Judy Garland est probablement l’actrice la plus connue de sa génération. Ayant obtenu le rôle de Dorothy dans The Wizard of Oz face à Shirley Temple, elle a été propulsée au sommet d’Hollywood entre les années 1940 et 1960, où elle a participé à de nombreux projets, notamment le second A Star is Born en 1954. Avant de sombrer dans la dépendance (période abordée dans le récent Judy), la présence de l’actrice et chanteuse dans divers films garantissait presque instantanément leur succès. En 1944 paraît donc Meet Me in St. Louis, comédie musicale se concentrant cette fois sur l’histoire de quatre sœurs d’âges différents et leurs aventures pendant un an. Pari réussi pour la MGM et pour Vincente Minnelli (le mari de Garland) à la réalisation, car le film amasse près de douze fois son budget en recettes, tout en étant encore considéré aujourd’hui comme un classique du temps des Fêtes, malgré que la scène de Noël ne dure qu’une vingtaine de minutes.

Rose (Lucille Bremer), Esther (Garland), Agnes (Joan Carroll) et « Tootie » (Maragret O’Brien) sont les quatre filles de l’avocat Alonzo Smith (Leon Ames) et sa femme Anna (Mary Astor, Two Arabian Knights). La famille est particulièrement aisée et vit avec les grands-parents et leur bonne dans une immense maison victorienne d’un quartier huppé de St. Louis au Missouri. L’année prochaine, en 1904, la ville doit accueillir une foire mondiale qui attirera des millions de visiteurs de partout à travers le monde. Les quatre filles Smith ainsi que leur frère Lon Jr. (Henry H. Daniels, Jr.) vivront plusieurs aventures dans l’année menant à l’exposition, mais menant aussi à leur départ imminent vers New York. D’un rite de passage enfantin à l’Halloween à une proposition de mariage au téléphone, les cinq enfants connaîtront de hauts moments émotionnels en demeurant solidaires à travers les épreuves qui les attendent.

Le ton de Meet Me in St. Louis est très affirmé dès les premières scènes. Alors que Agnes rentre à la maison et enfile des souliers trop grands pour elle, elle se met à chanter « Meet me in St. Louis » en ayant de la difficulté à marcher et en exagérant ses pas. Esther demande à la bonne de manger plus tôt ce soir, puisque Rose doit recevoir un coup de fil de son prétendant qui est à New York et doit la demander en mariage (ce ne peut être que ça, étant donné que Warren (Robert Sully) dépense une somme impressionnante pour l’appeler longue-distance, et pourquoi débourserait-il autant si ce n’est pas pour la demander en mariage?). La mère, en cuisine, s’affaire à préparer la soupe, que chacun goûte tour à tour en entrant dans la pièce, la jugeant trop sucrée, trop salée, trop aigre et trop épaisse, en modifiant chacun la recette, jusqu’à ce que le père de la famille, après une longue journée où il a perdu sa cause, admette que la soupe est tout simplement parfaite. Il n’en fallait pas plus : le film sera particulièrement comique, dans les situations et par les réactions des personnages.

Dans l’année qui nous est présentée (divisant le film en quatre parties identifiées par les saisons qui défilent), les plus vieux enfants Smith connaîtront l’amour et l’espoir, tandis que les cadettes vivront leurs propres histoires entre amis. Si la famille est bien confortable à St. Louis, l’annonce d’un déménagement imminent à New York pour le travail d’Alonzo ne réjouira personne. Esther devra dire adieu à son voisin John (Tom Drake) après plusieurs mois de courtise de part et d’autre, et Tootie refusera catégoriquement de quitter la ville, dans une scène crève coeur se déroulant en plein hiver.

En fait, le film présente des filles et femmes particulièrement fortes tout au long du récit, à commencer par la mère qui, lorsqu’elle apprend que son mari a été relocalisé, réagit fortement à la nouvelle en disant simplement que la famille pourra se passer de son paternel pendant quelques mois, et que chacun attendra son retour en continuant à mener son quotidien. De la même manière, Esther n’hésite pas une seconde à faire comprendre à John ses intentions, et c’est elle qui initiera les rencontres et les rapprochements. Rose, plus vieille, est bien contente quand son amoureux lui téléphone, mais ne compte pas nécessairement sur une demande en mariage pour être accomplie, ce qu’elle se plait à répéter à ses sœurs. Finalement, la bonne est en excellente posture au sein de la famille Smith, quand elle décide notamment de ne servir qu’un maigre bol de soupe à ses membres, desservant même la table après quelques secondes, sans être victime des vociférations auxquelles on pourrait s’attendre du père.

Au-delà de l’esprit communautaire qui se dégage des personnages, et après avoir été époustouflé des décors et des costumes, les performances chantées tout au long du film laisseront un beau souvenir au spectateur, à commencer par une scène d’une seule prise lors de laquelle Esther chante dans un tramway en mouvement à travers la ville. On entendra aussi à quelques reprises la chanson titre du film, et on aura droit à une émouvante interprétation de Have Yourself a Merry Little Christmas lors d’un moment charnière du récit. Judy Garland prouve encore une fois que sa voix est envoûtante, peu importe son registre.

Même s’il n’a pas remporté les quatre Oscars pour lesquels il était en nomination, Meet Me in St. Louis est un spectacle du début à la fin. Les thèmes, bien ancrés dans une époque lointaine, semblent intemporels tellement ils sont bien traités. Les couleurs sont éclatantes, les personnages particulièrement attachants, les situations réussissent à faire rire et, si les décors et costumes impressionneront les spectateurs, c’est plutôt la chimie entre les acteurs qui marquera après le visionnement. Réussite sur toute la ligne, le film fait maintenant partie de plusieurs palmarès des films de Noël, malgré une courte scène se déroulant à cette période. Celle-ci, cependant, est puissante et pleine de signification dans le récit, représentant le point culminant de toute l’année à laquelle on vient d’assister et nous donnant du même coup un aperçu de ce qui est encore à venir pour la famille. Meet Me in St. Louis est donc ce film qu’on peut regarder à n’importe quelle saison, et qui amènera son lot de chaleur au milieu de l’hiver.

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