En 2008, Joaquin Phoenix annonçait qu’il quittait le monde du cinéma pour devenir musicien. Rappeur, plus précisément. Ayant causé tout un émoi – d’autant plus qu’il semblait au sommet de sa popularité après les succès de Walk the Line et Reservation Roads, plusieurs croyaient (avec raison) au coup monté à l’époque. Le doute a tout de même plané un bon moment, entre autres après sa présence marquée à l’émission de David Letterman et le « documentaire » I’m Still Here sur cette réorientation de carrière. Réalisé par son ami et beau-frère Casey Affleck, le film retrace les hauts, mais surtout les bas, de l’acteur devenu chanteur, de façon à nous faire penser que le tout s’est véritablement déroulé. Mais, si Hollywood nous a bien appris quelque chose, c’est qu’il ne faut jamais se fier aux apparences.

On y suit donc Phoenix qui tente par tous les moyens d’enregistrer son premier album. Il part en quête de Sean « Puff Daddy » Combs qu’il veut comme producteur, et tente de l’impressionner avec ses chansons. Toutefois, il se rendra compte assez rapidement que si l’argent achète certaines choses, le talent ne s’achète pas.

S’il n’y a qu’une chose à souligner ici, c’est le dévouement total de Phoenix envers son « personnage ». Car il est vrai que, bien que l’on sache aujourd’hui que cette réorientation était un coup monté, l’illusion a tout de même tenu pendant plus de deux ans. Même Roger Ebert, qui se doutait néanmoins que quelque chose clochait, a pensé à un moment que ce documentaire était réel (et a avoué qu’il serait furieux s’il s’avérait qu’il ne l’était pas). Phoenix aura au final pris une pause de quatre ans du monde du cinéma jusqu’en 2012, dans un pari risqué qui aurait pu lui coûter sa carrière, mais qui ne l’a heureusement pas fait. C’est ce dévouement total qui le pousse à se placer dans des situations embarrassantes comme détruire peu à peu son hygiène de vie, vomir après s’être battu avec quelqu’un venu à son spectacle, et saboter de nombreuses entrevues – notamment celles pour la promotion de Two Lovers.

Pendant deux ans, l’acteur a donc dû rester dans son personnage, mais à quelle fin? L’idée de base du film provient de l’étonnement de Phoenix devant les gens qui croient à l’authenticité des téléréalités. Affleck et lui ont ainsi voulu explorer la relation entre les célébrités et les médias, et de ce que le grand public fait de cette couverture médiatique. Toutefois, le message ne semble pas totalement clair, puisque parsemé de multiples scènes impertinentes (surtout quand elles se révèlent fausses). On peut penser à un segment douteux où Phoenix fait venir des prostituées, ou encore à quelques prises de bec entre Phoenix et son assistant Anton (Antony Langdon).

Le plus gros problème de I’m Still Here est probablement qu’il se compare négativement avec les autres films du genre. Peut-être plus subtil que Borat, ce dernier fait néanmoins mieux passer son message et ses critiques envers la société américaine que le présent film d’Affleck, d’autant plus qu’il n’a que peu à ajouter à la conversation. L’étude de personnage peut être intéressante – et montrer comment l’égo d’une personne peut lui monter à la tête jusqu’à croire que tout lui est permis -, mais d’autres films de fiction l’ont également mieux fait que I’m Still Here. Au plus, il peut intéresser les adeptes de behind-the-scenes hollywoodiens (avec les caméos de Jack Nicholson, Bruce Willis et Danny DeVito notamment) et illustrer comment les célébrités peuvent réagir à l’attention médiatique. Mais c’est bien peu se mettre sous la dent.

Affleck comprend et applique les codes du genre ici, bien que sa réalisation ne soit pas particulièrement inspirée. Le rythme est inégal et le récit traîne en longueur, mais globalement il devient difficile de donner une note à I’m Still Here. Plusieurs visionneront le film car ils sont curieux d’observer cette expérience sociale que Phoenix s’est lui-même fait vivre, très peu en sortiront toutefois avec une impression positive. Au mieux, il aura permis de cimenter la solide réputation de Phoenix comme l’un des meilleurs acteurs de sa génération. Au pire, il soulèvera des questions sur le véritable mode de vie tumultueux de l’acteur. Un stunt médiatique surprenamment oubliable et oublié.

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