Le cinéma québécois connaît l’une des années les plus fortes de son histoire. Après La femme de mon frère, Menteur, Avant qu’on explose, Jeune Juliette et Une colonie, l’automne s’annonce très mouvementé avec la sortie des Vivre à 100 milles à l’heure, Kuessipan, Antigone et Les fleurs oubliées. Un nouveau Dolan ne pourra que consacrer l’une des années les plus lucratives du cinéma fleurdelisé. Après le tumultueux The Death and Life of John F. Donovan, Xavier Dolan nous revient cette année avec Matthias & Maxime, présenté à Cannes en mai dernier, son film le plus accessible depuis Mommy, et de loin son plus léger depuis Les amours imaginaires.

Un récit simple mais authentique

Au cours d’une fin de semaine au chalet qui a pour but de rassembler un groupe d’amis, la jeune sœur de l’un d’eux (Camille Felton) fait appel au groupe pour finaliser un court métrage pour l’école. Maxime (Xavier Dolan) se porte volontaire, alors que Matthias (Gabriel D’Almeida Freitas) est forcé par le groupe d’y participer. À son grand désarroi, il apprend ensuite que la scène consiste en un baiser échangé entre les deux amis; baiser qui l’entraînera dans une véritable quête identitaire et remise en question de son orientation sexuelle.

Dolan explore encore une fois des thèmes qui lui sont chers : la famille (fonctionnelle et dysfonctionnelle), l’identité, l’amour et l’amitié. C’est ce dernier qui occupe une place centrale dans la trame narrative. Le film fonctionne en effet très bien lorsque le groupe est réuni, créant des moments d’anthologie. Les dialogues, savoureux mais parfois cacophoniques, sont à la hauteur des meilleurs films du jeune réalisateur. L’histoire de Matthias est également prenante, plus que toutes les autres en fait. Assez simple, le récit principal est très authentique et crédible. On ne peut cependant pas en dire autant des trames secondaires, qui sont de qualité inégale. La relation familiale tendue entre Maxime et sa mère, similaire à celles des autres films de Dolan, n’ajoute que peu au récit. On a alors une impression de déjà-vu, et ces scènes brisent malheureusement le rythme du film. On aurait souhaité une trame différente pour ce personnage qui ne connait pas de véritable évolution. De même, on explore très peu les autres membres du groupe, si ce n’est de Rivette (Pier-Luc Funk), qui ajoute la principale touche humoristique du film.

Une nouvelle distribution, ou presque

Dolan fait appel à de nombreux nouveaux acteurs et actrices dans ce dernier projet. Il effectue lui-même un retour devant la caméra, ce qu’il n’avait pas fait dans l’un de ses films depuis Tom à la ferme en 2013. Dans une performance sobre et posée, on constate une fois de plus l’étendue des talents de l’enfant prodige du cinéma québécois. Il a cependant su s’entourer d’une jeune distribution particulièrement talentueuse, dont D’Almeida Freitas, qui s’avère la véritable révélation du film. Bien connu dans le domaine de l’humour, son premier rôle au cinéma confirme ses talents d’acteur, lui qui offre une performance nuancée et authentique. Parions que nous le reverrons d’ici peu au grand écran.

Le reste de la distribution inclut les jeunes et talentueux Pier-Luc Funk, Samuel Gauthier, Antoine Pilon et Adib Alkhalidey, qui sont tous très efficaces et qui aident à rendre crédible la fraternité qui unit le groupe. On se désole que leurs rôles soient plutôt accessoires à l’histoire, et qu’on sous-utilise en quelque sorte une belle brochette d’acteurs montants. D’autre part, Harris Dickinson (que l’on retrouvera prochainement dans Maleficent : Mistress of Evil et The King’s Man) joue également à perfection le rôle de l’avocat détestable. Soulignons enfin les performances de Marilyn Castonguay et de Catherine Brunet (égales à elles-mêmes) et de Camille Felton, tout aussi énervante qu’authentique.

Que serait un film de Xavier Dolan sans une excellente performance d’Anne Dorval (J’ai tué ma mère, Mommy)? Dans celui-ci, elle brille dans le rôle familier d’une mère exécrable et manipulatrice. Dorval s’impose encore une fois comme l’une des meilleures actrices au Québec, livrant une interprétation sublime, mais finalement non nécessaire. On a quelques difficultés à se distancer des autres rôles qu’elle a interprétés dans les films de Dolan, et on s’en désole. Espérons que nous la reverrons camper un personnage différent dans les prochains projets du réalisateur.

Un film accessible et sympathique

On ne peut s’empêcher de comparer Matthias & Maxime à d’autres films marquants sur l’amitié. S’inscrivant dans la lignée des The Big Chill et même du Déclin de l’empire américain, il ne marque toutefois pas suffisamment les esprits pour s’élever à leur niveau. C’est finalement un récit d’amitié au goût du jour brillamment exécuté, mais un peu trop oubliable. Les amateurs du pianiste Jean-Michel Blais seront cependant ravis d’entendre sa musique parsemer le film, sa trame sonore lui ayant d’ailleurs valu un prix au Festival de Cannes.

Dolan a opté pour la sobriété après sa houleuse première production à gros budget, et on ne peut pas lui en vouloir. Matthias & Maxime est effectivement un retour aux sources pour le réalisateur, proposant à la fois un sujet nouveau tout en approfondissant les thématiques qui lui sont chères. On obtient donc un film plus accessible, ne délaissant pas totalement les efforts de style (jeux de caméra, cacophonie, dialogues punchés), mais qui s’avère beaucoup moins lourd et engageant que ses précédentes productions. Le tout donne un film hautement sympathique et authentique, qui ralliera possiblement un plus vaste auditoire. Reste à voir si ce film fera le pont vers un changement de ton du réalisateur, ou s’il ne représente finalement qu’une pause grandement méritée.

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