Suicide Squad
Quelques mois seulement après la sortie de Batman v Superman : Dawn of Justice, le DC Extended Universe prend de l’expansion et, pour une fois, quitte le confort de ses deux protagonistes favoris pour s’intéresser au Suicide Squad, ce groupe de vilains instrumentalisé par le gouvernement américain afin de créer un contrepoids face à une potentielle attaque de super-héros. À mi-chemin entre le concept de Guardians of the Galaxy et le style de Deadpool, Suicide Squad est en quelque sorte un premier essai à l’élaboration d’un film interrelié aux précédents mettant de l’avant une multitude de nouveaux protagonistes, en marge de la sortie attendue de Justice League à peine un an plus tard. Si tout dans ce projet fait appel à la culture populaire, on ne peut s’empêcher de penser que le film est une occasion ratée de présenter quelque chose de nouveau dans un univers cinématique qui s’enfonce de plus en plus dans un trou dont il sera difficile de se sortir.
Un an après la mort de Superman, Amanda Waller (Viola Davis) parvient à convaincre le gouvernement américain de donner le feu vert au Task Force X, son projet visant à créer une escouade constituée des pires criminels, en échange de la promesse d’une peine réduite d’emprisonnement. Du lot, on fait la connaissance de Deadshot (Will Smith), un tueur à gages qui n’a jamais raté sa cible et qui cherche à retrouver un jour sa liberté pour rejoindre sa fille, Harley Quinn (Margot Robbie), une ancienne psychiatre qui, éprise d’une fascination inconditionnelle envers le Joker (Jared Leto) s’est transformée en son pendant féminin, du pyromane devenu pacifiste El Diablo (Jay Hernandez), du mutant cannibale Killer Croc (Adewale Akinnuoye-Agbaje) et du voleur australien Captain Boomerang (Jai Courtenay). On donne au groupe la mission de protéger Midway City, aux prises avec les agissements d’Enchantress (Cara Delevingne), alias June Moone, une chercheure devenue possédée par un ancien maléfice.
On sent dès les premiers instants du film que le réalisateur David Ayer veut créer un effet badass autour de ses protagonistes, supposément les pires vilains qui soient. Chacun obtient sa brève présentation sur les airs d’une chanson populaire (de ‘Sympathy for the Devil’ à ‘House of Rising Sun’) et sa « fiche technique » qui veut tirer profit de l’esthétisme rétro des années 1980 O(voir ci-haut). Ce faisant, on établit rapidement, quoique impersonnellement, leurs caractéristiques propres. Si ce visuel et la forme particulière que prend la trame narrative sont séduisants au départ, on s’en lasse rapidement, surtout parce qu’on se sent gavé par cette stimulation de culture populaire.
De même, on pousse la note quant aux prétentions « méchantes » des personnages, que l’on présente comme des vilains suprêmes, mais qui ne sont jamais assez menaçants pour qu’on adhère totalement à ce fait. On tente de nous rendre empathique envers eux en nous expliquant les raisons (souvent louables) qui font d’eux des antagonistes, et en temps normal j’apprécie qu’on essaie d’apporter certaines nuances aux personnages, mais ici on aurait souhaité s’abandonner au plaisir coupable d’observer de vrais antagonistes faire ce qu’ils font de mieux. Will Smith et Margot Robbie sont assurément les plus charismatiques du lot (on donne d’ailleurs beaucoup de place à Harley Quinn, le plus intéressant des personnages, mais qu’on sent objectifiée), et le reste du groupe n’est que peu ou pas intéressant à suivre. Tous jouent avec rigidité et ne parviennent pas à insuffler de vie à leur personnage.
Mais c’est peut-être davantage dans sa construction narrative que Suicide Squad perd de la crédibilité. Le film est très mal rythmé, alors que les premières 20 minutes sont remplies d’informations et de chansons populaires, tandis que le reste du film s’avère être une lente promenade dans les rues désertes de Midway City, promenade emplie de dialogues inutiles et impertinents. La menace ne parait pas assez réelle, surtout parce que les sbires d’Enchantress sont anonymes (littéralement, puisqu’ils n’ont pas de visages) et n’opposent aucune véritable résistance face au Suicide Squad. Toutes les péripéties tombent à plat et nous laissent sur notre faim.
Le public a possiblement fondé beaucoup d’espoir dans la présence du Joker dans le film, qui est finalement pratiquement absent du récit. Leto fait somme toute un bon travail pour amener un peu de nouveauté à un personnage souvent représenté au cinéma, mais on ne lui laisse jamais la place qui lui est due. On espère qu’il aura l’occasion de développer le personnage davantage dans les prochains films du DCEU, mais on doute que l’occasion se présente un jour. Il en va de même pour la plupart des personnages secondaires du film, à qui on ne laisse jamais la chance de briller et qui nous désintéressent.
Suicide Squad est un film particulièrement oubliable, qui ne parvient jamais véritablement à offrir quelque chose d’intéressant et de nouveau malgré sa signature visuelle singulière. Ses personnages ne sont pas assez intéressants pour qu’on s’y attache et l’intrigue qu’il propose est tout simplement vide. On espère que la nouvelle mouture de la franchise, pilotée par James Gunn, saura revitaliser ces anti-héros prometteurs.