Il aura fallu trois ans après la sortie de Man of Steel pour que le prochain opus du DC Extended Universe voie enfin le jour. Accusant un retard de près de dix ans sur ses rivaux de Marvel Studios, Warner Bros. a rapidement compris que sa seule chance de succès est d’offrir (relativement) rapidement tout ce que les fans attendent depuis de nombreuses années : la Justice League. Batman v Superman : Dawn of Justice entend donc mettre la table pour tous les projets solos à venir (Wonder WomanSuicide Squad et Aquaman) en plus de nous livrer un aperçu de ce que pourrait donner cette fameuse rencontre entre tous les superhéros majeurs de DC. Le résultat, décevant à sa sortie, s’apprécie toutefois davantage comme un amuse-bouche aux épisodes à venir que comme un film à part entière.

Après un générique d’introduction qui nous présente encore une fois (quoiqu’assez brièvement) l’enfance traumatisante de Bruce Wayne (Ben Affleck) et les origines de Batman, on le retrouve à l’âge adulte au moment où Man of Steel s’est terminé. Bruce vient tout juste d’arriver à Metropolis alors que Superman (Henry Cavill) et Zod (Michael Shannon) s’affrontent dans un duel sans merci aux dommages collatéraux dignes du 11 septembre 2001. Wayne assiste impuissant à la destruction de la ville et à la mort de plusieurs de ses employés, et on comprend rapidement qu’il voit en ces extraterrestres une menace envers la civilisation. Il part donc en quête d’une façon de pouvoir contenir Superman, une quête qui est également menée en parallèle par Lex Luthor (Jesse Eisenberg), un jeune entrepreneur intelligent qui, ayant repris les rennes de la compagnie de son père, entend mettre la main sur de la kryptonite pour forger une arme qui pourrait vaincre Superman.

Il n’est pas anodin d’avoir placé le nom de Batman en premier dans le titre du film. Le Chevalier Noir est en effet au centre du récit, reléguant Superman à un simple rôle de soutien. Ce serait apparemment une décision du studio, qui voyait Batman comme davantage attrayant financièrement parlant que Superman, malgré le succès commercial de Man of Steel. Par contre, on y retrouve davantage Bruce Wayne que son alter-ego ici, probablement parce qu’on a déjà eu droit à de nombreuses adaptations du superhéros dans le passé et qu’on a souhaité aborder le personnage de façon différente. Affleck remplit habilement son mandat avec son interprétation d’un Bruce plus âgé, faisant fi des nombreuses critiques à son encontre depuis son annonce comme successeur à Christian Bale (qui avait lui aussi reçu son lot de critiques avant de faire taire ses détracteurs, décidément les fans sont des éternels insatisfaits!) J’aurais toutefois souhaité qu’on traite Batman et Superman à part égale, car, si on comprend bien les motivations de Bruce quant à son ambition à contenir Superman, l’inverse est plus difficile à avaler. Le « litige » qui les oppose pourrait aisément se régler avec une bonne vieille conversation entre eux deux, mais avouons que visuellement parlant ce serait assez peu intéressant. Montés l’un contre l’autre par Lex (dont l’interprétation nerveuse et chaotique d’Eisenberg rappelle davantage un Joker que le principal antagoniste de Superman), le duel final les opposant sera parfois spectaculaire, parfois générique, mais surtout inégal et, au final, impertinent. Après tout, on sait bien qu’ils finiront par s’allier dans Justice League, non?

Si son histoire centrale s’avère n’être que de peu d’intérêt, on visionne davantage Dawn of Justice pour ce qu’il a à apporter aux prochains opus. En ce sens, la version théâtrale nous donne l’impression d’un scénario brouillon rempli de « fan service » générique, ce qu’une version rallongée (qui ajoute près de 30 minutes à un film déjà assez long) permet d’approcher avec plus de douceur. Flash, Cyborg et Wonder Woman sont toujours aussi mal amenés (la consultation de dossiers confidentiels d’une équipe qui traque les superhéros est probablement la pire façon d’introduire des personnages), mais on a davantage le temps de souffler dans cette succession de scènes visant à établir des arcs narratifs développés ultérieurement. Les principaux protagonistes de Man of Steel sont de retour, à qui l’on ajoute Alfred (Jeremy Irons), Wonder Woman (Gal Gadot) et la sénatrice Finch (Holly Hunter). Comme si ce n’était pas suffisant, Doomsday fait également sa première apparition ici, un vilain qui a une importance relative au sein des comics mais qui, visuellement parlant, est assez inintéressant. Dawn of Justice a déjà l’ampleur du Justice League à venir, sans toutefois avoir suffisamment préparé le terrain auparavant, contrairement à Marvel qui, au moment de la sortie de The Avengers, avait déjà cinq films en banque. L’empressement du studio à vouloir construire rapidement son univers cinématographique est palpable, et c’est peut-être ce qui aura causé leur perte, au final.

Là où Marvel a décidé de proposer un style différent avec chacune de ses franchises solo (autant dans le ton qu’avec leur visuel), DC entend plutôt créer un ensemble uniforme très sombre et pour un public averti. C’est le type de situation qui passe ou qui casse, qui rejoindra un certain public tout en en rebutant un autre, plus néophyte. Il est évident que si Warner Bros. avait décidé de construire cet univers comme l’a fait Disney, le studio aurait probablement été critiqué. Cette ambiance sinistre, où le réalisme prime (caméra à l’épaule, surutilisation de la technologie, etc.) ne m’a pas particulièrement dérangé, et j’ai même davantage apprécié le visuel de Dawn of Justice à celui de Man of Steel, anonyme et impersonnel. Il l’est encore un peu ici, mais on a retiré le filtre « cartoonesque » à la 300 qui laissait transparaître la grande quantité d’images générées par ordinateur. C’est peut-être aussi parce qu’il y a moins d’action dans ce chapitre que dans le précédent, chose que j’ai apprécié, mais qui pourrait assurément laisser le public sur sa faim.

Batman v Superman : Dawn of Justice est une prémisse avouée à ce que le DCEU entend offrir par la suite. Sorte de carrefour entre les différentes trames narratives, il ne parvient jamais véritablement à proposer quelque chose de différent, bien qu’il établisse (enfin) d’autres superhéros de l’univers, ce que les fans vont assurément apprécier. Il est grand temps de délaisser Batman et Superman et de s’intéresser aux autres personnages qui forment la mosaïque DC. Avec du recul, il est plus facile d’apprécier le film puisque lorsque visionné de façon rapprochée avec les chapitres suivants, on le perçoit moins comme un cash-grab vide et plus comme le second épisode d’une série télévisée. Je comprends toutes les frustrations du public à sa sortie, mais avec le temps on constate que Dawn of Justice peut être l’un des meilleurs films de la franchise, pour autant que vous fassiez partie du public qui n’a pas décroché à partir de ce moment.

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