Bananas
Après s’être fait larguer par sa copine activiste Nancy (Louise Lasser), Fielding Mellish (Woody Allen), un testeur de nouvelles inventions, décide de voyager à San Marcos pour prendre part à la révolution qui s’y déroule, question de la reconquérir. Le nouveau dictateur en place, le général Vargas (Carlos Montalban), veut faire mal paraître les révolutionnaires et ordonne à ses hommes, déguisés en rebelles, de tuer Mellish. Parvenant à s’échapper, il est toutefois capturé par les vrais révolutionnaires et finit par joindre leur cause.
Deuxième long métrage d’Allen (en excluant l’expérience What’s Up, Tiger Lily?), Bananas vise moins dans le mille que son précédent Take the Money and Run. Si ce dernier alliait plusieurs styles d’humour, le présent film parvient difficilement à s’éloigner du burlesque inspiré du cinéma muet et qui, tout compte fait, n’est pas la force d’Allen, malgré son physique rachitique s’y prêtant. Si le film commence sur les chapeaux de roues avec une couverture de type sportive du coup d’État à San Marcos, on délaisse rapidement cet humour intelligent et cynique pour se rattacher à de la comédie physique, très hit or miss, qui rate plus souvent qu’autrement ici.
L’intérêt de Bananas réside peut-être dans son message social des révolutions qui ont secoué l’Amérique latine à l’époque, de même que dans les années suivant la sortie du film, et dans la couverture médiatique sensationnaliste qu’en a fait la presse américaine. Toutefois, Allen a avoué lui-même ne pas avoir voulu faire de message politique, et qu’une telle analyse n’est venue que bien après la sortie du film, alors que ces révolutions se sont multipliées dans les décennies suivantes. Abordant davantage la situation à Cuba dans les années 1960, Allen tente seulement, comme c’est le cas de toute bonne comédie, de parodier un événement d’actualité de l’époque, sans plus.
Il y a néanmoins quelques éléments comiques ici et là qui parviennent à nous garder investis, mais bien moins que l’on aurait cru avec ce sujet. Outre le segment introductif intéressant (qui devient cependant redondant lorsque recyclé à la fin du film), il y a une scène surréaliste et assez cocasse de commande au restaurant, ainsi que quelques one-liners intéressants, mais sans plus. Même la scène du tribunal, qui fait supposément la renommée du film, n’est pas aussi mordante qu’on l’aurait cru.
Louise Lasser, la première femme et muse d’Allen (dont la ressemblance est frappante avec Liv Ullmann, actrice fétiche et amante d’Ingmar Bergman, réalisateur qui aura d’ailleurs une grande influence sur l’Américain) est charmante à souhait, bien que son personnage soit peu développé. Elle s’intègre à une distribution secondaire efficace, mais oubliable (outre peut-être la brève apparition d’un jeune Sylvester Stallone).
Jouissant d’un certain succès critique et commercial, il n’en demeure pas moins que Bananas est l’un des films d’Allen qui a le moins bien vieilli, ou du moins qui est relativement oubliable au sein de son impressionnante filmographie. Le génie comique apprend encore les rouages du métier et peaufine peu à peu son style d’écriture, mais avec du recul, on constate qu’il excelle surtout lorsque la comédie s’allie au dramatique, ce qui n’est pas le cas ici.