Kingsman: The Golden Circle
En 2014 le monde faisait la connaissance de Gary ‘Eggsy’ Unwin, un adolescent britannique qui aspirait à devenir le prochain membre des « Kingsman », cette organisation aux airs de MI6, mais indépendante. Le premier film de la franchise, adapté de la bande dessinée du même nom, a donc emprunté plusieurs des codes hérités de la série des James Bond, tout en s’en détachant pour proposer un récit nettement plus violent et graphique, rappelant l’esthétique particulière de Kick-Ass, du même réalisateur. Si les aventures de l’organisation connaîtront un deuxième volet illustré (The Red Diamond, paru en 2018), Vaughn n’attend pas la sortie avant de se retrouver derrière sa propre suite, qui n’a donc rien à voir avec la seconde bande dessinée.
Ce second opus nous entraîne rapidement dans son aventure centrale quand Eggsy (Taron Egerton) rencontre Charlie (Edward Holcroft) à la sortie du tailleur, alors que tout laissait croire que ce dernier avait été tué lors de l’explosion simultanée des puces dans le cou des alliés de Valentine (Samuel L. Jackson) la dernière fois. Les intentions de Charlie sont claires : il en veut à Eggsy d’avoir ruiné sa vie en ayant pris sa place et entend bien se venger. Après un combat plus grand que nature dans les rues de Londres, le bras automatisé et informatique de Charlie parvient à infiltrer le système de sécurité de Kingsman, et pendant qu’Eggsy rencontre les parents de la Princesse Tilde (Hanna Alström), les quartiers de l’organisation sont détruits, emportant avec eux la plupart des agents, dont Roxy (Sophie Cookson). Merlin (Mark Strong) et Eggsy suivent les procédures d’urgence qui les amènent dans une distillerie, où ils apprennent l’existence d’une branche américaine du réseau d’espionnage. On part donc pour le Kentucky, où on fera la rencontre de deux agents des Statesman, Tequila (Channing Tatum) et Whiskey (Pedro Pascal), de même que Ginger Ale (Halle Berry), l’homologue de Merlin. Pendant que les espions apprendront à travailler ensemble, une menace plane sur le monde alors que les usagers de drogues sont rapidement contaminés par Poppy (Julianne Moore), la femme à la tête d’un empire aux multiples ramifications qui entend tuer tous ceux qui essaieront ses produits. Les agents devront donc mettre la main sur l’antidote et combattre du même coup le mystérieux Cercle d’Or.
Ah quelle est forte cette pression qu’on met sur les épaules d’une suite! On veut d’abord faire plaisir aux fans en leur rappelant les moments forts du premier, tout en innovant assez pour se détacher du film original et proposer un nouveau récit, qui suit les codes de son prédécesseur. La grande force de Kingsman: The Secret Service résidait à mon avis dans l’entraînement des recrues, par-dessus la trame « principale » de ce téléphone cellulaire gratuit qui tue ses usagers. Maintenant que les agents sont formés, et qu’il ne reste plus qu’Eggsy pour assurer la pérennité de l’organisation, on ne peut plus se rabattre sur l’accueil de nouveaux prétendants. On pourrait à la limite imaginer un troisième volet qui se concentrerait sur ce point (ce qui ne sera pas le cas, car on a plutôt préféré présenter les débuts de l’agence). On retrouve ici une intrigue particulièrement semblable à l’originale. La première fois, le plan visait à éliminer la plupart des gens sur la planète (sur fond de conscience environnementaliste). Cette fois, la seule véritable ambition de Poppy semble être que tout le monde sache son nom, car personne ne sait qu’elle dirige le plus grand empire de drogues au monde. La démonstration des effets de celles-ci sur les consommateurs rappellera aisément le graphisme caractéristique du premier volet, lorsqu’on voit par exemple leurs yeux saigner, et, ultimement, leurs corps exploser.
Là où The Golden Circle se détache de son prédécesseur, c’est lorsqu’on visite le repaire de la vilaine, sorte d’île hommage aux années cinquante et à leur représentation au cinéma. Bien qu’on devine que l’endroit soit un décor, Poppy Land est particulièrement charmant, entre son dinner et ses ruines mayas. Lorsqu’on met le pied à l’intérieur, on retrouve les robots employés de la patronne, notamment une esthéticienne blonde à la tête du salon où tous les nouveaux membres du Cercle d’Or subiront leur métamorphose et, surtout, deux chiens en métal nommés Benny et Jet, en hommage à Elton John, que Poppy a enlevé préalablement. La scène où l’on accueille un nouveau membre, aussi troublante que graphique, s’inscrit totalement dans le traitement visuel et thématique du premier film. C’est donc le repaire qui devient le lieu iconique du récit dans ce cas-ci, puisqu’on ne peut pas en dire autant des bâtiments de Statesman, qui promettaient pourtant beaucoup au premier regard.
Il semblerait toutefois qu’on ait voulu faire plaisir aux fans avec quelques éléments ayant été repris presque tels quels de l’aventure précédente. La nouvelle arme équivalente au parapluie est maintenant un lasso-laser qui sépare les corps des gens qu’il piège, et on a aussi ramené la scène du bar (« manners maketh man« ), qui est rejouée avec les mêmes angles de caméra et le même décor – adapté – en plaçant en son centre un agent qui ne se rappelle pas comment se battre. En effet, on a aussi ramené Harry Hart (Colin Firth), qui souffre maintenant d’amnésie et que Merlin et Eggsy tentent de réhabiliter pendant près de la moitié du récit. C’est donc dans une chambre de Statesman que Harry est détenu, ce qui contribue peut-être un peu au manque d’engouement qu’on pourra ressentir face au lieu, et à la trame narrative du même coup.
En effet, The Golden Circle a de bonnes intentions, mais ne parvient pas tout à fait à convaincre. On peine à retrouver l’énergie caractéristique du premier opus, surtout quand on constate que Harry ne parvient pas à redevenir un agent efficace. On se désole également de la trop grande ressemblance entre le plan de Poppy et celui de Valentine, malgré le changement d’environnement. Finalement, on pourra aimer le fait que Charlie soit passé du côté sombre, tel que son ralliement à Valentine laissait présager, mais on ne comprend tout de même pas pourquoi une organisation telle que Kingsman ne fait pas subir de lavage de cerveau aux prétendants n’ayant pas été choisis, question de sécurité. Le résultat est donc un film qui ressemble beaucoup au précédent, qui n’innove pas vraiment, qui perd même ses principaux éléments de charme, alors que la franchise aurait été capable de proposer quelque chose d’aussi intense que la première fois. Il faudra donc se rabattre sur le prochain à venir, The King’s Man, qui nous ramène aux origines de l’agence, où l’on rencontrera un redoutable Rasputin (Rhys Ifans), duquel émane déjà une impression de danger dans les bandes-annonces.