Marnies Welt (La grande cavale)
Les frères Lauenstein ont un parcours pour le moins atypique. Après avoir remporté un Oscar pour leur court métrage d’animation Balance en 1989, ils ont pratiquement quitté le domaine du cinéma, pour y revenir en 2018 avec deux films d’animation. La grande cavale est leur plus récent projet, un film pour enfants qui n’est malheureusement pas à la hauteur de leur talent.
L’histoire prend place dans le petit village de Drabville. On nous présente d’entrée de jeu plusieurs des personnages centraux de l’histoire. Il y a Eggbert, un coq imbu de lui-même qui fait du yoga, Elvis le chien de garde menaçant mais trouillard, et surtout Marnie, une chatte aventureuse qui adore les séries policières (et dont la maîtresse, Rosalinde, la traite comme sa propre fille), curieuse de nature, mais qui ne peut quitter l’intérieur de la maison. Sa vie est chamboulée lorsque Paul, le frère de sa maîtresse, paie une visite surprise à sa sœur. On apprend rapidement qu’il est un cambrioleur, et il mènera Marnie en bateau pour se débarrasser d’elle lorsqu’elle démasque son subterfuge. Tous ces animaux se retrouveront par hasard en campagne, alors tous loin de leur maître, et seront impliqués dans cette folle aventure. Se joindra également au groupe un zèbre égaré faisant partie d’un cirque ambulant.
D’entrée de jeu, on comprend qu’on est en présence d’un film pour enfants, et non pas d’un film familial. Il ne faut pas chercher les deuxièmes niveaux de La grande cavale, car ils sont inexistants. On affirme très clairement quelles sont les intentions de chacun des personnages et les défis qu’ils devront relever au cours de l’aventure. Pire encore, on ne conserve pas le plus infime mystère au sujet de l’enquête ou des coupables. On ne doit évidemment pas s’attendre à une histoire particulièrement complexe, mais même les plus banals films d’animations tentent tout de même de laisser planer un soupçon de mystère jusqu’à la toute fin. Cela sollicite ainsi davantage les enfants, mais ici, ce n’est pas le cas.
Comme on pourrait s’y attendre dans ce type de films, les figures d’autorité (les parents, ou tout adulte) sont bien souvent méchants, ou désabusés. Dans La grande cavale, ils perçoivent les animaux comme des personnes, bien que les bêtes ne puissent pas directement communiquer avec eux. Chacun des personnages a sa personnalité propre, quoique simple. Les situations sont assez banales elles aussi, ce qui enlève encore un peu de crédit au scénario. L’animation est soignée, mais sans cachet, et semble toute droit sortie d’une émission jeunesse diffusée les matins de fins de semaine. Il n’y a peu ou pas de détails typiques des films familiaux, ces détails du quotidien auxquels on ne pense pas puisqu’ils sont tellement ordinaires qu’on les a assimilés, mais qui, lorsqu’ils sont illustrés, nous démontrent l’attention de l’équipe d’animation. Vous savez, ces petits moments qui nous font sourciller et rire discrètement, comme les pupilles d’un chat qui grossissent lorsqu’il est excité, ou encore l’utilisation inusitée d’un objet de la vie quotidienne pour d’autres raisons que ce pour quoi ils ont été conçus. Ce souci du détail est malheureusement absent du film, tout comme les émotions mêmes les plus simplistes sur le visage des protagonistes, très mal rendues par l’équipe d’animation (on s’approche de The Lion King à ce registre). La musique manque de fantaisie, rendant l’univers de Drabville assez fade (pour ne pas dire drabe).
Le principal problème du film est en fait son choix de public cible, que j’établirais aux enfants d’entre 2 et 5 ans. Lorsque c’est l’auditoire désiré, on essaie d’ajouter des éléments un peu plus subtils pour stimuler les parents qui accompagnent leurs enfants au cinéma. Plusieurs bons studios d’animation parviennent à le faire (à échelles inégales), mais La grande cavale n’entre pas dans cette catégorie. C’est le genre de films qu’on met à la télévision un samedi matin pour occuper les enfants pendant qu’on fait le ménage, ou la sortie au cinéma qu’on propose aux grands-parents qui gardent nos tous-petits. En fait, il fonctionnerait mieux comme une série télévisée qu’un film à part entière, comme le démontre par ailleurs la potentielle suite des aventures de Marnie, Elvis et Eggbert qu’on laisse présager. Je crois que les jeunes enfants y trouveront tout de même leur compte, malgré les parents somnolents qui les accompagneront.
Les images sont une courtoisie de TVA Films.