Un homme du vingtième siècle, Miles Monroe (Woody Allen), se réveille en 2173 après avoir été conservé en hibernation pendant deux cents ans en raison d’une opération qui a mal tourné. II se retrouve dans une société soumise à l’autorité d’un dictateur et les savants qui l’ont réanimé veulent se servir de lui pour contribuer à la révolution qui se prépare. Miles parvient à s’échapper des autorités en se déguisant en robot, et il devient le domestique de Lana (Diane Keaton), qui lui vient en aide contre son gré d’abord, puis avec plus d’enthousiasme lorsqu’elle aussi se joint aux autres révolutionnaires. Miles apprend que le dictateur est mort, mais que des savants veulent le ressusciter par clonage. Il doit donc empêcher sa résurgence à tout prix.

C’est le succès populaire du segment sur l’éjaculation de son précédent long métrage qui aurait inspiré Allen à faire le saut vers la science-fiction dans ce nouveau projet. Bénéficiant des conseils du très réputé auteur de science-fiction Isaac Asimov, le comique se transpose deux siècles plus tard dans une Amérique dystopique digne des plus grands romans du genre. Ce contexte se prête évidemment bien à la comédie, mais surtout à la critique sociale des États-Unis des années 1970. Si les flèches sont nombreuses (et parfois peu subtiles) envers Nixon et le gouvernement de l’époque, on peut se surprendre à voir Allen opter plus souvent qu’autrement pour de l’humour burlesque tiré du cinéma muet.

Ce style d’humour n’est pas, à mon avis, celui qui sied le mieux au comédien, bien qu’ici le tout dérange peut-être un peu moins que dans de précédents projets (comme Bananas). Les scènes ne sont pas à tout coup drôles, mais elles cadrent mieux dans l’univers du film qu’auparavant, alors qu’Allen interprète un robot relativement muet. On ne s’étonne pas du fait qu’il avait l’intention de faire de Sleeper un film 100% muet, en hommage aux Chaplin, Lloyd et Buster Keaton, bien qu’il se soit finalement révisé. On notera néanmoins la scène où un énorme soufflé prend vie et attaque Miles, qui plaira aux amateurs du genre.

L’acteur perfectionne néanmoins ce qu’il avait amorcé avec Everything You Always Wanted to Know About Sex en juxtaposant un dialogue contemporain à une époque différente, donnant lieu à nombre de gags anachroniques (ou plutôt parachroniques puisque nous sommes dans le futur) qui fonctionnent pour la plupart. L’une des plus efficaces est probablement la scène où on lui demande d’identifier des célébrités des années 1970, qui offre les meilleurs rires.

Mais Sleeper, peut-être pour la première fois dans la filmographie d’Allen, a davantage que la comédie à proposer. Ses nombreux décors futuristes, pour la plupart de véritables endroits aux États-Unis, donnent au film un visuel singulier plutôt efficace. On est loin d’une superproduction qui aurait eu le luxe de construire ses propres décors, mais les différents lieux de tournage, qui semblent tout droit sortis de A Clockwork Orange, sont très bien réussis, nous montrant que Allen prend plus que jamais ses aises derrière la caméra et qu’il est capable de donner une identité à ses films.

Il faut également mentionner la chimie qui unit l’acteur à Diane Keaton, dans une première collaboration de plusieurs à venir. L’actrice interprète très bien son rôle et adhère à l’univers créé par le comique. Le reste de la distribution, plus oubliable, vient tout de même rehausser la qualité de leur jeu. Au final, Sleeper n’est peut-être pas aussi drôle qu’il aurait pu l’être, mais, pour la première fois de la filmographie d’Allen, on retrouve une certaine linéarité, un récit continu. Cela amène un vent de fraîcheur tout en nous montrant que le cinéaste est capable de construire autre chose qu’une succession de one-liners. On aurait pu s’attendre à un peu plus de ce film, salué par la critique et le public à l’époque, et s’il frappe un peu moins fort de nos jours, il a contribué à faire d’Allen une référence en matière de comédies, et, avec du recul, a été la bougie d’allumage des succès à venir de l’Américain.

Fait partie des 1001 films à voir.

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