Justice League
Avec le succès d’Avengers en 2012, ce n’était qu’une question de temps pour que les rivaux de Marvel, DC Comics, proposent un film sur la Justice League, ce regroupement des principaux super-héros composé principalement de Batman, Superman, Wonder Woman, Flash et Aquaman. Les fans attendaient cette adaptation cinématographique avec impatience, et on ne peut pas dire que leur attente ait été récompensée. Subissant de nombreux problèmes (dont le départ de Zack Snyder à la réalisation et son remplacement par Joss Whedon), le film prend finalement l’affiche en 2017 et en moins de deux déçoit son public avec la confusion de son scénario et une impression d’empressement. Critique d’un film qui aurait dû propulser le DC Extended Universe (DCEU) vers de nouveaux horizons mais qui causera finalement sa perte.
On savait depuis Batman v Superman : Dawn of Justice que la franchise cinématographique se rapprochait de plus en plus vers la convergence des super-héros les plus populaires de l’univers DC. On les retrouve alors qu’une menace imminente se présente sous la forme de Steppenwolf (Ciarán Hinds), cet extraterrestre voulant s’emparer des trois « Boîtes-mères » qui, une fois unies, permettent d’éradiquer toute forme de vie et de créer un monde similaire à Apokolips, la terre-patrie de Steppenwolf. Les Amazones, les Atlantes et les humains ont jadis combattu côte à côte contre l’extraterrestre et ont juré de protéger les Boîtes-mères dans l’éventualité de son retour. Steppenwolf revient cependant à la surprise de tous et parvient à s’emparer de deux des trois Boîtes, alors que celle des humains, que l’on considère comme perdue, est toujours recherchée. C’est l’occasion idéale pour Bruce Wayne (Ben Affleck) de finalement mettre sur pied l’alliance de super-héros qu’il planifiait, et il fait appel à Wonder Woman (Gal Gadot), Flash (Ezra Miller), Cyborg (Ray Fisher) et Aquaman (Jason Momoa) pour tenter de contrecarrer les plans de Steppenwolf.
Le principal défaut du film réside dans son scénario asymétrique. Par la force des choses (ou l’empressement de la Warner), seuls trois films auront permis de mettre la table pour Justice League (quatre si l’on compte Suicide Squad, auquel on ne fait jamais référence ici). C’est malheureusement trop peu, alors que le film doit tenter de présenter adéquatement trois des cinq membres de la Ligue tout en faisant avancer la trame principale du récit. Le studio a pris le pari de présenter les origines d’Aquaman et de Flash dans des films subséquents, ce qui affecte évidemment la construction narrative de l’histoire. Ce faisant, la première moitié du film sert à établir la création de la Ligue, ce à quoi on superpose toute la mythologie entourant les Boîtes-mères (dont on n’avait jamais entendu parler auparavant). Mais c’est véritablement la seconde moitié du film qui fait défaut, alors que les raccourcis scénaristiques s’enchaînent aussi rapidement que maladroitement. On dose difficilement le temps à l’écran des protagonistes, reléguant du même coup Wonder Woman et Superman (Henry Cavill) à un rôle accessoire. Le résultat semble bâclé et contraire à la vision d’origine de Snyder, qui voyait ce film beaucoup plus ambitieux qu’il ne l’est finalement.
On s’attend de Justice League à un film épique, la culmination de ce que le DCEU a de mieux à offrir, et c’est tout le contraire qui nous est offert ici. Sa durée limitée d’à peine 120 minutes fait qu’il se déroule à un rythme effréné et que le rendu est confus par moments. On ne s’intéresse jamais vraiment à Steppenwolf et à ses motivations (qui ressemblent à s’y méprendre au plan de Zod dans Man of Steel, soit d’éradiquer l’espèce humaine et de restructurer la Terre pour la rendre habitable à son espèce). Tout semble précipité, surtout dans les dernières 30 minutes, ce qui fait que le film s’intéresse davantage à la formation de la Ligue qu’à l’enjeu qui l’unit, malheureusement.
Si les néophytes sont tout de même familiers à l’histoire de Batman et Superman, ils le sont beaucoup moins en ce qui concerne Cyborg, Flash et Aquaman. On ne peut dire que le film fait un bon effort pour rendre justice à ces personnages. Cyborg est ce monstre du Dr. Frankenstein moderne qui concilie difficilement son passé d’humain et sa nouvelle vie robotique. Flash est l’adolescent peu confiant en ses moyens (et à qui on semble avoir donné le mandat de divertir le public avec son humour enfantin), dont les pouvoirs sont très mal expliqués malgré leur importance significative. Aquaman est enfin cet Atlante dont on ne connait que peu de choses, mais qui se détache de la représentation ridicule qu’on en a fait dans le passé. Toutefois, on ne rend jamais véritablement justice à l’ensemble de ces protagonistes ici. La chimie opère difficilement entre tous ces super-héros, contrairement aux Avengers qui sont bien malgré eux devenus la référence dans le domaine.
On pourrait parler longtemps de ce qui fait de Justice League une occasion ratée, et si le film ne mérite pas à 100% toutes les critiques à son sujet, il faut admettre que le résultat est un gâchis sur toute la ligne. On n’est jamais assez investis dans les enjeux au cœur de l’intrigue, ce qui fait que sa conclusion hâtive nous laisse complètement indifférents. Les nombreux problèmes de rythme donnent une impression de désorganisation flagrante caractéristique des problèmes qu’a subis la production. Même la certaine légèreté que l’on a ajoutée ne parvient pas à en faire un film vraiment attachant. Les militants pour la diffusion de la version de Zack Snyder seront finalement écoutés, alors qu’elle devrait prendre l’affiche en 2021. Espérons que cette version soit moins chaotique et récompense l’investissement des amateurs du DCEU, qui déçoit toujours un peu plus après chaque film.