L’histoire tragique de Sid Vicious et Nancy Spungen est un exemple parmi tant d’autres des ravages que peuvent causer la dépendance à la drogue. Alors bassiste d’un groupe punk britannique en voie de connaître la gloire, Sid fait la rencontre de Nancy, qui viendra tout changer. Alex Cox semble plus intéressé à dépeindre la déchéance dans l’enfer de la drogue qu’à faire une biographie musicale typique, sur un sujet qui, avouons-le, n’a pas eu une vie aussi remplie que Freddie Mercury ou Elton John, pour ne nommer que ces récents exemples portés à l’écran. Une descente aux enfers, Sid & Nancy en est une, mais c’est également un récit d’amour inconditionnel qui est très beau et contrastant avec la laideur du film.

Le film s’ouvre sur le décès de Nancy (Chloe Webb) où un Sid (Gary Oldman) visiblement confus nous attend. Il est emmené au poste de police et tente de raconter aux policiers ce dont il se souvient. On est alors plongé en 1977 chez une amie commune, Linda (Anne Lambton), où les deux font connaissance. Sid vient tout juste d’être embauché comme nouveau bassiste des Sex Pistols, et le groupe doit se produire le soir même. Leur histoire d’amour commence véritablement quelques jours plus tard, alors que Sid donne de l’argent à Nancy pour qu’elle leur procure de la drogue. Après quelques péripéties, ils se retrouvent enfin pour partager de l’héroïne. Ils tombent alors amoureux, tout en se droguant de plus en plus. Sid devient rapidement difficile à gérer et est poussé hors des Sex Pistols l’année suivante. Il débute ensuite une carrière solo avec Nancy comme gérante, et les deux errent entre les taudis de Paris et New York, leur consommation d’héroïne augmentant constamment. Ils perdent ainsi peu à peu contact avec la réalité.

Mentionnons-le d’entrée de jeu, les fans des Sex Pistols pourraient être déçus de la représentation qu’a fait Cox de Sid. On ne peut en effet s’empêcher de penser qu’il est l’image qu’on se fait du personnage. On n’a pas droit à un discours nuancé sur sa vie privée, ou sur la scène punk en général. Débauche, sexe et mode de vie malsain sont au rendez-vous. En fait, Cox s’est empressé de faire le film quelques années seulement après la mort de Sid pour être certain qu’on n’ait pas droit à une version polie, soignée et glamour de sa vie. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, car ce genre de films veut souvent mettre en valeur son sujet, et n’hésite pas à tamiser certaines situations peu flatteuses. Toutefois, plusieurs ont déploré le peu de crédibilité de sa représentation, ce qui ne m’a pas particulièrement choqué, n’étant pas un grand amateur du groupe.

Il faut souligner les performances incroyables d’Oldman et de Webb, qui portent le film sur leurs épaules. Ils sont présents dans pratiquement toutes les scènes, et leur chimie est palpable. Malgré toutes les situations perturbantes qu’ils vivent, on trouve leur histoire d’amour plutôt adorable. Leur amour inconditionnel s’apparente celui à Roméo et Juliette (qui a inspiré le titre du film) dont le pacte de suicide qu’ils signent ensemble est l’un des exemples les plus marquants. Des deux, Webb tire à mon avis mieux son épingle du jeu, en personnifiant Nancy comme une personne très énervée et bruyante, alors qu’Oldman, qui a perdu beaucoup de poids pour le rôle, est plus réservé, dans un quasi-coma continuel.

Cette déchéance s’exprime également à l’écran, grâce au travail toujours exceptionnel du directeur photo Roger Deakins (1917, Blade Runner 2049). Après que le studio a refusé à Cox de tourner en noir et blanc, il donne la directive à Deakins de faire une dégradation des couleurs au fil du récit. Plus le film avance, moins on perçoit de couleurs, et l’image devient de plus en plus monochromatique. C’est un procédé simple mais efficace qui ajoute à l’ambiance glauque, voire sale, du film. On passe aussi de grands environnements à un relatif huis clos claustrophobique lorsque le couple arrive dans leur « appartement » de New York. Plus on avance dans l’histoire, plus un inconfort généralisé se fait sentir.

Cette ambiance chaotique s’exprime aussi avec la cacophonie constante qui y règne. Quand ce n’est pas Nancy qui crie, ce sont tous les personnages qui parlent les uns par-dessus les autres, avec des accents très marqués. En ce sens, cela nous rappelle le récent Uncut Gems, où l’auditoire est hyper stimulé, donnant par moments le tournis.

Sid & Nancy ne plaira pas à tout le monde. S’il rappelle des films comme Trainspotting ou Requiem for a Dream, il est à mon avis plus lourd que ces derniers. Ne vous attendez pas à trouver une lueur d’espoir à la fin du visionnement. Il vous fera sentir mal tout du long, tout en plaignant le choix de vie tumultueux du célèbre couple. Cox n’est pas nécessairement moralisateur ; il laisse les spectateurs se faire leur propre interprétation de l’usage de drogues dures. Ce n’est toutefois pas un visage très flatteur de la scène punk des années 1970, et il ne nous donne pas envie de devenir une rockstar.

Fait partie de la Collection Criterion (#20).

2 commentaires

  1. La Collection Criterion (#21-30) – Ciné-Histoire sur juillet 21, 2020 à 3:31 am

    […] avoir terminé la deuxième dizaine avec le bruyant Sid & Nancy, les bandes-annonces des films 21 à 30 nous laissaient présager une dizaine presque entièrement […]

  2. La Collection Criterion (#11-20) – Ciné-Histoire sur juillet 21, 2020 à 3:47 am

    […] plus satisfaisante, bien que je ne sache pas quand j’aurai envie de me torturer à nouveau. Sid & Nancy est un peu aliénant également, se présentant comme une véritable descente dans l’enfer de la […]

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