Cette critique a d’abord été publiée dans le journal Le Collectif. Pour consulter la critique originale, cliquez ici.

Mentionnons-le d’entrée de jeu : Ad Astra ne fera pas l’unanimité auprès de son auditoire. La Fox a pris le pari audacieux d’investir plus de $80 millions dans un film d’auteur futuriste réalisé par James Gray (The Immigrant, The Lost City of Z, We Own the Night). L’habitué du festival de Cannes peut compter sur un Brad Pitt en grande forme pour son nouveau projet très ambitieux. Si tous s’entendront sur les prouesses techniques d’Ad Astra, certains seront possiblement déçus par son aspect contemplatif et philosophique.

Un voyage aux confins du système solaire

Roy McBride (Brad Pitt), fils du célèbre explorateur planétaire H. Clifford McBride (Tommy Lee Jones), est un astronaute affecté à l’entretien d’une antenne aux limites de l’atmosphère terrestre. Lors de l’une de ses sorties spatiales, un déferlement électrique secoue le système solaire, causant d’importants dégâts sur Terre. L’agence spatiale américaine vient alors l’informer que cette perturbation aurait peut-être été causée par le vaisseau de la dernière mission de son père, qui avait été présumé mort lors d’une expédition en bordure de Neptune. McBride est alors envoyé vers Mars, dernier relais habité du système solaire, pour tenter d’entrer en contact avec son père et comprendre l’origine du mystérieux phénomène.

Après un premier acte prometteur, le récit perd un peu de rythme et d’intensité au cours du second, et bâti une appréhension qui n’est pas pleinement assouvie au dernier acte. Néanmoins, le scénario bénéficie de plusieurs niveaux d’analyse, qui résonneront différemment auprès de chacun. Alors que la mission principale s’inscrit dans le film d’action ou le thriller (avec des scènes qui sont efficaces mais sans plus), le récit sous-jacent nous invite à réfléchir à une multitude de thématiques telles que les relations père-fils, la solitude, l’atteinte de nos objectifs personnels, la recherche d’un but à la vie, la santé psychologique et même la religion. La construction du récit et la nature contemplative de celui-ci laissent amplement le temps de se livrer à ces réflexions, qui ajoutent plus ou moins de profondeur au film selon l’expérience personnelle de tout un chacun. Ceux et celles qui sont à la recherche d’un film d’action seront possiblement déboutés, d’autant plus que la fin, porteuse d’espoir, s’avère un peu fade.

L’univers d’Ad Astra est ancré dans un futur rapproché hautement réaliste rappelant un 2001 : A Space Odyssey (qui avait prédit la tablette intelligente, entre autres). Un cynisme inhérent s’installe évidemment dans cette vision du monde (une privatisation des voyages dans l’espace similaire à celle des compagnies aériennes actuelles, la présence d’un Applebees ou d’un Subway sur la lune, etc.), mais Gray ne se veut pas moralisateur, tentant plutôt d’illustrer l’absurdité contemporaine projetée de quelques années. Cette visualisation du futur, bien que simpliste et familière, nous permet tout de même de se questionner sur notre société actuelle.

Brad Pitt brille dans une distribution sous-utilisée

Pitt, fort d’une très bonne performance dans Once Upon a Time… in Hollywood un peu plus tôt cette année, livre ici une interprétation sans faille de Roy McBride. Il a le lourd défi de présenter un personnage qui demeure extrêmement calme même dans les situations les plus dangereuses. McBride a en effet la réputation d’avoir le contrôle de sa fréquence cardiaque, ce qui s’avère crucial puisque la santé psychologique et le BPM (battements par minute) occupent une part importante du récit et, plus globalement, du métier d’astronaute. Sa performance très sobre, rappelant celle de Ryan Gosling dans First Man, parvient à nous rendre empathique envers lui, ce qui est un tour de force remarquable. Les quelques écarts émotionnels qu’il se permet bien malgré lui entraînent des conséquences fâcheuses, renforçant l’importance du contrôle de soi.

La distribution inclut également plusieurs autres acteurs et actrices de renom, dont les performances sont adéquates mais grandement oubliées dans le scénario. Du lot, Tommy Lee Jones et Donald Sutherland s’illustrent, malgré leur temps d’écran limité. Ruth Negga (nominée aux Oscars en 2017) joue également un rôle effacé, et on se questionne sur les raisons qui ont poussé Gray à recruter Liv Tyler pour un rôle si accessoire. On aurait souhaité que chacun ait une plus grande part à jouer dans cette fatidique mission.

Techniquement parfait

La plus grande prouesse d’Ad Astra, tout comme pour la plupart des films sur l’espace, est l’incroyable qualité technique à l’écran. Les décors sont très bien exécutés, avec des lieux mystérieux qui nous rappellent les Interstellar et 2001 : A Space Odyssey de ce monde. La station spatiale sur Mars est particulièrement réussie à cet égard. La cinématographie est aussi exceptionnelle, grâce au talentueux Hoyte Van Hoytema (Dunkirk, Interstellar, Her) qui présente ici une image très stylée, du même niveau qu’un Blade Runner 2049.

Là où le film excelle (et où il remportera probablement des Oscars) est dans son ambiance sonore. Très réaliste, le bruitage ajoute en particulier à l’angoisse de se retrouver seul dans l’espace, ou plutôt dans l’espace confiné d’une combinaison spatiale. On a l’impression d’être sous l’eau tellement les sons ont subi de la distorsion, ajoutant à l’aspect claustrophobique du film. Les effets spéciaux sont tout aussi bons, sans être extravagants. Les scènes d’apesanteurs sont particulièrement réussies (sauf pour une scène vers la fin, qui est apparemment un choix artistique plutôt qu’un oubli de l’équipe). L’argent est véritablement à l’écran, et place Ad Astra aux côtés des plus grands films de science-fiction.

À visionner dans un contexte particulier

Personne ne détestera Ad Astra au point de le considérer comme un mauvais film. Il convient toutefois de mentionner que les conditions de son visionnement sont très importantes dans l’appréciation que vous en aurez. Il y a véritablement une plus-value à aller voir ce bijou technique au cinéma en raison de l’ambiance sonore et visuelle sensationnelle. De même, il faut se laisser guider par le récit, et surtout ne pas s’attendre à un film d’action à la Gravity ou The Martian, mais plutôt à une histoire plus lente et contemplative.Il est également de notre avis que le film résonnera de différentes façons selon notre bagage personnel. Les réflexions pourront être plus émotives si vous êtes parent, par exemple. Les relations père-fils sont assez émouvantes, mais pourront laisser les jeunes adultes plus indifférents. Cette expérience personnelle va grandement déterminer si vous considérerez Ad Astra comme un chef d’œuvre contemporain ou comme un blockbuster décevant.

Fait partie du top 250 d’Alexandre (#217).

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