Pour la première fois de sa carrière, Woody Allen s’essaie au film à sketchs; formule qui, si on se fie à ses précédents projets, devrait cadrer dans le style d’humour de prédilection de l’Américain. Et en effet, si le résultat est loin d’être parfait, le 4e long métrage du comédien vise juste en abordant – ou plutôt, en ridiculisant – la sexualité, l’un de ses sujets de prédilection.

Le film se compose de sept vignettes à qualité variable, mais qui « tentent » toutes de répondre à un questionnement au sujet du sexe. D’entrée de jeu, on nous plonge dans l’Angleterre médiévale pour aborder les aphrodisiaques, alors que le fou du roi (Allen), tombé amoureux de la reine (Lynn Redgrave), essaie de l’amadouer avec une concoction spéciale. Puis, on fait le saut aux États-Unis contemporains pour explorer la sodomie (ou plutôt la zoophilie) avec le docteur Ross (Gene Wilder) qui s’éprend d’une chèvre et qui est prêt à tout perdre pour concrétiser son amour.

On joue ensuite sur tous les fronts en abordant coup à coup l’orgasme féminin (avec en vedette Louise Lasser et Allen à nouveau), le travestisme, le fétichisme, la recherche scientifique et l’éjaculation, dans des contextes tout aussi variés. L’ensemble s’inspire (ou parodie plutôt) un livre du même titre, très populaire à l’époque, publié par David Reuben. La légende veut même qu’Allen ait fait ce film « revanche » après que Reuben a volé l’une de ses blagues sans lui en donner le crédit. Si certains des titres de chapitres proviennent directement du livre, le contenu des sections n’a cependant rien à voir avec ledit ouvrage.

Comme dans tout film à sketchs, certains frappent plus fort que d’autres. Toutefois, son efficacité sera variable selon l’auditoire en raison des différents styles d’humour qui sont à l’œuvre. J’ai pourtant trouvé que chacune des vignettes avait quelque chose de suffisamment intéressant pour garder notre intérêt. Je crois cependant qu’Allen a gardé le meilleur pour la fin, et que tous s’entendront pour dire que le segment sur l’éjaculation – mettant en vedette Burt Reynolds – est le plus comique du lot.

On sent avec ce film qu’Allen prend ses aises derrière la caméra. Sa réalisation est plus assumée, dans un projet au budget plus considérable et aux proportions plus grandes que précédemment. Il peut laisser aller sa folie et concrétiser ses idées, comme un gigantesque sein qui se promène dans la campagne en tuant des gens. Poussant à l’extrême chacun des sujets, il met de l’avant l’absurdité d’une analyse parfois trop développée du sexe dans notre société moderne, critiquant du même coup la psycho-pop au lendemain de la révolution sexuelle.

Allen est passé maître dans l’art de superposer un élément absurde à un élément de la vie de tous les jours, et cela se reflète notamment dans le segment sur le fétichisme qu’on aborde avec un quiz télévisé des plus étranges. Ce segment est peut-être le mieux dosé du lot, alternant brillamment entre critique sociale et comédie, en plus de pouvoir y retrouver des personnalités de l’époque comme John Barry et Regis Philbin. Les cinéphiles trouveront probablement davantage leur compte dans une parodie d’un film d’Antonioni où Allen et Lasser (son ex-femme de l’époque) explorent l’orgasme à la façon d’un film italien.

Vous l’aurez compris, il est un peu difficile d’analyser Everything You Always Wanted to Know About Sex en raison de sa nature hétéroclite, mais s’il y a une chose à tirer de ce visionnement, c’est qu’Allen saisit maintenant qu’il ne peut pas faire un film complet en ne poussant qu’un gag ou qu’un concept (comme il l’a fait avec What’s Up, Tiger Lily ? et Take the Money and Run), et ce format plus concis sied mieux à sa vision. Le tout est un ensemble de vignettes au fil conducteur clair, peut-être inégal par moments, mais qui aborde (enfin !) un sujet un peu plus sérieux que ce à quoi il nous avait habitués jusqu’à présent dans sa filmographie.

Laissez un commentaire