*Divulgâcheurs possibles*

« Chaque film est un miracle. » Cette célèbre citation, qu’on ne sait trop à qui attribuer l’origine (Bertrand Bonello?), encapsule bien l’essence de Coupez!, plus récent projet de Michel Hazanavicius (les OSS 117The Artist). Dans ce nouveau film (une réadaptation d’un film japonais de 2017), on nous embarque dans la folle aventure d’une équipe de tournage qui produit un film de zombie alors que de vrais zombies sont « réveillés » par le réalisateur lui-même. Ce dernier cherche à ajouter de l’authenticité à son film et aux réactions de son actrice principale. Puis, après trente minutes et un plan-séquence aussi audacieux que maladroit, le ton change complètement, et on revient un mois avant la production du film.

On y suit alors Rémi (Romain Duris), réalisateur de films corporatifs, qui se fait offrir ce fameux projet audacieux : tourner un film de zombies en plan-séquence, en direct sur la nouvelle plateforme de streaming japonaise nommée « Z ». Ce n’est qu’après avoir constaté la participation au projet d’un jeune et célèbre acteur français chéri par sa fille, Raphaël Barrelle (Finnegan Oldfield), qu’il accepte d’y prendre part également. Et, évidemment, rien ne se déroulera comme prévu.

Vous l’aurez peut-être compris, Coupez! est assez méta dans son fond comme dans sa forme. Sautant de la parodie de films de série Z à une critique du cinéma moderne, en passant par un clin d’œil au film d’origine, Hazanavicius poursuit sur sa lancée de films sur le cinéma de brillante façon. On a ici un film sur une équipe qui fait un film dans lequel il se fait un film. Si on ne voit pas de but à ce format atypique, il n’en demeure pas moins un excellent exercice de style aussi divertissant que surprenant.

Une grande partie du plaisir repose sur la déconstruction du récit et le procédé de répétition. En fait, on pourrait presque se croire dans un whodunnit dans la manière (subtile) qu’il a pour insérer des éléments qu’on nous amène à reconsidérer à la lumière d’événements à venir. Les trente premières minutes sonnent faux, et c’est voulu. À la fin du visionnement, vous comprendrez pourquoi vous aviez cette impression au départ, et vous en viendrez à vous dire : c’est un miracle qu’ils soient parvenus à faire ce film!

Le principal défaut du film, outre sa superficialité, est peut-être qu’il prend un peu trop de temps pour que les blagues se pointent. Mais quand elles y sont, elles sont toutes efficaces, grand merci à la construction narrative. Durant le premier acte, vous rirez d’un film mauvais comme si vous étiez dans la salle un soir de première. Dans le second acte, vous serez placés dans les difficiles souliers de la pré-production d’un film, avec les opinions divergentes, les différents caprices de l’équipe, et la désillusion globale d’un projet aussi absurde. Mais dans le dernier acte, et c’est là le moment fort de Coupez!, c’est de l’humour pur et dur, que les deux actes précédents auront servi à bâtir.

Hazanavicius avait-il en tête un message à faire passer aux producteurs, qui imposent de plus en plus souvent leurs idées aux dépens de la qualité artistique d’un projet? Critique-t-il plutôt l’industrie cinématographique de plus en plus changeante, qui nous livre des films fast-food à la chaîne dans le seul but de divertir? Ce n’est pas certain, mais on discerne sur fond de satire tous ces éléments, sans qu’on essaie de nous les gaver. Et c’est tant mieux, ça aurait senti le réchauffé.

Coupez! s’apprécie d’abord et avant tout non pas comme une comédie d’horreur (comme sa prémisse le laisse entendre), mais plutôt comme une méta-satire hilarante et franchement efficace. Avec une distribution parfaite (Duris, Bejos, Gadebois et Oldfield sont tout simplement parfaits pour leur rôle) et une maîtrise technique totale, le film n’est pas qu’une simple comédie ; c’est une expérience cinématographique en soi. Il plaira assurément aux amateurs de behind-the-scenes, aux fans de cinéma, mais également à celles et ceux qui apprécient les films d’enquêtes à la Knives Out. Car vous tirerez étonnamment un malin plaisir, plus le film avance, à voir se dérouler à nouveau la scène introductive sous un nouvel angle, à la lumière des informations apprises dans le second acte. On sait comment ça va se terminer, mais le plaisir est de le voir se dérouler sous nos yeux.

Les images sont une gracieuseté de Les Films Opale.

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