Adaptation de la bande dessinée du même nom de Fabcaro, Zaï zaï zaï zaï semble tout droit sorti de la tête des Monty Pythons. La prémisse est d’ailleurs tellement absurde qu’on sait tout de suite à quel film s’attendre. Fabrice (Jean-Paul Rouve) fait ses emplettes au supermarché, lorsqu’il constate qu’il a oublié sa carte de fidélité. Cette sérieuse inconduite le force à quitter sa famille et son patelin, puisque déclaré hors-la-loi et pourchassé à la fois par la police et les médias. S’enclenche alors une chasse à l’homme effrénée jusqu’en Lozère, qui conduira Fabrice au bord du gouffre.

J’avoue d’entrée de jeu avoir été séduit par cette expérience proposée par François Desagnat (Adopte un veuf), une voix du cinéma comique français avec laquelle je n’étais pas familier. Le rythme soutenu qu’il nous impose – l’élément déclencheur du film se situe à environ deux minutes du début – tranche de la construction habituelle d’un récit, ce qui est évidemment bienvenu. On ne peut cependant pas conserver cette cadence longtemps (le film dépasse tout juste les soixante-quinze minutes), mais c’est bien suffisant considérant le plaisir qu’on en tirera. Puisque oui, Zaï zaï zaï zaï vous fera rire, parfois jusqu’aux larmes, pour autant que vous adhériez à son univers absurde.

On est plongé ici dans un monde familier, mais quelque peu décalé de celui qu’on connait. Sans être une dystopie, on sent rapidement que quelque chose cloche lorsque Fabrice gare sa Renault Captur orange dans un stationnement rempli de Renault Captur oranges, lorsque le portrait du Président de la République trône dans tous les lieux publics, et à la façon dont un poireau peut être considéré comme une arme. Bien sûr, quand les médias font tout un plat de l’infraction dont est passible Fabrice, cet acteur comique bien connu, on retrouve rapidement les codes d’un univers paranoïaque où le moindre écart au conformisme est tout de suite décrié.

Desagnat et son co-scénariste Jean-Luc Gaget (L’effet aquatique) transposent leur protagoniste principal dans le monde du cinéma (alors qu’à l’origine, on y suivait un bédéiste), ajoutant une couche satyrique aux thématiques précédemment exploitées dans la BD – critique du consumérisme et de l’industrie de l’information. Le film fait donc à la fois rire et réfléchir, des fois sans subtilité, mais toujours en gardant en tête l’idée de divertir. Sa construction pourra assurément déplaire à certains; on sent à l’occasion qu’une scène ne sert qu’à pousser un gag, sans qu’elle soit rattachée à la trame principale. Mais cette structure frôlant parfois le film à sketch est pardonnée puisque la plupart des blagues visent juste. Du lot, la scène qui donne au film son titre, tout comme celle du portrait robot, viennent compenser les plus faibles moments du film.

Beaucoup de crédit revient à Jean-Paul Rouve, protagoniste résigné, qui cerne bien les limites de son personnage. Fuyant les autorités même s’il reconnait avoir commis une faute, il ne questionne que peu ou pas son univers, la société qui le persécute sans merci, ce qui l’amène à se fourrer dans des situations qui le dépassent. Ramzy Bedia, Yolande Moreau et Marc Riso mènent quant à eux le bal d’une distribution secondaire particulièrement efficace, quoiqu’unidimensionnelle.

Le succès de Zaï zaï zaï zaï repose en grande partie sur l’élément de surprise, je tairai ainsi les grandes lignes du film. J’ai néanmoins été charmé du début à la fin par cette comédie qui, bien qu’imparfaite, essaie de s’éloigner de la formule pour proposer un style d’humour alternatif aux visées de grand public. Est-ce que ce film, et Coupez!, sorti il y a quelques semaines seulement, pourront déconstruire la faible réputation des comédies françaises qui traversent l’Atlantique depuis les dernières années? Il faudrait que les médias québécois fassent un aussi gros cas de ces films que de l’infraction de Fabrice pour ainsi mobiliser un public blasé du cinéma français. Malheureusement, cela ne risque pas d’arriver. Souhaitons tout de même que le film fasse l’objet d’un bon bouche-à-oreille, lui qui a d’ailleurs été présenté plus tôt cette semaine au 41e Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue.

Les images sont une gracieuseté de K-Films Amérique.

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