Première adaptation cinématographique moderne du super-héros iconique Batman. C’est dans les mains de Tim Burton, un très jeune réalisateur connu à l’époque que pour Pee-wee’s Big Adventure et Beetlejuice, que reposait le sort du justicier masqué. Pari risqué pour la Warner Bros., mais qui s’est avéré particulièrement réussi, comme le témoigne son box-office, son prix aux Oscars pour meilleurs décors, ainsi que l’héritage et l’influence du film au fil du temps. Une virée excentrique à Gotham s’impose!

La genèse du Joker

Dès les premiers instants du film, on plonge dans l’univers sinistre de Gotham, ville du vice et du crime. Une jeune famille, sortant du cinéma, se fait surprendre par des malfrats dans une ruelle malfamée. De l’ombre surgit le justicier masqué, celui que l’on appelle Batman, qui vient rétablir l’ordre et freiner les malfaiteurs. Mais qui est ce surhomme dont tout le monde parle? C’est la question à laquelle tentent de répondre le journaliste Alexander Knox (Robert Wuhl) et la photographe Vicki Vale (Kim Basinger), tous deux à l’embauche du Gotham Globe. Tentant d’obtenir de l’information, ils se retrouvent à une soirée caritative chez le millionnaire philanthrope mystérieux Bruce Wayne (Michael Keaton), où se trouve l’élite de Gotham.

Parallèlement, Jack Napier (Jack Nicholson), le bras droit du criminel notoire Grissom (Jack Palance) se retrouve avec la lourde tâche de subtiliser des documents importants dans une usine de produits chimiques. Ceci est toutefois un guet-apens pour faire arrêter Napier et l’écarter du pouvoir de la part de Grissom. La situation tourne éventuellement au vinaigre, alors que la police et Batman tentent de l’emprisonner. Suivant une confrontation avec le Chevalier Noir, Napier fait une chute dans un bassin de produits toxiques, altérant à la fois son état physique et mental. Nait donc le Joker!

Alors que la plupart des premiers films de super-héros ont tendance à vouloir montrer la genèse de leur protagoniste principal, Batman emprunte plutôt la voie contraire en présentant l’origine du plus fameux vilain de l’univers du justicier masqué (voire même peut-être de tous les comics). D’entrée de jeu, Batman est donc déjà bien actif dans la purification de Gotham. C’est un pari relativement audacieux, surtout puisque le passé du Joker a toujours été nébuleux dans les bandes-dessinées. De lui donner un nom et le présenter comme un criminel avant même sa transformation, en plus de le tenir responsable de la mort des parents de Bruce Wayne, est une chose. Mais de tenir responsable Batman dans la transformation de Napier en Joker est d’un tout autre niveau. On comprend ainsi rapidement la motivation des deux personnages dans leur haine mutuelle.

Le Joker tente au fil du récit d’exterminer la population de Gotham en la transformant à son image à l’aide de produits toxiques et de « gaz hilarant ». C’est une situation que Batman voudra à tout prix rectifier pour ramener la relative quiétude au sein de la métropole.

Un typique Tim Burton

Peu connu à l’époque, il est facile aujourd’hui d’affirmer que ce premier Batman« moderne »est le premier vrai test de Tim Burton pour faire embarquer le grand public dans son univers. Si on ressent quelques influences de Beetlejuice et de ses premiers courts-métrages, il ne fait aucun doute que Batman lui aura permis de perfectionner son ambiance glauque, surréaliste et éclatée, typique des Edward Scissorhands, Sleepy Hollow, Big Fish et Charlie and the Chocolate Factory de ce monde. Film sombre et somme toute sérieux (malgré quelques touches d’humour), le film va fortement inspirer les trois autres opus des aventures du Chevalier Noir au cours des années 1990. On est bien loin des « Pow! » et « Shlam! » d’Adam West!

Les somptueux décors gothiques et steampunk sont si brillamment créés qu’on croit vraiment crédible ce Gotham sale et industriel. On a l’impression de regarder une maquette (aujourd’hui peut-être plus qu’à l’époque), mais le tout est étonnamment crédible, pour des raisons qui nous échappent. C’est signe qu’on est en présence d’un grand film de Burton, dont plusieurs de réalisations récentes sont beaucoup moins bien réussies (Dark Shadows et Miss Peregrine’s Home for Peculiar Children nous viennent en tête). Peut-être sommes-nous aujourd’hui saturés de cette ambiance qui fait fort contraste avec le réalisme maladif des productions cinématographiques actuelles? Qu’importe, Batman est somptueux, même trente ans après sa sortie.

Jack Nicholson vole la vedette

Le rôle du Joker a toujours été crucial dans l’univers de Batman. Jack Nicholson incarne parfaitement le vilain, et ce, avec une aisance déconcertante. Ayant avoué lui-même avoir adoré interpréter ce personnage en raison des nombreuses libertés que permet le rôle, il brille à l’écran avec ses dialogues acerbes et ses mimiques. Il a tout simplement le visage de l’emploi! Nicholson pave ainsi la voie aux performances plus qu’exceptionnelles de Heath Ledger et Joaquin Phoenix venues par la suite. Bref, on se réjouit qu’il ait accepté le rôle, lui qui était hésitant au départ, mais qui s’est laissé convaincre en échange d’un pourcentage des recettes (lui rapportant au passage 60 millions de dollars).

Michael Keaton est quant à lui plus discret, mais tout aussi efficace dans le rôle de Bruce Wayne/Batman. Après avoir brillé l’année précédente dans Beetlejuice (dans lequel il interprétait un personnage assez similaire au Joker), Keaton connaitra finalement un succès international suite à son interprétation du Chevalier Noir. Plusieurs affirment même qu’il serait le meilleur interprète de Batman à ce jour (ex-aequo avec Christian Bale, nous croyons). C’est Kim Basinger qui déçoit quelque peu, notamment en raison de son rôle accessoire à l’histoire. Ses nombreux cris nous semblent agaçants, mais elle parvient à atteindre le juste milieu entre femme fatale et femme forte. Robert Wuhl est finalement très convainquant et vient détendre l’atmosphère à de nombreuses reprises au cours du film. Bref, c’est une distribution quasi-impeccable.

L’un des meilleurs films de super-héros

En somme, Burton, sans le savoir, nous a offert en 1989 l’un des meilleurs films de super-héros de l’histoire. Un récit simple mais complet, des performances exceptionnelles et une ambiance réussie ont permis d’élever Batman au sommet. Il est assez rare, même de nos jours, de voir ce genre de films se rendre jusqu’aux Oscars, et encore plus d’y remporter les grands honneurs. Immense succès commercial qui entraînera plusieurs suites, le film jette les bases d’un super-héros que l’on retrouvera beaucoup par la suite. Ce film, comme tant d’autres au cours des années 1990, viendra élever Burton au rang des réalisateurs les plus marquants de l’histoire.

Fait partie des 1001 films à voir avant de mourir.

Fait partie du top 250 d’Alexandre (#97).

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