Qu’on ait vu ou non la série, tout le monde connaît la famille Bougon, dont les nombreuses magouilles ont fait la réputation de la famille dans le paysage des séries québécoises. En période de confinement, on en a profité pour revisiter les trois saisons de cette émission qui joue constamment à la limite de l’acceptable et nous peint ses propos en gros traits.

Paul (Rémy Girard) et Rita, que son mari appelle toujours affectueusement « Tita » (Louison Danis) sont les parents de trois enfants : Junior (Antoine Bertrand), Dolorès (Hélène Bourgeois Leclerc) et Mao (Rosalee Jacques). Ils vivent dans leur petit appartement de Montréal avec le frère de Paul, Fred (Claude Laroche) et leur père, Pépère (Pierre Ébert). Le propriétaire du bloc, Beaudoin (André Lacoste) à son grand dam, vit en-dessous de leur logement et est tantôt victime tantôt témoin de toutes leurs magouilles. Car les membres de la famille Bougon, ils font dans la « petite crosse ». Quand ils ne font pas plusieurs preuves d’adresses avec des noms de personnes défuntes pour toucher leurs chèques de bien-être social, c’est qu’ils embouteillent de l’eau du robinet pour la revendre ou qu’ils s’improvisent naturopathes, fermiers, voyants, électriciens ou employés de la Ville de Montréal, pour flouer les autres. La famille est aussi bien amie avec un policier du SPVM, Chabot (Vincent Bilodeau), qui les aidera à de nombreuses reprises à concrétiser leurs plans ou les sortir du pétrin.

En trois saisons, Les Bougon nous en a fait voir de toutes les couleurs. Si certains motifs de la trame de fond se répètent, comme la quête de l’amour de Junior, l’envie de Mononc d’avoir un travail honnête et les remises en question de Rita sur son couple, les aventures de la famille seront variées tout au long des quelques 50 épisodes. Toutefois, au moins une fois par émission on verra une nouvelle personne sortir de la chambre de Dolorès, celle-ci étant aussi prostituée et danseuse. Notons par exemple les moments où l’on voit plusieurs joueurs d’une équipe de football quitter la pièce, un prêtre ou encore quand un très beau garçon (qu’on sous-entend qu’il n’a pas besoin de ses services) la laisse dans son cadre de porte, et qu’elle répond que, cette fois, c’est elle qui payait.

Les Bougon, c’est une famille soudée, ensemble contre « le système ». Tout y passe : les banques, la politique, la santé, la justice, l’éducation, etc. Même si les épisodes sont toujours sympathiques et nous font souvent rire, on en vient à se lasser d’être pris dans la même boucle après trois saisons. On a compris le propos. Et, oui, il est vrai que certaines pensées mises de l’avant ont du sens dans un système qui en a parfois moins. Mais tout est tellement parodié qu’on arrivera à un moment ou à un autre à vouloir que ça se termine. Malgré tout, certains événements sont nettement plus dramatiques et ajoutent un peu plus de profondeur à la série qui se veut une satire jamais déguisée envers tout ce qui nous entoure.

C’est là aussi l’un des points étranges de la série : on ne sait jamais trop de quel côté se ranger. En regardant la famille évoluer, on peut reconnaître certaines personnes que l’on a déjà rencontrées. Centrer la série sur eux est bienvenu et met tout de même en lumière certaines iniquités, et bien que les acteurs soient tous excellents dans leurs rôles, il est particulier de voir Rémy Girard incarner son personnage, qu’on peut avoir plus de malaise à accepter aveuglément étant donné son pedigree – même chose pour Hélène Bourgeois Leclerc. Notons aussi que l’émission passait sur les ondes de Radio-Canada, qui a tant été parodiée dans les Elvis Gratton, et qui est ici aussi écorchée au passage. Disons également que le niveau de langage est ici beaucoup plus authentique que dans d’autres séries québécoises. On se retrouve avec « du vrai monde » qui parlent comme dans « la vraie vie », et c’est un point particulièrement apprécié. En effet, il y a peu de séries québécoises qui osent faire parler leurs personnages comme on le fait quotidiennement, et il est nettement plus facile de ressentir un certain malaise dans des dialogues qui manquent de naturel. Ici, ça n’arrive jamais.

Si la série a plusieurs bons côtés, sa finale est pour le moins surprenante et vous laissera assurément sur votre faim. Elle se termine toutefois sur quelques images rappelant les propos, jamais déguisés non plus, de Spike Lee dans BlacKkKlansman ou de tout autre film très revendicateur. Ça suscite la réflexion, oui, mais celle-ci est amenée de façon trop abrupte pour qu’on ait le temps (et le goût) de l’analyser totalement, comme on le faisait par exemple avec toutes ces magouilles qui nous faisaient remettre en question « le système ». On aura tout de même proposée une suite plus de 10 ans après la finale, qui nous laissera elle aussi sur notre faim.

Lien vers la critique du film Votez Bougon.

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