

La carrière de Bessie Love est quelque peu à l'opposé de ses collègues en nomination, elle qui a évolué dans le monde du cinéma sans véritable interruption entre 1915 et 1983. La Britannique connait surtout du succès au cinéma muet (dans des rôles de filles innocentes), mais fait plusieurs apparitions à la télévision à partir des années 1950. Outre The Broadway Melody, elle joue notamment dans Chasing RainbowsThe Lost World et The Barefoot Contessa.

Best Writing (Meilleur scénario)

Hanss Kräly - The Patriot

Elliot Clawson - The Cop

Tom Barry - In Old Arizona

Hanss Kräly - The Last of Mrs. Cheyney

Elliot Clawson - The Leatherneck

Josephine Lovett - Our Dancing Daughters

Elliot Clawson - Sal of Singapore

Elliot Clawson - Skyscraper

Tom Barry - The Valiant

Bess Meredyth - A Woman of Affairs

Bess Meredyth - Wonder of Women

C'est cette catégorie qui se voit la plus chamboulée par le réaménagement effectué entre la première et la seconde cérémonie des Oscars. Le temps de deux éditions, les scénarios originaux et adaptés sont regroupés en une seule et unique catégorie, bien qu'on ait de toute évidence considéré plus de dix films pour l'octroi de la statuette. C'est le scénariste Hanss Kräly qui se voit récompensé de l'Oscar pour le film maintenant considéré comme perdu The Patriot, adapté d'une pièce d'Alfred Neumann et d'un roman de Dmitry Merezhkovsky. Kräly est également nommé pour un second film lors de la présente édition, The Last of Mrs Cheyney, ainsi que pour One Hundred Men and a Girl en 1938.

Fait surprenant pour l'époque, deux femmes y sont nommées : Josephine Lovett et Bess Meredyth. La première compte plus de 40 scénarios à son actif entre 1916 et 1935 et a eu une longue collaboration créative avec son mari, le réalisateur John Stewart Robertson. Our Dancing Daughters, qui lui vaut sa nomination, est un scénario audacieux pour l'époque qui met de l'avant deux femmes fortes et indépendantes (jouées par Joan Crawford et Dorothy Sebastian). Meredyth, qui décroche quant à elle deux nominations pour A Woman of Affairs et Wonder of Women, compte pour sa part plus de 140 crédits, dont plusieurs non-officiels après 1935. Elle est également l'un des membres fondateurs de l'AMPAS et a longtemps collaboré avec le producteur Irving Thalberg, jusqu'à sa mort en 1936. Tout comme Lovett, Meredyth a beaucoup collaboré - souvent anonymement - aux productions de son mari de l'époque : Michael Curtiz. Ces deux femmes ont grandement été oubliées des livres d'histoire concernant la période pré-code Hays d'Hollywood.

Le cas du scénariste Elliot Clawson est particulièrement singulier. Nommé pour quatre films en 1930, il se retire du cinéma dès l'année suivante, après y avoir travaillé pendant un peu plus de quinze ans. The Leatherneck aborde une étrange relation amicale entre deux soldats américains et un soldat allemand lors de la Première Guerre mondiale et met en vedette William Boyd et Robert Armstrong. The Cop, toujours avec ces mêmes deux acteurs, raconte l'histoire d'un policier qui, à son insu, aide et protège un gangster en l'hébergeant. Sal of Singapore, réalisé par Howard Higgin, traite du récit touchant d'un enfant abandonné et pris en charge par un homme et une femme qui ne se connaissent pas. Du même réalisateur, Skyscraper aborde les sujets de la dépression auprès de travailleurs d'une aciérie.

Tom Barry complète celle liste de nominations bien garnie pour les scénarios de In Old Arizona et The Valiant. Il décède un peu plus d'un an après cette cérémonie, à l'âge de 46 ans.

Best Art Direction (Meilleure direction artistique)

Cedric Gibbons - The Bridge of San Luis Rey

William Cameron Menzies - Alibi

William Cameron Menzies - The Awakening

Mitchell Leisen - Dynamite

Hans Dreier - The Patriot

Harry Oliver - Street Angel

Le directeur artistique est celui qui, sous la direction du chef décorateur (production designer), supervise l'aspect visuel d'un film, à l'exception de la caméra. Il doit donc coordonner les décors, de leur création à leur positionnement dans l'espace. Si cette catégorie existe encore aujourd'hui, elle a depuis 2012 été rebaptisée "Meilleurs décors", mais souligne toujours conjointement le chef décorateur et le directeur artistique. C'est Cedric Gibbons, le créateur de la fameuse statuette des Oscars, qui remporte les grands honneurs pour The Bridge of San Luis Rey. Véritable pilier de la direction artistique des débuts du cinéma, Gibbons se voit remettre le premier de onze prix qu'il accumulera tout au long de sa carrière (en 39 nominations), un record pour cette catégorie. Le film aux proportions épiques suit un prêtre qui, après l'effondrement d'un pont dans les Andes, se donne le mandat de retracer le passé de chacune des victimes connues.

William Cameron Menzies, le lauréat du premier Oscar remis à la direction artistique, est nommé à nouveau dans cette seconde édition à la fois pour son travail sur Alibi et The Awakening. Ce dernier est un film de guerre réalisé par Victor Fleming qui se déroule en Alsace. Rappelons qu'il est à l'origine du terme "production designer", que le producteur David O. Selznick lui a donné alors qu'il se dévouait corps et âme dans Gone with the Wind, film pour lequel il remportera sa deuxième statuette.

Mitchell Leisen est beaucoup moins connu que ses collègues susmentionnés, mais son travail sur Dynamite de Cecil B. DeMille est à souligner. Ce drame est de moins grande envergure que bien d'autres projets du célèbre réalisateur (The Ten CommandementsThe Greatest Show on Earth), mais était avant-gardiste pour son époque, notamment dans son acceptation du divorce comme solution dans les couples dysfonctionnels. Leisen est toutefois davantage connu comme réalisateur que comme directeur artistique.

Par un cafouillage quelconque, Street Angel se voit considéré dans deux cérémonies distinctes des Oscars, la seule fois que cela survient pour un film américain. Janet Gaynor, tête d'affiche du film, avait remporté la statuette de la meilleure interprétation féminine l'année précédente, et voici que le directeur artistique Harry Oliver décroche une nomination pour son travail en 1930. Oliver avait également été en nomination l'année précédente pour un autre film du réalisateur Frank Borzage, 7th Heaven. Il continuera son travail dans le milieu du cinéma jusqu'en 1938, puis deviendra auteur humoristique.

Hans Dreier était le directeur artistique officiel de la Paramount de 1927 à 1951, ce qui lui valut une myriade de nominations (23 au total) parmi près de 550 crédits. Il remportera les grands honneurs à trois reprises pour Frenchman's CreekSamson and Delilah et Sunset Blvd. C'est pour The Patriot qu'il décroche sa première nomination en carrière, un film d'Ernst Lubitsch avec qui il collaborera à de nombreuses reprises.

Best Cinematography (Meilleure direction photo)

Clyde De Vinna - White Shadows in the South Seas

Ernest Palmer - Four Devils

John F. Seitz - The Divine Lady

Arthur Edeson - In Old Arizona

George Barnes - Our Dancing Daughters

Ernest Palmer - Street Angel

La direction photo - ou photographie - concerne tous les aspects visuels du film, qui incluent la lumière et la caméra. C'est le rendu visuel, à l'exception des décors, accessoires et costumes. Clyde De Vinna est le second récipiendaire de l'Oscar pour son travail sur White Shadows in the South Seas. Ce film, coréalisé par Robert J. Flaherty (Nanook of the North) et W.S. Van Dyke, raconte l'histoire d'un médecin pris sur une île polynésienne et dégoûté du traitement réservé à la population locale. Il s'agit de la seule nomination de De Vinna, qui travailla notamment sur Trader Horn et Tarzan and His Mate.

Ernest Palmer décroche deux nominations ici pour Street Angel et 4 Devils. Le premier, tel que précédemment mentionné, est le seul film américain à avoir été nommé dans deux éditions différentes des Oscars, alors que le second, de F.W. Murnau, est présumé perdu. Palmer devra attendre douze ans avant de finalement remporter la statuette pour Blood and Sand, et sera nommé à nouveau en 1951 pour Broken Arrow.

Arthur Edeson est également un directeur photo émérite. Sa nomination pour In Old Arizona, premier film parlant à être tourné à l'extérieur d'un studio, témoigne de ses talents à manier la caméra. Il sera nommé lors de la cérémonie suivante pour le chef-d'œuvre de Lewis Milestone All Quiet on the Western Front et une dizaine d'années plus tard pour Casablanca, mais il travailla sur une multitude de projets distincts, du film d'horreur Frankenstein au film noir The Maltese Falcon. Il est l'un des membres fondateurs de l'American Society of Cinematographers (A.S.C.)

La carrière de John F. Seitz débute en 1909, mais c'est dans les années 1920 qu'il prend véritablement son envol pour s'inscrire comme l'un des meilleurs de sa profession. Pour The Divine Lady, il obtient sa première de sept nominations aux Oscars, dont la moitié proviennent de sa collaboration d'avec Billy Wilder (Five Graves to Cairo, Double Indemnity, The Lost Weekend et Sunset Blvd.) Il fut président de l'A.S.C. en 1929 et a beaucoup participé à l'avancement du cinéma, notamment avec l'invention du matte shot, ce procédé qui permet de superposer des peintures d'arrière-plan à des scènes, ainsi que ses techniques d'éclairage à faible intensité qui contribueront à la montée en popularité des films noirs dans les années 1940.

George Barnes complète ce palmarès bien rempli de prestigieux directeurs photo. Nommé lors de l'édition précédente, il obtient une seconde nomination pour Our Dancing Daughters, mais c'est son travail sur Rebecca d'Alfred Hitchcock qui lui fera décrocher sa seule statuette. Il travailla avec les plus grands de sa profession, ce qui lui vaudra 8 nominations.

Les incontournables

S'il est facile d'être cynique envers la cérémonie des Oscars, il ne faut pas, à notre humble avis, considérer le récipiendaire du meilleur film comme étant le meilleur film de l'année. Nous croyons plutôt qu'il faut voir les Oscars comme une occasion de trouver facilement certains des films qui ont marqué l'histoire du cinéma. Certains des plus grands films de l'histoire n'y obtiendront aucune nomination (on peut penser à The Good, The Bad and the Ugly, M ou In the Mood for Love), alors que certains films qui remportent les grands honneurs s'avèrent assez banals (CrashGreen Book ou Shakespeare in Love, pour ne mentionner que ces récents exemples). La plupart des films en lice ne marqueront pas les esprits, c'est évident. Par contre, il y a à chaque année certains films qui se démarquent et qui, avec du recul, s'apprécient beaucoup mieux aujourd'hui qu'à leur sortie. Ce sont pour ces perles du cinéma qu'il faut, nous croyons, garder un œil, même cynique, sur la cérémonie des Oscars. C'est un peu comme une gigantesque liste de films à voir, en fin de compte.

Mais tous les films ne sont pas nécessairement à voir. C'est pourquoi nous vous suggérons quelques-uns des films marquants de cette seconde édition des Oscars, question que vous ne perdiez pas inutilement de précieuses heures à visionner des films somme toute moyens. Voici donc, selon nous, les incontournables des films de cette édition :

Les grands absents

À chaque édition des Oscars, on parle presque autant des nommés que de ceux qui sont oubliés, snobés de la compétition. Cette édition n'y fait pas exception. Bien qu'ayant remporté l'Oscar dans la catégorie "Meilleure direction artistique", certains historiens dénoncent l'absence de nomination dans la catégorie "Meilleur film" de The Bridge of San Luis Rey, une production de très grande qualité pour l'époque.

Plusieurs des derniers classiques du cinéma muet ont également été boudés par l'Académie lors de la seconde édition des Oscars. C'est notamment le cas de The Wind du Suédois Victor Sjöström et de La passion de Jeanne d'Arc du Danois Carl Theodor Dreyer. Du côté de Hollywood, c'est l'absence de considération pour le réalisateur et acteur Erich von Stroheim, (The Wedding March), le réalisateur et acteur Buster Keaton (Steamboat Bill, Jr.) et l'actrice Greta Garbo (The Kiss, son dernier film muet).

Références

Robert Osborne, "75 Years of the Oscar", New York, Abbeville Press, 2003, 408 p.

Gail Kinn & Jim Piazza, "The Academy Awards : The Complete Unofficial History", New York, Black Dog & Leventhal, 2014, 384 p.

Tim Dirks, "1928–29 Academy Awards Winners and History"Filmsite, Rainbow Media, 24 juillet 2010.

The Academy Awards, https://www.oscars.org/oscars/ceremonies/1929.