Grand amateur de science-fiction que je suis, très peu de films m’ont fait une aussi grande impression que 2001 : A Space Odyssey de Stanley Kubrick. Si la réputation du légendaire réalisateur n’est plus à faire, il a toutefois su concocter l’un des meilleurs films de l’histoire du cinéma, et assurément mon favori après la trilogie Lord of the Rings. C’est peut-être ce qui explique pourquoi j’ai presque autant adoré Interstellar de Christopher Nolan, qui s’établit selon moi comme un digne successeur de Kubrick. Possédant une filmographie moins diversifiée, Nolan nous propose toujours des films originaux et d’une qualité sans égal. Il peut se targuer d’être le seul réalisateur à faire continuellement des films à gros budget qui allient à perfection le divertissement et qui sortent du cadre des studios hollywoodiens. C’est, selon moi, ce qui se fait de mieux au cinéma, car on parvient à rejoindre un large éventail de cinéphiles. Je ne vous le cacherai pas, il est l’un de mes réalisateurs favoris, sinon mon favori.

Mais revenons à Interstellar, un film dont les parallèles avec 2001 sont nombreux. L’histoire se situe dans un futur rapproché, au sein d’un Midwest américain ravagé par des tempêtes de sable et des sécheresses. Cooper (Matthew McConaughey au sommet de sa gloire après son Oscar pour Dallas Buyers Club), un ex-ingénieur et pilote de la Nasa, a dû se résigner à devenir fermier pour combler le manque de nourriture mondial. Il vit sur sa ferme avec sa fille Murphy (Mackenzie Foy, Jessica Chastain à l’âge adulte), Tom (Timothée Chalamet, Casey Affleck à l’âge adulte) et le père de sa femme décédée, Donald (John Lithgow). La société n’est plus la même que celle que nous connaissons aujourd’hui. On détermine à l’école dans quel domaine devra étudier notre enfant pour le bien commun, les gouvernements occupent une place moins importante et, surtout, la population terrestre est en péril. Par un concours de circonstances (que nous ne voudrions pas exposer ici), Cooper trouve le repère caché de la Nasa, organisation qui opère dans le secret depuis plusieurs années, car il est difficile de justifier le financement d’un organisme alors qu’on peine à nourrir la population.

Cooper renoue avec le professeur Brand (Michael Caine) qui l’informe de la tenue, il y a dix ans, de la mission Lazarus, dont le but était de trouver une planète habitable en passant à travers un trou de ver à proximité de Saturne, permettant de voyager dans une autre galaxie en un temps très court. Les sondes posées par l’équipage les informent de la viabilité d’une planète, et donc Brand souhaite monter une seconde expédition, Endurance, pour y rejoindre le Dr. Mann pour vérifier avec des instruments plus perfectionnés les éléments des planètes jugées habitables. Cooper s’embarque alors avec la fille du professeur (Anne Hathaway), Doyle (Wes Bentley) et Romilly (David Gyasi) pour ce voyage interstellaire. Dans l’éventualité où on ne parviendrait pas à déménager tous les Terriens sur une nouvelle planète à temps, on envoie des ovules fécondés qui pourraient servir à coloniser une nouvelle planète.

On a droit ici à une histoire en apparence classique de fin du monde d’une quête pour trouver une nouvelle planète habitable. Toutefois, elle se distingue des films traditionnels par la science qu’elle met à l’avant-plan et le réalisme de ses situations (du moins jusqu’à son acte final). La théorie du trou de ver, si elle n’est qu’une théorie, est toutefois bien documentée, notamment par le physicien Kip Thorne. Le film aborde également d’autres concepts tels la gravité et la relativité, qui lorsqu’ils sont présentés en situations concrètes, causeront des dilemmes moraux fort intéressants. Il faut se rappeler que le temps ne se déroule pas de la même façon sur la Terre que pour l’équipage d’Endurance, surtout lorsqu’ils descendent sur une autre planète. Cela mènera d’ailleurs à une scène déchirante, probablement l’une des scènes les plus émouvantes de l’histoire du cinéma.

Il est difficile de parler d’Interstellar sans dévoiler trop d’éléments, car oui, c’est un film dont le mystère contribue à l’appréciation qu’on en aura. C’est le cas de la plupart des films de Nolan, d’ailleurs. C’est, selon moi, ce qui fait la force de son cinéma : on ne sait jamais vers où le film s’en va, et on nous donne toutes les clés dès le départ, bien qu’on soit incapable de compléter le puzzle dans le dénouement final. Citons à titre d’exemple Memento, Inception et The Prestige, tous des films relativement déconstruits qui nous tiennent en haleine jusqu’à la dernière scène. Insterstellar s’inscrit évidemment dans cette lignée.

Puisqu’il nous est difficile de parler de l’histoire du film, abordons plutôt ses concepts généraux. L’amour paternel est véritablement au centre du récit ici. Après tout, l’amour est l’une des seules choses qui traversent les dimensions, comme le film nous le répète à quelques reprises. Cet amour, il s’exprime surtout entre Cooper et sa fille Murphy, qui ne lui pardonne pas d’avoir quitté la Terre en la laissant seule. Cet amour est palpable entre les deux, et est rendu de belle façon par un McConaughey en grande forme. Il s’exprime également entre la fille de Brand et Edmunds, son amoureux qui a fait partie de la première mission. Cooper et Brand auront des choix déchirants à faire entre l’amour et la raison tout au long du récit.

Qui dit gros budget dit gros déploiement, et Interstellar ne manque pas de grandiosité. Les effets spéciaux sont de très haute qualité (valant à la production un Oscar au passage), les décors et les costumes sont minutieux (remarquez comment le vaisseau spatial ressemble à une horloge), et que dire de la somptueuse musique d’Hans Zimmer, fidèle collaborateur de Nolan, qui nous propose une trame sonore alliant des sons électroniques et de l’orgue. La qualité des effets visuels et sonores est tout simplement géniale, ce qui en fait probablement le film le plus perfectionné de son temps, rappelant évidemment les mêmes exploits accomplis par 2001 à son époque.

Des hommages au classique de Kubrick, il y en a plusieurs ici, et Nolan ne s’en cache pas. Les parallèles entre TARS et HAL 9000 sont faciles à faire, bien que leur destinée soit différente. Le réalisme des bruits dans l’espace (ou plutôt de l’absence de bruits) est exemplaire, il y a ce même rapport de l’être humain avec le temps, ainsi qu’une quête qui s’amorce en raison d’une forme de vie extraterrestre. Toutefois, Interstellar est à mon avis plus humain que son prédécesseur, et prend bien soin d’établir des personnages auxquels on s’attache. Cela n’en fait peut-être pas un film supérieur, mais il parvient à nous proposer un propos assez différent pour justifier sa pertinence.

Certains déploreront les écarts scientifiques du dernier acte et, si j’étais en accord avec cet avis lors de mon premier visionnement, j’ai vu et compris sa pertinence avec le temps, bien que je ne sois toujours pas certain d’en saisir toutes les subtilités. En effet, Interstellar est le genre de film qui devient meilleur après chaque visionnement. On comprend certains éléments qui nous avaient échappés auparavant, et je découvre des aspects nouveaux même après une dizaine d’écoutes. C’est généralement le signe d’un grand film. Les cinéphiles moins friands de science-fiction trouveront assurément leur compte avec Interstellar. Toutefois, il est un incontournable du genre et plaira à tous les fervents amateurs. Enfin une grosse production qui propose un film atypique et qui fait confiance à son réalisateur pour en assurer la qualité et la rentabilité. On souhaiterait voir plus de films comme celui-ci, mais, soyons réalistes, c’est le genre de projet qui est plus l’exception que la règle, et on devra probablement attendre plusieurs décennies avant d’admirer à nouveau un tel tour de force.

Fait partie du top 250 d’Alexandre (#14).

Fait partie du top 100 de Jade (#48).

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