Le cinéma de divertissement grand public a grandement évolué depuis les vingt dernières années. Si quelques productions originales parviennent parfois à être financées par les studios hollywoodiens, les gros succès commerciaux proviennent presque exclusivement des films de super-héros, qui inondent les marchés cinématographiques depuis le début des années 2000. Si les trilogies de Spider-Man et des X-Men ont grandement contribué à l’essor du cinéma d’action fantaisiste, ce n’est véritablement qu’avec Iron Man en 2008 que les films de Marvel, ce géant des comics, se sont imposés comme porte-étendard des blockbusters modernes. Amorçant de brillante façon le Marvel Cinematic Universe (MCU), Marvel Studios (acquis quelques années plus tard par Disney) et le producteur Kevin Feige, par l’entremise du réalisateur et acteur Jon Favreau, élaborent ce premier film d’une jeune franchise qui marquera le cinéma à jamais, et qui réinventera un modèle d’affaire solide et stable, pour le meilleur et pour le pire.

Le film s’intéresse à Tony Stark (un sublime Robert Downey, Jr.), génie industriel à la tête de Stark Industries, compagnie dont il a hérité de son père Howard à un jeune âge. Alors qu’il est en Afghanistan pour faire la promotion du nouveau missile Jericho, son convoi est embusqué par les terroristes de l’organisation des Ten Rings, qui le séquestre et lui demande de recréer ledit missile pour leur bénéfice. Stark, blessé par l’explosion d’une grenade lors de l’embuscade, s’est fait implanter par un médecin captif de l’organisation, Yinsen (Shaun Toub), un électro-aimant qui empêche les fragments d’atteindre son cœur. Ensemble, plutôt que de reconstituer le missile, ils planifieront leur fuite de la caverne où ils sont retenus en construisant une impressionnante armure de métal.

Un peu à la façon des deux premiers opus de la trilogie The Dark Knight de Christopher Nolan, Jon Favreau opte pour un film de super-héros davantage porté vers le réalisme des situations, par opposition à la relative fantaisie du matériel original. Ainsi, Iron Man est relativement ancré dans l’actualité de l’époque en campant son récit dans l’invasion américaine en Afghanistan. Toutefois, alors qu’on aurait pu s’attendre à une certaine glorification de l’effort de guerre des États-Unis (les comics sont particulièrement patriotiques, après tout!), on a plutôt droit à une certaine prise de conscience de Stark, qui d’entrée de jeu se targue de vendre des armes tant aux Américains qu’aux terroristes, mais qui, une fois qu’il constate que les Ten Rings utilisent ses propres armes contre lui, décide de réorienter les activités de son entreprise vers la recherche d’autres technologies, au grand dam de Obadiah Stane (Jeff Bridges), un fidèle associé de son défunt père et celui qui fait véritablement fonctionner la compagnie.

C’est cette prise de conscience qui nous amène à sympathiser envers Tony, ce milliardaire arrogant et narcissique qui se fout de tout ce qui ne touche pas sa propre personne. Downey, Jr., dont la jeunesse tumultueuse est similaire à celle de son personnage, semble tout désigné pour interpréter ce rôle, et on le sent plus que jamais à ses aises ici. Ayant amorcé sa lente réhabilitation auprès des studios hollywoodiens avec des films comme Kiss Kiss Bang Bang et Zodiac, l’acteur obtient ici la consécration qui lui est due. Jon Favreau, qui s’est battu pour que les studios consentent à donner une chance à Downey, Jr., réussit son pari sur toute la ligne. La persona que dégage l’acteur à l’écran fait contraste avec les autres interprétations très sérieuses de super-héros auxquelles on nous avait habitués par le passé. Ce faisant, Stark est intéressant à suivre tant hors costume que quand il prend l’apparence d’Iron Man.

Cette audace se transpose également dans les autres phases de production du film, ce qui surprend de prime abord quand on voit la machine codifiée et rodée qu’est devenu le MCU. Lorsque le tournage s’amorce, il n’existe aucun scénario final du film. Seules les scènes d’action sont conceptualisées, et les dialogues seront pour la plupart improvisés par Downey, Jr. et le reste de la distribution. Il se dégage ainsi du film une certaine authenticité qu’on n’a que rarement observée auparavant (et depuis) dans une mégaproduction hollywoodienne, authenticité franchement bienvenue. La répartie devenue légendaire de l’acteur fonctionne à merveille, pour le plus grand plaisir des amateurs du genre.

Si Downey, Jr. mérite à lui seul le visionnement, Iron Man est également techniquement impeccable. Les effets spéciaux sont au point, le rythme est excellent et les situations sont toutes très intéressantes, toujours bien dosées entre de l’action spectaculaire et une certaine sobriété quant à l’ampleur des péripéties. À échelle humaine, le scénario est ancré dans la réalité tout en comportant suffisamment d’éléments fantaisistes pour plaire aux amateurs. On sent une amorce timide à l’expansion d’un univers qui possède aujourd’hui de nombreuses ramifications, tout en octroyant suffisamment d’éléments propres à la franchise indépendante d’Iron Man.

Sans ce premier film phare, le MCU aurait pu ne jamais avoir existé. Heureusement, les astres se sont alignés pour lancer un genre à la hauteur des attentes d’un public qui n’attendait que cela depuis des décennies déjà. Il n’est pas anodin de constater que le prochain film – à l’exception de The Incredible Hulk, co-produit par Universal et sorti un mois plus tard seulement – sera Iron Man 2, qui, lui, étendra véritablement l’univers cinématographique.

Fait partie du top 250 d’Alexandre (#242).

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