Murder on the Orient Express d’Agatha Christie paraît en 1934 et est, encore aujourd’hui, l’un de ses plus connus, malgré les quelque 33 romans et 51 nouvelles mettant en vedette le célèbre détective belge Hercule Poirot. Après avoir déjà adapté plusieurs classiques de la littérature, notamment certaines pièces de Shakespeare, Kenneth Branagh fait le pari de porter au cinéma le roman de Christie, qui bénéficie déjà de nombreuses adaptations. Défi relevé? Force est de constater que cet essai du cinéaste et acteur ne parvient pas à convaincre totalement.

Le film s’ouvre sur Poirot (Branagh) qui fait l’étalage de ses dons de déduction devant une foule admirative à Jérusalem. Partant ensuite pour Istanbul sur un traversier afin d’y faire du tourisme, il rencontre son vieil ami Bouc (Tom Bateman), qui lui offre de rentrer à Londres à bord de l’Orient-Express, qu’il dirige. Alors que le détective s’attend à un voyage calme, l’un des passagers lui offre de l’engager comme garde du corps, car il craint pour sa vie après avoir reçu des menaces. Poirot décline le boulot, refusant de protéger un homme corrompu. Le lendemain matin, cependant, M. Ratchett (Johnny Depp) est retrouvé mort dans sa cabine. À la demande de Bouc, Poirot accepte, réticent, de résoudre le crime. Dès lors, tous les passagers deviennent des suspects. Et l’enquête commence!

Murder on the Orient Express est rempli de promesses. Les récits policiers sont généralement l’occasion rêvée de mettre à profit nos propres talents de déduction, et de se prêter au jeu qui nous est proposé. Et je dois l’avouer d’entrée de jeu, les whodunnit font partie de mes petits plaisirs au cinéma, tout comme en littérature. La prémisse ici est excitante : une douzaine de suspects, n’ayant en apparence rien en commun, passeront tour à tour l’interrogatoire du détective. On a bien hâte de démasquer le coupable! Dès le début, l’enquête se déroule rapidement. On a droit à énormément de passages où Poirot met en relation des éléments en les expliquant de manière empressée, ce qui fait en sorte qu’on ne peut pas toujours suivre où il va et comment il en arrive à ses conclusions. Puis, lorsque le mystère s’éclaircit pour le détective en apprenant par exemple la véritable identité de Ratchett, qui se nomme en réalité Casetti, il fait tout de suite le lien avec un odieux crime pour lequel il avait été trouvé coupable plusieurs années auparavant, laissant le spectateur avec une déception certaine. En effet, on ne fait pas appel à notre esprit aiguisé ici, puisqu’on préfère nous exposer des faits passés, après qu’ils ont eu lieu, sans qu’on puisse les voir. Il faut donc repartir le compteur à zéro avec ces éléments, et essayer de résoudre l’énigme avec les nouvelles informations qu’on possède.

Il devient rapidement évident que Casetti ait été tué pour avoir kidnappé et assassiné la petite Daisy Armstrong, causant la mort de ses parents en raison du choc. À partir de là, serait-il possible que les passagers aient été proches des Armstrong, assez pour les venger? Assurément, mais encore là, il faudra suivre tous les développements subséquents particulièrement rapidement et regarder à la situation de plus loin pour avoir une idée plus générale des motivations des suspects, car, tristement, tout va trop vite quand Poirot comprend le rôle possible de chacun des personnages dans le crime.

Bien que le récit repose beaucoup sur son intrigue, il ne faut pas oublier tout ce qui l’entoure. L’ambiance ici est lourde et froide, ce qu’on rend bien avec les tons foncés des costumes, des décors et de l’image en général. Ajoutons à cela le fait que le train est arrêté en raison de la neige sur les rails, et on se retrouve dans un huis-clos angoissant. À ce niveau-là, c’est réussi, si on oublie au passage que peu de vrais lieux ont été visités pour le tournage, et, donc, que ces belles images de montagnes sont probablement composées par ordinateur.

Cela dit, l’essentiel de l’intrigue se déroule dans le train, donc l’extérieur devient moins important. À l’intérieur, on fait la rencontre de plusieurs suspects, issus d’une distribution hors pair. On a réuni ici Penélope Cruz, Willem Dafoe, Dame Judi Dench, Daisy Ridley, Leslie Odom Jr., Josh Gad, Derek Jacobi, Michelle Pfeiffer et Olivia Colman. Il devient donc difficile à ce moment-là d’associer l’un de ces visages à celui du coupable, car chacune des personnes impliquées pourrait assurément être celle que l’on recherche. C’est tant mieux, car on peut ainsi mettre davantage d’énergie sur la résolution du crime. Par contre, aucun de ces personnages hétéroclites n’est vraiment approfondi. Le film s’intéresse plutôt à l’histoire de Casetti et des Armstrong, puis on apprend par la bande comment les passagers ont un lien avec la famille. Il manque cruellement de contexte ici. On aurait aimé connaître les héros davantage et tenter de reconstituer les événements nous-mêmes au lieu de tout apprendre de manière décousue et, encore une fois, trop rapide. Malgré les gros noms de la distribution, aucun d’entre eux ne réussit vraiment à briller et on ne parvient pas à les distinguer. Il est en effet difficile de se souvenir des noms après le visionnement, et on se rappellera grossièrement des liens qui les unissent aux Armstrong, sans plus.

Finalement, on ne peut pas apprécier un film d’une telle nature sans parler de sa révélation finale. Branagh n’est pas totalement responsable ici, mais le moment que l’on attend tout du long arrive finalement de façon plutôt fade après qu’on réalise qui a commis le crime. Il est plutôt difficile de croire qu’un détective agirait comme Poirot dans un cas comme celui-là, et on peut se sentir bernés dans cet acte final.

Somme toute, Murder on the Orient Express est un film stylé qui dépeint bien l’époque à laquelle il prend place. On aimera l’attention portée aux costumes et coiffures de ses personnages, de même qu’à son lieu de tournage exigu. Cependant, on se perdra rapidement dans les enchaînements trop rapides de preuves pour lesquelles, plus souvent qu’autrement, nous n’avons pas les clés. À ce niveau-là, il n’atteint pas son objectif d’être un whodunnit engageant, et c’est bien dommage, car c’est le principal plaisir que l’on tire de ce genre de récits.

 

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