Lat sau san taam (Hard Boiled)
Rarement un film d’action aussi classique m’aura autant surpris que Hard Boiled (辣手神探) de John Woo. Ceux et celles qui auront lu mes critiques des films du réalisateur hong-kongais savent que je n’apprécie pas vraiment son cinéma, ou plutôt les films d’action (et de genre, quoi qu’il n’a pas seulement fait de ceux-ci) dont le seul but est de divertir. Il existe de notables exceptions tout de même : certains films de Marvel ou ces grands classiques comme The Matrix ou Die Hard. En fait, c’est probablement parce que Hard Boiled ressemble à ce dernier qu’il m’a particulièrement plu. Alors qu’on se serait attendu à un film bondé de scènes d’actions chaotiques et déjantées (il y en a quelques-unes, quand même), on se retrouve face à un film d’action assez traditionnel, mais grandement efficace.
Le film s’ouvre sur une scène d’action assez intéressante située dans une maison de thé de Hong Kong, alors que les inspecteurs de police Tequila (Chow Yun-fat) et Benny Mak (Bowie Lam) tentent d’arrêter un groupe de trafiquants d’armes en plein « échange ». Après une fusillade complètement folle (les résidants du quartier, lors du tournage, se seraient plaints à de nombreuses reprises du vacarme engendré par la production qui, mentionnons-le, utilisait de vraies armes, chargées à blanc) causant la mort de Benny. Tequila, furieux, assassine le chef de l’organisation criminelle, au grand dam de son superintendant qui le voulait vivant. Tequila est donc retiré du cas sur lequel il travaille. Pendant ce temps, Alan (Tony Leung), un assassin employé par le chef d’une triade surnommé Oncle Hoi (Kwan Hoi-San), tue un de ses subordonnés qui l’avait trahi au profit d’une triade rivale, dirigée par Johnny Wong (Anthony Wong). Wong tente avidement de démanteler le clan d’Oncle Hoi et veut à tout prix recruter Alan, ce qu’il fera. S’ensuit une fusillade qui mettra fin à la triade d’Hoi.
On apprend toutefois (ce n’est pas un spoiler si bien caché, toutefois) qu’Alan est en fait un agent secret. Tequila s’en aperçoit alors qu’il le suivait de près, et décide de le rencontrer pour comprendre en quoi consiste sa mission exactement. Une embuscade leur est tendue, et tous deux s’allieront pour tenter de défaire la triade de Wong, et le tout culmine en une prise d’otages dans un hôpital, qui n’est pas sans rappeler Die Hard. En fait, cette scène (qui occupe sensiblement la 2e heure du film) est de loin la plus excitante et enlevante du film. On assiste à de nombreuses fusillades, des explosions et de nombreuses scènes d’évasions qui mettent en vedette des nouveaux-nés. Bref, on s’embarque pour une aventure déjantée.
Ce qui m’a surpris d’abord est à quel point on est loin, comme dans The Killer notamment, de scènes d’actions voulant montrer l’attitude badass des personnages. On a plutôt droit à un bon dosage entre scènes d’action (toujours aussi chaotiques, certes) et enquêtes policières. On suit en effet deux policiers (Woo avouant lui-même vouloir présenter le point de vue des corps policiers après avoir fait de nombreux films sur des criminels) qui tentent à tout prix de résoudre leur cas et de démanteler l’organisation criminelle de Wong. L’enquête est prenante et justifie d’une certaine façon les nombreuses scènes d’action. On constate aussi que la réalisation est plus sobre que pour d’autres Woo (incluant ses films hollywoodiens), ce qui est fortuit. Il revendique ce choix en disant vouloir tenter de nouvelles choses, et ce virage n’est pas anodin lorsqu’on constate que c’est son dernier film avant de faire le saut en Amérique, car Hard Boiled est très conventionnel, et il correspond aux critères d’un blockbuster d’action traditionnel.
Chow Yun-fat et Tony Leung, probablement les deux meilleurs acteurs hong-kongais de leur génération (ou de tous les temps?) tiennent le film à bout de bras. Leurs deux interprétations crédibles, combinées à leur très bonne gestion des cascades et des fusillades (Chow Yun-fat est passé près d’être brûlé vif lors de l’explosion finale, détonnée un peu trop tôt par John Woo) ajoutent une certaine crédibilité aux situations, comparativement à d’autres films du réalisateur (ou encore d’autres films d’action, tout simplement). Les acteurs de soutien (Wong, mais aussi Teresa Mo, dont l’importance s’est finalement vue diminuée, ainsi que Philip Kwow, chef cascadeur, qui s’est finalement fait offrir le rôle de Mad Dog) jouent également à merveille.
Hard Boiled, c’est finalement moins un film de genre qu’un film d’action. Je n’ai eu aucune difficulté à trouver les situations crédibles, bien que certains éléments du film ne soient pas parfaits (dont les fondus enchaînés, très fréquents, qui sont parfois agaçants). On se retrouve devant un excellent film qui allie suspense et action d’une main de maître. La sobriété de Woo l’aura pour ma part finalement emportée sur son exubérance qui a fait la réputation du réalisateur. Je ne suis peut-être pas encore une fois le bon public pour ce genre de cinéma, mais force est d’admettre que j’ai passé un très bon moment, à ma grande consternation.
Fait partie de la Collection Criterion (#9).