Sacha Baron Cohen a toujours démenti qu’il y aurait une suite à Borat. Son personnage devenu depuis iconique rend en effet difficile toute tentative de piéger à nouveau ses intervenants. Pourtant, à la surprise générale, Borat Subsequent Moviefilm prend l’affiche sur Amazon Prime, et ce en pleine campagne électorale américaine. Tourné dans le plus grand des secrets (et même durant la pandémie), ce nouveau chapitre des aventures du « 4e meilleur journaliste du Kazakhstan » est à mi-chemin entre le premier film et un épisode de Who Is America?, la série politique satirique de Cohen. Le résultat est un film plus engagé que le premier opus, et qui est assuré de faire couler beaucoup d’encre dans les prochaines semaines. Heureusement qu’Amazon a les poches profondes pour assumer les frais des nombreuses poursuites à prévoir!

Après l’impopularité de son reportage en sol américain au Kazakhstan, Borat (Cohen) a été condamné aux travaux forcés dans un goulag. Toutefois, le gouvernement décide de lui donner une seconde chance après quatorze ans et lui livre une mission : offrir le Ministre de la culture kazakhstanais Johnny the Monkey au Président américain Donald Trump. Les choses se gâtent rapidement, puisque Borat est incapable d’entrer en contact avec le Président depuis qu’il a déféqué devant sa maison (voir le premier film à cet effet), mais c’est surtout lorsqu’il reçoit le cargo supposé contenir Johnny qu’il s’aperçoit que ce dernier est mort, et que sa fille Tutar (Maria Bakalova), se trouve à l’intérieur. Borat change alors de plan et décide plutôt d’offrir sa fille au Vice-Président Mike Pence.

Malgré ce résumé qui n’a aucun sens, force est d’admettre que Borat 2 a plus de substance au niveau narratif que le premier volet. On se retrouve en effet en présence d’une relation particulière entre Borat et sa fille, relation qui évoluera au fil des rencontres et des situations. Certes, dans le premier film nous avions le producteur Azamat, avec qui Borat ne s’entendait pas très bien, offrant une dynamique particulière qui ajoutait une bonne dose d’humour, mais ici on a pris soin de bien travailler leur relation, toujours en mettant à l’avant l’absurde et la comédie, mais ne délaissant pas le drame pour autant. Cette relation mettra en confrontation Borat et ses préjugés, notamment envers les femmes et les Juifs. Il est assez surprenant de voir que malgré tout l’aspect comique du film, il continent néanmoins plusieurs moments touchants et authentiques.

Dès les premiers instants du film, on a l’impression que Tutar est de trop, par contre. On joue sur plusieurs stéréotypes qui deviennent rapidement redondants, mais après quelques scènes on comprend que ce personnage est voué à une belle évolution. De femme soumise en raison des traditions kazakhstanaises, Tutar parvient de plus en plus à s’émanciper, au grand dam de son père. Ce qui est fantastique, toutefois, c’est que cette évolution vient avec une appréciation grandissante qu’on développe envers le personnage, et que l’actrice semble de plus en plus à l’aise dans son rôle après chaque situation. Si le talent d’improvisation et de personnification de Cohen n’est plus à prouver, trouver une autre personne prête à se jeter dans la gueule du loup comme il le fait n’a pas dû être chose facile. À cet égard, Bakalova est tout simplement sublime. Elle parvient à s’approprier plusieurs traits caractéristiques de Borat, tout en proposant sa propre interprétation du personnage, pour un résultat assez convaincant. Le tout culmine dans la scène déjà devenue notoire entre elle et Rudy Giuliani, où l’on ne peut s’empêcher de développer une certaine sympathie envers elle. Sa performance est d’autant plus impressionnante lorsqu’on sait qu’elle est Bulgare et que c’était son premier rôle en anglais (et aux États-Unis de surcroît). Une nomination aux Oscars à prévoir? Fort possiblement!

Je mentionnais d’entrée de jeu que ce film est plus engagé que le premier, et on le constate assez rapidement. L’avortement, la condition féminine, l’esthétisme et le coronavirus (eh oui!) sont abordés de front et bien évidemment tournés en ridicule par Borat. Certes, on mène en bateau une fois de plus de nombreuses personnes non-professionnelles (dont une gardienne des plus attentionnées), mais cette fois on s’attaque également à de nombreux élus ou personnes influentes, Giuliani et Pence à l’avant-plan. Cohen va-t-il plus loin que dans ses précédents projets? Pas vraiment, si ce n’est peut-être de la scène de Giuliani. Pourtant, Cohen mentionne que c’est la première fois qu’il a ressenti le besoin de porter une veste pare-balle (sans la scène de « Country Steve »), ce qui en dit long sur le climat actuellement tendu. On n’a également pas d’autre choix que de déguiser Borat à de nombreuses reprises, ce qui est dommage, mais nécessaire. Le tout demeure tout de même efficace, bien que Cohen ne réinvente aucunement son style. Certaines scènes vont vous frustrer, d’autres vous désespérer, mais toutes vous feront réfléchir et, surtout, vous conforter d’habiter au Canada.

Est-ce que ce deuxième opus a sa raison d’être? Surprenamment, oui. J’avais peur que ce ne soit qu’un cash-grab que personne n’avait demandé, mais ce n’est pas le cas. Les États-Unis sont plus divisés maintenant qu’ils ne l’étaient il y a quatorze ans, ce qui laisse évidemment place à de nombreuses scènes où la droite américaine paraît mal, comme à son habitude. L’humour acerbe et sarcastique est toujours au rendez-vous, ce qui fait de ce film l’une des meilleures comédies de l’année. Toutefois, seul l’avenir dira si documenteur saura demeurer pertinent au-delà de cette campagne présidentielle.

Borat Subsequent Moviefilm est disponible sur Amazon Prime le 23 octobre 2020.

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