La réputation de Tim Burton n’est plus à faire. Il fait partie de ces rares réalisateurs dont on peut aisément identifier le style – visuel, auditif ou narratif – et qui a fait à la fois des films atypiques et populaires. Plusieurs de ceux-ci se sont inscrits dans notre imaginaire collectif, et ont permis de faire connaître de nombreux acteurs (Michael Keaton, Johnny Depp), actrices (Winona Ryder, Helena Bonham Carter) et artisans (Danny Elfman). Riche d’une filmographie de près de vingt films, voici mon palmarès de ses meilleures productions.

Beetlejuice (1988)

Film qui a fait tourner bien des têtes à sa sortie, Beetlejuice a véritablement lancé la carrière de Burton. Son deuxième long métrage comporte dès lors plusieurs éléments stylistiques associés à son œuvre : des personnages atypiques, de l’humour noir, une ambiance morbide, une trame sonore reconnaissable (signée Danny Elfman), et des décors lugubres.

Les esprits d’un couple défunt (Alec Baldwin et Geena Davis) sont agacés par la nouvelle famille qui a emménagé dans leur ancienne maison, et décident d’embaucher un esprit malicieux, Betelgeuse (Michael Keaton), pour la chasser. Le film a servi de tremplin pour la carrière de Keaton et celle de Winona Ryder, qui interprète la fille de la famille. Bien que certains gags aient mal vieilli (ce qui est le cas de plusieurs comédies, avouons-le), Beetlejuice s’est inscrit comme l’un des films d’Halloween de prédilection, et a donné un relent de popularité à la chanson ‘Day-O’ de Harry Belafonte, dans une scène finale aussi saugrenue que surprenante. Une suite est en préparation depuis plusieurs années, mais on attend encore les détails du projet.

Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street (2007)

Plusieurs ont été surpris de constater, après avoir acheté des billets pour la projection en 2007, que Sweeney Todd était en fait une comédie musicale. Et une de Stephen Sondheim de surcroit, lui qui est connu pour des chansons qui mettent davantage de l’avant les textes et non la musicalité. C’était aussi, en excluant ses films d’animation, la première tentative de Tim Burton à ce genre cinématographique, et il réussit sur toute la ligne.

Le film raconte la légende de Sweeney Todd (Johnny Depp), un barbier qui, ayant été emprisonné injustement, décide de se venger du viol et de l’assassinat de sa femme en tuant les véritables coupables, avec l’aide de Mrs. Lovett (Helena Bonham Carter), la propriétaire d’une pâtisserie située sous le salon de barbier. Méritant grandement d’être revisité, ce film est le parfait mélange entre l’exubérance et le macabre, caractéristiques de l’œuvre de Burton, et les décors de Dante Ferretti sont tout simplement à couper le souffle. Londres n’a jamais paru aussi sale et dangeureuse à l’écran.

Edward Scissorhands (1990)

Film qui a propulsé Johnny Depp vers la gloire, Edward Scissorhands est un autre exemple de l’amour de Tim Burton pour les personnages atypiques. On ne peut l’être plus que ça! Sorte de Frankenstein moderne, Edward (Depp) a été construit de toute pièce par « L’inventeur » (Vincent Price, l’idole de jeunesse de Burton), mais il est inachevé, car son créateur est mort. Au lieu de mains, il possède des ciseaux, ce qui l’empêche évidemment de totalement s’intégrer à la société ultra-homogène qui borde son château, et au sein de laquelle il sera plongé.

Une grande partie du film fonctionne en raison des impressionnants « décors en plastique » qui lui donnent un visuel tiré d’une comédie à situation des années 1950. Mais il y a également un hommage au cinéma muet et à l’humour burlesque (inévitable lorsque le protagoniste principal a des lames au lieu des doigts) qui confèrent un charme indéniable au film. La distribution inclut notamment Winona Ryder, Anthony Michael Hall, Dianne Wiest et Allan Arkin, qui jouent tous des personnages plus étranges les uns que les autres.

Edward Scissorhands est disponible sur Disney+.

Batman (1989)/Batman Returns (1992)

Il m’a été difficile de trancher entre les deux adaptations de Batman, alors je les ai mis sur le même pied d’égalité! Chacun possède un cachet particulier tout en étant en continuité avec le style visuel de Burton. Dans Batman, Bruce Wayne (MIchael Keaton) doit freiner les plans du Joker (un exquis Jack Nicholson) qui entend empoisonner Gotham avec son gaz hilarant. Batman Returns, campé dans la période des fêtes, diversifie sa galerie de vilains, alors que le Pingouin (Danny DeVito), Catwoman (Michelle Pfiffer) et Max Shreck (Christopher Walken) tentent à leur tour de faire leur loi à Gotham, à travers la politique cette fois.

Il est difficile aujourd’hui d’imaginer le cinéma sans super-héros. Si le Marvel Cinematic Universe a pu exister aujourd’hui, c’est en raison des succès de Batman, qui est véritablement le premier film de super-héros moderne crédible. Les effets spéciaux n’étant pas générés par ordinateur à l’époque explique probablement pourquoi c’est un genre qui a tardé à se développer (malgré des séries-télés risibles, mais populaires, et la franchise Superman, très inégale). Burton est parvenu à faire ce que peu de gens ont fait depuis : allier film d’action populaire à film d’auteur. Les décors sont plus grands que nature et l’influence de l’expressionnisme allemand s’y fait sentir plus que jamais, ce qui donne aux films une saveur loin des ‘recettes’ que l’on voit aujourd’hui. Burton a osé, et ça a payé gros, puisque c’est Batman (et son succès monstre) qui aura prouvé aux studios qu’il y avait une place pour lui au sein d’Hollywood.

Sur une note plus personnelle, je crédite beaucoup ces deux films pour mon amour des jeux d’ombres, des décors industriels gothiques et du macabre. On retrouve évidemment ces aspects dans les films allemands des années 1930, dans plusieurs films noirs et à travers l’œuvre de Terry Gilliam, mais Batman a laissé sa marque sur l’enfant que j’étais, et c’était assurément les premiers pas de mon intérêt envers le cinéma.

Batman & Batman Returns sont disponibles sur Crave (avec abonnement à Starz).

Ed Wood (1994)

La meilleure de ses œuvres et pourtant sa plus méconnue, Ed Wood est un petit bijou s’intéressant à l’un des personnages les plus notoires d’Hollywood. Burton s’est probablement reconnu dans ce réalisateur raté des années 1950. Acclamé comme le pire réalisateur de l’histoire, Wood, qui était également un travesti, n’a qu’une passion : le cinéma. En complète admiration devant l’art de faire un film, il a dirigé de nombreux projets devenus célèbres par leur médiocrité, tels Glen or Glenda et Plan 9 from Outer Space. Ici, on le retrouve alors qu’il tente de faire ce dernier, en collaborant avec Bela Lugosi (Martin Landau, lauréat d’un Oscar pour ce rôle), un acteur déchu, mais extrêmement populaire dans les années 1930 pour son rôle de Dracula.

J’ai une appréciation particulière envers les films qui portent sur le cinéma, et cette biographie, certes d’un personnage en marge d’Hollywood, permet de nous plonger dans une époque révolue où l’on pouvait faire un film à partir de rien et qu’on pouvait aspirer au succès populaire via le bouche-à-oreille. Les années 1950 étaient les années de gloire des films de ciné-parcs, friands des productions de série B dont le seul but est de divertir. Mais le cœur du récit, ou du moins sa portion la plus touchante, est la rencontre entre Wood et Lugosi, son idole, qui ne peut croire que l’acteur veuille bien jouer dans son film. La solide interprétation de Depp, combinée à une direction photo en noir et blanc des plus sublimes, a de quoi séduire, même si on n’y retrouve peut-être pas l’exubérance des décors de la plupart des projets de Burton. Un film à découvrir, si ce n’est déjà fait!

Ed Wood est disponible sur Disney+.

 

Mentions honorables : The Nightmare Before Christmas (qui n’a pas été réalisé par Burton, mais qui est inspiré de son univers), Big FishCharlie and the Chocolate Factory, Sleepy Hollow

Pour écouter notre épisode rétrospectif sur Tim Burton, c’est par ici!

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