Tempest
Tout comme The Last Command sorti la même année, Tempest de Sam Taylor se déroule à la veille de la Révolution d’Octobre de 1917, qui verra le peuple renverser l’aristocratie russe. Toutefois, on y suit en quelque sorte un transfuge, le sergent Ivan Markov (John Barrymore), issu de la paysannerie, qui tente de s’élever socialement et de faire ses classes dans l’armée russe. Les choses se compliquent cependant lorsqu’il tombe amoureux de la princesse Tamara (Camilla Horn), qui évidemment dédaigne la classe populaire, s’attirant également les foudres du prétendant de celle-ci (Ullrich Haupt). Alors que la première moitié du film est relativement paisible, tout est chamboulé dans la seconde lorsque la Révolution s’amorce.
Tempest est le genre de film à avoir connu une production houleuse. Plusieurs réalisateurs étaient pressentis pour le faire (Lewis Milestone, Erich von Stroheim et Victor Tourjansky, entre autres, qui ont tous contribué au film sans toutefois en recevoir le crédit), le rôle de Tamara est passé à quatre actrices (dont Dorothy Sebastian, qui a travaillé quatre semaines sur le film avant d’être remplacée), et j’en passe. Si habituellement c’est le signe d’un film problématique, ce n’est toutefois pas le cas ici, car Tempest, sans être un chef-d’oeuvre, est un bon film, marqué toutefois par un certain manque d’originalité.
L’un des faits d’arme du film tient assurément dans ses décors, conçus par William Cameron Menzies (qui remportera l’Oscar lors de la première cérémonie de l’histoire). Il est l’un des pionniers du métier, et il démontre l’étendue de son savoir-faire ici. Combinés aux incroyables jeux d’ombres du directeur de la photographie Charles Rosher, le rendu visuel est sublime, et c’est la principale raison qui fait que l’on veuille visionner Tempest, puisque son histoire d’amour, ou même le retournement de situation lorsque les paysans sont au pouvoir, sont tous mieux faits dans The Last Command ou d’autres films romantiques de l’époque. Une attention particulière est également apportée aux costumes, dont les tons (noir et blanc) font écho à l’évolution de Markov et de Tamara.
La distribution est de haut niveau, surtout avec le soutien de Louis Wolheim (Two Arabian Knights, The Racket) et George Fawcett, mais Horn est sous-utilisée dans une romance des moins crédibles. Barrymore est cependant excellent, son personnage traversant divers états d’esprit tout au long du film. L’histoire m’a tout simplement semblée trop familière pour vraiment m’investir à fond, mais Tempest est un film qui remplit son mandat. On peut critiquer le fait que l’action ne se déroule pas dans beaucoup de lieux, ou encore dénoter le peu de personnages, qui ne font pas justice à l’immensité de la Russie, mais ce sont tous des éléments qui se retrouvent dans d’autres films de l’époque, largement inspirés du théâtre. Si vous outrepassez ces éléments, vous trouverez votre compte dans cette production somme toute de bonne qualité.