Kingsman: The Secret Service
Le jour de la Saint-Valentin en 2015, il y avait à l’affiche dans les cinémas deux gros films attendus: le premier Fifty Shades of Grey et Kingsman: The secret Service. Évidemment, les files d’attentes étaient beaucoup plus grandes pour le premier que le second, et c’est au dernier moment que j’ai pris la décision d’aller voir le film d’espions plutôt que le thriller érotique. À ce moment-là, je venais d’entrer dans un monde auquel j’allais instantanément adhérer : espionnage, Royaume-Uni, complets ajustés, gadgets et Taron Egerton qui sauve le monde derrière sa cravate et son accent. Même si la suite n’a globalement pas été à la hauteur des attentes, l’annonce d’un troisième volet en 2021 me fait énormément plaisir, et, en attendant le prochain, je suis retournée visiter les deux premiers opus. Critique d’un premier de franchise prometteur!
Eggsy (Taron Egerton dans l’un de ses premiers rôles au cinéma) a perdu son père alors qu’il était tout jeune, lors d’une mission qui a mal tourné. Son collègue Harry (Colin Firth) remet alors au garçon une médaille qu’il pourra utiliser afin que son organisation lui vienne en aide lorsqu’il en aura besoin. Quand il vole une voiture et se fait amener au poste de police, Eggsy utilise sa médaille et Harry parvient à faire tomber toutes les charges. Les deux se rendent dans un bar où Harry a l’occasion de donner un aperçu de sa profession à l’adolescent, et ce dernier se montre particulièrement intéressé à joindre les rangs de Kingsman. Puisqu’un poste est désormais vacant dans le cercle des « hommes du roi », Harry soumet la candidature d’Eggsy, qui devra se démarquer parmi une dizaine de prétendants pour devenir le prochain Lancelot. Pendant l’entraînement rigoureux des candidats, Harry, Arthur (Michael Caine) et Merlin (Mark Strong) mènent leur enquête au sujet de Valentine (Samuel L. Jackson), un magnat des télécommunications qui s’apprête à offrir des cartes SIM à l’ensemble de la planète gratuitement et qui aurait peut-être un lien dans l’enlèvement de plusieurs célébrités, notamment une princesse scandinave (Hanna Alström).
Si Layer Cake (2004) m’a laissée sur ma faim, je dois avouer que je n’avais jamais vu un film tel que Kick-Ass (2010) au moment de sa sortie. Ces deux projets signés Matthew Vaughn sont bien différents dans leur traitement et c’est vraiment à partir du second qu’on peut sentir que le réalisateur trouve sa voie. Alors qu’il avait proposé le premier de la série préquelle X-Men (First Class, 2011) et devait aussi se retrouver derrière l’attendu Days of Future Past en 2014 (le meilleur des trois selon les critiques et spectateurs), Vaughn fait le pari – risqué – de plutôt adapter la bande dessinée Kingsman: The secret service, trouvant surtout qu’il manque cruellement sur le marché de films d’espionnage comiques. Avant que quelqu’un d’autre ne le fasse, Vaughn rejette donc le prochain X-Men et se met à l’écriture du script.
Comme c’était le cas pour Kick-Ass, Kingsman allie les scènes d’action et la violence graphique impressionnante, en rendant hommage aux plus grands du genre auquel il tente d’appartenir (essentiellement les James Bond), tout en s’en détachant. Eggsy visite la cabine d’essayage d’un tailleur où il verra des stylos, cravates, souliers, parapluies et briquets ayant tous un gadget leur étant intégré. Et comme dans la franchise de l’agent 007, tout ce qui nous est présenté (sans « Q » ici!) sera utile en temps donné. On a aussi conservé le côté « gentlemen » de la chose en donnant une place prépondérante aux complets (une ligne de vêtements a même été imaginée pour le marketing du film) et en faisant en sorte que la majorité de l’action se déroule dans un palace anglais. Finalement, le repaire de Valentine s’inscrit dans la même veine que tous ceux des vilains de Bond, creusé au cœur d’une montagne éloignée.
Vaughn rappelle au public cependant qu’ils ne sont pas en train de regarder une aventure de Bond. Eggsy se commande bel et bien un martini à un moment du récit, quoique la recette de celui-là en fera sourire plus d’un ; « with gin of course. Stirred for 10 seconds while glancing at an unopened bottle of vermouth« . Et si James Bond n’est habituellement pas le genre d’espion à s’adonner à la violence extrême avec ses opposants, on repart sur de nouvelles bases ici, quand Eggsy se débarrasse de la compétition en empalant Valentine, ou quand le film suggère, de façon particulièrement imagée, que des milliers de personnes explosent. Si certains ont été plutôt critiques de cette façon de faire (le film s’est vu apposer le classement R – pour adultes), d’autres y trouveront de sublimes scènes mémorables, le tout sur quelques chansons qui ne vont pas du tout avec ce qu’on est en train de regarder (notamment « Give it up »), rappelant au passage les choix musicaux de Tarantino, ou encore la magnifique version de « Kryptonite » dans Kick-Ass.
Au-delà des effets spéciaux, chansons et hommages à ses prédécesseurs, Kingsman fonctionne aussi en raison d’une solide distribution, presque exclusivement britannique. Aux côtés d’Eggsy, interprété avec justesse par Egerton, on retrouve dans le film un Colin Firth au sommet de son art, jouant à merveille le rôle du mentor posé et lui aussi en pleine possession de ses moyens, de même qu’un Michael Caine avec lequel on sera toujours sur le qui-vive, à mi-chemin entre le respect qu’on lui doit et la peur qu’il nous inspire. Saluons aussi la présence de Mark Strong, parfait dans ce rôle du formateur en contrôle de toutes les situations.
Du côté des vilains, on compte sur la sublime Gazelle (Sofia Boutella) qui tranche ses ennemis avec les lames qu’elles a en guise de jambes, et Charlie (Edward Holcroft) l’un des prétendants à l’organisation qui a échoué et qui s’est rangé du côté de Valentine. Gazelle rappelle aisément les « hommes de main » habituels de tous les vilains et ses scènes d’action sont aussi rapides qu’impressionnantes. Charlie, quant à lui, est celui qu’on aimera détester dès le départ, et qui offre une résistance bienvenue dans la quête d’Eggsy. Seul bémol à l’ensemble ; Valentine zézaie, apparemment en hommage ici aussi aux vilains des James Bond (qui avaient souvent une malformation ou un tic), mais on pourra avoir du mal à adhérer à cette interprétation. Finalement, on appréciera beaucoup que le film mette à l’avant une femme comme espionne (Sophie Cookson dans le rôle de Roxy) et qu’il ne cède pas à la facilité en proposant une histoire d’amour entre elle et Eggsy.
Ceux qui aiment les films d’espionnage pourront assurément trouver leur compte dans Kingsman, tout comme les amateurs de comédies d’action et de violence. Vaughn ne réinvente pas le genre dans lequel il s’inscrit. Ses emprunts et hommages sont bien identifiés comme tel, mais en nous amenant au début du parcours d’Eggsy, il nous ramène à la base de toutes les grandes franchises. Dans ce cas-ci, les bases sont grandement convaincantes : le film offre plusieurs scènes mémorables (dont celle de bagarre dans un bar de laquelle l’image en-dessous est tirée), les décors cadrent tout à fait avec l’univers qui nous est proposé, les acteurs semblent collés à leurs personnages et la prémisse est somme toute logique. C’est donc avec une grande satisfaction qu’on aura hâte de voir ce que Vaughn nous propose à la prochaine mission.