Après avoir porté au cinéma la plus connue des aventures d’Hercule Poirot, voilà que Kenneth Branagh nous revient près de cinq ans plus tard pour une nouvelle adaptation d’une enquête du fameux Belge moustachu. D’emblée, on pourra se demander si ce nouveau projet souffre des mêmes lacunes que son prédécesseur, ou si on a appris de nos erreurs précédentes pour proposer un récit mieux construit cette fois. Si on peut répondre par l’affirmative, on doit néanmoins déplorer l’apparition de nouveaux problèmes qui viennent eux aussi miner le récit.

La scène d’ouverture nous présente un jeune Poirot (Branagh) au front pendant la Première Guerre mondiale, sauvant son bataillon grâce à ses judicieuses déductions. Ne pouvant pas toutefois protéger son commandant et ressortant d’une embuscade scarifié au visage, le Belge se fait pousser la moustache suite aux recommandations de sa douce Katherine. On se retrouve ensuite en 1937, alors que Poirot est en vacances en Égypte et croise par hasard son ami Bouc (Tom Bateman) aux pyramides. Ce dernier l’informe du mariage de ses amis, Simon Doyle (Armie Hammer) et Linnet Ridgeway (Gal Gadot), qui sont en voyage pour leur lune de miel, à laquelle plusieurs personnes de la haute société participent. La nouvelle surprend le détective, qui avait rencontré le couple quelques semaines auparavant, alors que Simon était plutôt fiancé à Jacqueline de Bellefort (Emma Makey). Il ne faudra pas attendre longtemps avant que les nouveaux époux rencontrent Poirot et lui demandent de les suivre pendant le voyage, car ils craignent que Jackie s’en prenne à eux, elle qui les suit partout depuis la cérémonie. Tentant d’abord de les convaincre d’annuler leur lune de miel et de rentrer à la maison, Poirot accepte finalement d’embarquer à bord du S.S Karnak avec la bande d’aristocrates, espérant que Jackie ne parviendra pas à s’immiscer dans le groupe… ce qu’elle fait dès le premier arrêt. En vogue sur le Nil, Linnet est finalement retrouvée morte dans son lit, et le détective doit comme à l’habitude faire la lumière sur le meurtre.

Si Murder on the Orient Express entrait rapidement au cœur de son intrigue, on ne peut pas en dire autant de Death on the Nile, qui nous expose beaucoup de relations entre les personnages avant de vraiment commencer. D’une part, on remercie Branagh de remettre en contexte les situations en nous présentant les dynamiques qui nous seront utiles pour tenter de percer le mystère. De l’autre côté, toutes les situations initiales font en sorte que le meurtre a lieu vers la moitié du film, ce qui nous laisse bien peu de temps pour trouver le coupable, surtout quand d’autres crimes sont commis sur le bateau après le premier.

On se retrouve dans cette nouvelle enquête dans un autre genre de huis-clos. Certes, les personnages sont pris au milieu du fleuve sur un impressionnant et luxueux bateau, mais cette lente prémisse au crime nous fait nous arrêter pour visiter des lieux historiques, et on ne monte à bord qu’à mi-parcours. L’ambiance qui règne est ainsi toute contraire à celle de Murder, car on contemple des paysages chauds, et on peut sortir prendre quelques rayons de soleil ou les apprécier à travers les grandes fenêtres du Karnak. Les tons sont nécessairement plus chaleureux, et l’on pourra apprécier l’omniprésence du blanc crème des costumes des riches personnages.

Couleurs plus douces, certes, mais qui ne changent rien au fait qu’on est bien plongés dans un mystère à démêler. Cela dit, on ne peut pas affirmer que l’énigme soit particulièrement dense ici. Alors que les longues introductions nous aident un peu trop, on va ensuite parsemer plusieurs indices tout au long du récit, ce qu’on remercie grandement car on peut enfin participer à l’enquête, mais force est de constater que l’on comprendra beaucoup trop rapidement qui a commis le crime, et même le motif de celui-ci. On pourrait encore se tromper toutefois, car les retournements de situations sont nombreux.

Alors qu’on reprochait à Murder de ne pas assez s’intéresser à ses personnages, c’est tout le contraire qui se produit ici. On saluera cet effort de contextualiser le tout, même s’il faut admettre que toutes les informations dont on dispose, bien qu’elles permettent d’humaniser les passagers, handicapent un film déjà court en reléguant son intrigue presque au deuxième rang. Il semblerait que l’on ait senti ne pas avoir assez de contenu pour prendre davantage notre temps sur le bateau, et c’est bien dommage. Par ailleurs, moins de visages connus viennent peupler ce nouveau récit, si ce n’est de Rose Leslie, Annette Bening et Russel Brand, auxquels on s’intéresse juste assez pour les croire coupables, pendant quelques entretiens entre le détective et chacun des passagers. Emma Mackey, que l’on a découverte dans Sex Education, se démarque du lot en cette femme jalouse et perdue, et c’est bien mérité pour la jeune actrice française, qu’on espère retrouver dans d’autres projets.

Death on the Nile ne souffre pas de tous les maux de son prédécesseur. On a corrigé des défauts importants et proposé une histoire plus aérée, mais si le résultat fonctionne à certains égards, on constate rapidement que la cible principale est ratée d’entrée de jeu. Alors qu’on aimerait participer à une danse entre les principaux suspects, en pouvant les accuser tour à tour avec de solides preuves, on est malheureusement et étonnamment plus rapides que le détective, car même les retournements de situations ne parviennent pas à nous bluffer, et il faut admettre que toutes les histoires sous-jacentes ne nous intéressent pas vraiment, dès le moment où on a compris qu’on essaie tout simplement de détourner notre regard.

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