Depuis que j’ai découvert Kiss Kiss Bang Bang, la première réalisation de Shane Black (lui qui a également écrit trois des quatre Lethal Weapon et Last Action Hero), ce qui m’a le plus frappé est à quel point c’est un film dont pratiquement personne n’a entendu parler. Cette comédie d’action brisant le 4e mur (style très à la mode dans les années 2000, probablement en raison du succès du scénario d’Adaptation. de Charlie Kaufman) est complètement passée sous silence à sa sortie, peut-être en raison du fait qu’on ne connaissait pas suffisamment Black (qui réalisera par la suite Iron Man 3 et The Nice Guys, une autre comédie très sous-estimée). Ou peut-être encore est-ce dû au fait que ses deux acteurs principaux, Robert Downey Jr. et Val Kilmer, voyaient leur carrière battre de l’aile? Quoi qu’il en soit, à toutes les personnes à qui j’ai désespérément tenté de faire connaître le film, tous m’ont dit avoir apprécié leur expérience. Kiss Kiss Bang Bang est donc de ces perles rares que vous pouvez proposer à répétition lors de soirées entre amis, jusqu’à ce que ceux-ci se laissent finalement convaincre, et vous remercient une fois le visionnement terminé.

Fuyant la police après un cambriolage raté à New York, le voleur Harry Lockhart (Downey Jr.) se retrouve par hasard dans une séance de casting pour un film hollywoodien. Convaincant dans la peau d’un détective privé, il est aussitôt engagé par la production. Le truand décide alors de jouer le jeu et accepte de rencontrer à Los Angeles Perry (Kilmer), un détective privé homosexuel aux méthodes expéditives, qui va l’aider à préparer son rôle. Lors d’une soirée, Harry est présenté à l’actrice Harmony Faith Lane (Michelle Monaghan), en qui il reconnaît une ancienne camarade de classe dont il était secrètement amoureux. Or, les choses prennent une tournure inattendue lorsque la jeune femme demande au faux comédien, qu’elle croit être un vrai détective, d’enquêter sur la mort suspecte de sa sœur.

Inspiré du roman Bodies Are Where You Find Them de Brett Halliday, Black signe possiblement ici son meilleur scénario en carrière. Nous proposant un néo-noir humoristique, il parvient non pas à réinventer les comédies d’action, mais plutôt en faire une qui nous surprend véritablement. Le cinéphile que je suis a vu des tonnes de films similaires qui prennent peu de risques et qui offrent au final plusieurs versions d’un même récit. Die Hard, pour toutes les qualités qu’on puisse lui trouver, est un film très conventionnel dans son fond comme dans sa forme. J’ai donc tendance à surévaluer des films qui me prennent au dépourvu, qui tentent de présenter la même recette mais sous un angle différent (ou, dans ce cas-ci, une structure différente). Ici, chaque nouvelle surprise nous prend de court et fait étonnamment bien avancer l’histoire. On y retrouve bon nombre de situations sorties tout droit d’une comédie, mais qui s’appliquent tout de même au présent récit. Uriner sur un cadavre? Se faire couper sectionner même doigt à deux reprises? On dirait des segments tirés de Série noire. Le duo Lockhart-Perry est celui qui fait fonctionner ces situations puisque chacun des acteurs sait donner le bon ton à son personnage. Downey Jr. nous livre un individu maladroit, dépassé par les événements, qui tente seulement de garder la tête hors de l’eau face à chaque nouvelle adversité. Kilmer est quant à lui posé, stoïque, en parfait contrôle de ses moyens. Leur dynamique fonctionne à merveille et rend chaque nouvelle embûche intéressante (et hilarante!)

Habituellement, un film policier a une durée de vie assez limitée. Lorsqu’on connait le dénouement de l’enquête, un deuxième visionnement peut être intéressant pour voir les quelques indices dissimulés à travers le film, mais c’est tout. Pourtant, avec Kiss Kiss Bang Bang, je ne me souviens jamais de la façon dont Lockhart, Perry et Lane résolvent l’enquête. C’est en partie dû au fait que Black, pour tout le crédit qu’on peut lui donner, propose une histoire très confuse aux nombreux retournements de situations, et dont le plaisir ne se trouve pas dans la conclusion du récit, mais plutôt dans le chemin à parcourir pour s’y rendre. C’est un peu le même sentiment qui m’habitait lors du visionnement de Knives Out, bien que le style narratif soit différent en tout point. On est très peu intéressé par le cas, et plus par les dialogues savoureux qu’on nous propose, qui font du remplissage, certes, mais qui nous tiennent investis tout du long.

Le film porte bien son nom, puisque pour faire tout bon film à succès (du moins, dans la mentalité des producteurs d’Hollywood), il faut des femmes et des fusils. Le titre se moque ainsi des autres films du genre, mais également des nombreux clichés de la construction narrative des films traditionnels. Le bris du 4e mur apporte un vent de fraîcheur, alors que Lockhart narre le film au moment où il se produit, ou presque. Cynique et intelligent, Downey Jr. pose pratiquement les bases de son personnage de Tony Stark. Il se moque évidemment beaucoup de l’establishment hollywoodien (le film fait en effet beaucoup de références au cinéma, lui qui est campé dans cet univers également), mais il critique aussi les nombreux Américains qui pensent un jour pouvoir faire fortune en Californie. Alcool, drogue et sexe sont au rendez-vous, et qui de mieux que Downey Jr. (tout juste sorti d’un centre de réhabilitation) pour porter ce message haut et fort. Il ne faut voir trop de profondeur dans un scénario dont ce n’est pas l’objectif, mais en ce qui me concerne, l’humour et les thématiques sont particulièrement venus m’atteindre.

Je ne suis pas friand des comédies d’action, ce qui explique peut-être pourquoi j’ai davantage apprécié Kiss Kiss Bang Bang, plus préoccupé à nous faire rire des films du même genre que de cadrer dans le moule. C’est le genre de film qui se pose les mêmes questions que vous, au même moment que vous le faites, et qui ridiculise les films qui utilisent ces raccourcis scénaristiques. Ceux qui aiment les grosses scènes d’action pourront par moments être déçus, bien qu’on ait droit à une scène finale tout de même ambitieuse. Si vous ne connaissez pas ce film, il vaut assurément le détour.

Fait partie du top 100 de Jade (#71).

Fait partie du top 250 d’Alexandre (#117).

1 commentaire

  1. Coups de cœur de la rédaction – Ciné-Histoire sur décembre 21, 2020 à 8:10 am

    […] prédilections se retrouvent dans notre article sur les faux films de Noël, plus spécifiquement Kiss Kiss Bang Bang et Brazil, bien que je n’attende pas précisément le temps des Fêtes pour les visionner. […]

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