Le réalisateur autrichien Josef von Sternberg fait le saut dans les années 1920 à Hollywood où il collabore avec Paramount sur sept films (dont plusieurs mettaient en vedette la célèbre Marlene Dietrich). Underworld est le premier de ces films produits par le studio, et son second nommé lors de la première cérémonie des Oscars (avec The Last Command). En fait, ses deux films se sont « affrontés » dans la catégorie du meilleur scénario original en 1929, et c’est Underworld, signé par Ben Hecht, qui en est ressorti gagnant. Avec le temps, ce film est venu à être considéré comme celui qui a lancé les films de gangsters aux États-Unis tels que nous les connaissons aujourd’hui, en plus d’établir von Sternberg comme l’un des réalisateurs les plus excitants des années 1920 et 1930.

L’histoire suit ‘Rolls Royce’ Wensel (Clive Brook), un ancien avocat qui a sombré dans l’alcoolisme. Prenant pitié de lui, le gangster ‘Bull’ Weed (George Bancroft) le prend sous son aile et parvient à le remettre sur le droit chemin. Les deux deviennent des confidents, alors que l’intelligence de Wensel contribue aux schèmes de Weed. Toutefois, lorsque Wensel tombe amoureux de ‘Feathers’ McCoy (Evelyn Brent), la femme de Weed, la dynamique entre les deux hommes est bouleversée.

Comme tous les autres films de von Sternberg, Underworld est très bien photographié, alliant plans ingénieux, jeux d’ombre menaçants et montage rapide de type whip-pan. Toutefois, ce qui fonctionne moins dans le film tient dans les jeux de caméra ainsi que la chimie entre ce trio d’acteurs. Weed est l’archétype du gangster américain à la Scorsese ou Coppola, bien qu’on ne puisse pas à proprement le catégoriser ainsi puisqu’il travaille seul (et non avec un gang). En ce sens, il ressemble davantage à un cowboy sorti d’un western, mais campé dans un contexte contemporain. McCoy est intelligente, sensible et relativement éthique pour quelqu’un qui, en apparence du moins, semble prête à quitter Weed à la première occasion. Mais c’est véritablement Wensel, joué par Brook, qui livre la meilleure performance du lot. Il transmet beaucoup d’émotions dans son jeu, sans que les intertitres n’aient besoin de faire deviner au public ses états d’esprit.

Underworld, bien qu’il ait sa part de scènes d’action, n’est peut-être pas aussi violent que les autres films de gangsters, mais on y retrouve définitivement quelques codes du genre, codes qui n’étaient évidemment pas définis à l’époque de sa sortie. On assassine un personnage chez un fleuriste (et la caméra se déplace vers une carte de souhait où il est écrit Rest in Peace), une fusillade en pleine rue survient, et globalement les « dialogues » sont intelligents et subtils, avec assez d’attitude pour qu’on comprenne le rapport d’autorité entre les personnages. La popularité du film à sa sortie explique probablement pourquoi Hollywood dans les années 1930 et 1940 produira de nombreux films du genre et, si certains seront plus dynamiques qu’Underworld, ce dernier demeure un exemple solide à suivre.

Je dois cependant avouer que je ne suis pas friand des films de gangsters, et donc, malgré toutes ses qualités, je ne peux m’empêcher de l’avoir trouvé bon, sans plus. Je crois toutefois que les amateurs du genre vont assurément y trouver leur compte, ne serait-ce que parce qu’ils tisseront des parallèles évidents entre lui et d’autres de leurs films favoris. Von Sternberg est assurément un réalisateur à découvrir, et personnellement son drame The Last Command m’a davantage parlé que celui-ci. Underworld demeure néanmoins un incontournable du cinéma muet et fait bonne figure parmi l’impressionnante filmographie du réalisateur.

Fait partie de la Collection Criterion (#529).

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