Bridget-Jones
Moyen

Helen Fielding
1997, Picador
307 p.

Bon

Nancy Myers
2001
97 mins.

Le genre littéraire de la chick lit, qui a vu le jour dans les années 1990, en est un très populaire auprès d'un lectorat qui aime passer du bon temps dans une histoire pas trop compliquée, mettant au coeur de ses aventures des héroïnes attachantes dans des situations tout aussi invraisemblables que sympathiques. Bien que depuis ses débuts, les romans de ce genre se sont rapidement multipliés (de même que leurs adaptations cinématographiques), il est facile de savoir lesquels sont les meilleurs du genre ou des classiques. Même si elle n’est pas la pionnière, Bridget Jones est la première héroïne à avoir eu son film, et la londonienne est rapidement devenue l'étalon d'or... mais on peut se demander pourquoi, surtout près de 30 ans plus tard.

 

 

Il y a très peu de différences entre le roman et le film Bridget Jones’s Diary, mais la plus marquée est sans aucun doute le fait que le film est plutôt court, et que le roman prend davantage son temps pour mieux présenter les relations de Bridget avec Mark Darcy et Daniel Cleaver. En effet, le roman nous présente beaucoup plus de scènes de flirt entre Cleaver et son employée, et plusieurs moments avec Mark Darcy qui, pour une raison d’économie je présume, ont été tronqués du scénario.

Notons aussi que l’aventure de Bridget et Daniel passe par davantage de hauts et de bas que ceux qui sont montrés au grand écran. Car ce journal intime que l’on est en train de lire nous présente les beaux côtés certes, mais aussi, et surtout, les réflexions incessantes de Bridget et ses questionnements que la plupart des femmes célibataires auront vécus à un moment ou à un autre.

18:00. O joie ! Ai passé la journée dans un état que je ne pourrais appeler autrement qu’ivresse de l’extase, errant dans l’appartement, souriant, à ramasser des choses et à les reposer. C’était si merveilleux. […]

Mais les nuages roses commencent à se disperser. Je suis inquiète. Et maintenant ? On n’a rien prévu. Soudain, réalise que j’attends à nouveau que le téléphone sonne. Comment se peut-il que la situation après une première nuit soit toujours aussi atrocement déséquilibrée ? J’ai l’impression d’avoir passé un examen, et d’attendre les résultats.

23:00. Grands dieux. Pourquoi Daniel n’a-t-il pas appelé ? Est-ce qu’on sort ensemble maintenant, ou quoi ?

A cet effet, le roman peut nous lasser rapidement de son personnage principal, surtout, je crois, quand on ne vit plus d’histoires du même genre que la trentenaire. Il y a quelque chose de charmant à regarder Sex and the City quand on est célibataire et qu’on rencontre (presque) autant de personnes que les quatre femmes new-yorkaises, mais quand on se case, les soirées dans les bars et les aventures d’un soir ont une impression de déjà-vu et nous laissent un arrière-goût plus amer. C’est la même chose ici ; comment ne pas fatiguer devant une femme aussi incertaine, qui change d’idée au même rythme qu’elle écoute les messages vocaux sur son répondeur? On n’a plus envie de se rallier du côté d’une héroïne trop heureuse un jour et détruite le lendemain. C’est épuisant pour elle et malaisant pour nous.

Le fait d’avoir vu le jour en 1996 (2001 pour le film) est une bonne chose dans ce cas, car je n’ose même pas imaginer l’effet des médias sociaux sur le moral de Bridget et de ses montagnes russes d’émotions. J’ose même ajouter que, si on retentait l’expérience aujourd’hui, on ne prendrait pas autant de temps à critiquer le poids du personnage principal, dont l’objectif premier est de maigrir. Chaque entrée dans son journal (heureusement, elles ne sont pas quotidiennes) détaille le nombre de calories ingérées dans la journée (en étant évidemment exagérées pour ajouter du comique) et le poids du personnage, qui oscille toujours près de 125 livres (ce qui est LOIN d’être beaucoup, même pour quelqu’un qui fait un peu plus de 5 pieds). Ici aussi, donc, on se lasse rapidement. Tellement, que vers la moitié du roman je ne lisais plus ces quelques lignes introductives. D’abord parce que le ton ironique de celles-ci me tapait sur les nerfs, ensuite parce que je me fâchais de voir que Bridget n’avait pas vraiment d’autres ambitions.

Jeudi 23 février

[…] 57 kg […] calories : 775 (ultime chance d’être à moins de 56 [kilos] demain) […]

Samedi 25 février

[…] 55,5kg […] calories : 200 (ai découvert le secret pour ne pas manger : remplacer bouffe par sexe). […]

Dimanche 26 février

[…] 57 kg […] calories : 3 856 (pour l’étouffer sous la graisse).

Il y a beaucoup de problèmes avec ces introductions aux journées relatées. D’abord, le nombre de calories ne peut jamais être crédible, qu’il soit très bas ou très élevé. On passe plusieurs jours à des chiffres comme ceux mentionnés plus hauts, mais d’autres aussi à ingérer 6 245 calories (le 29 juillet), ce que j’imagine être un peu difficile, même en forçant la note. Puis, Bridget découvre les smoothies ! Ainsi, son alimentation change, mais on a maintenant droit à « nombre de smoothies bus : 17 », par exemple, ce qui encore une fois se veut comique, mais qui peut irriter le lecteur plus que souhaité. Au-delà de l’alimentation, Bridget compte beaucoup de choses, que ce soit le nombre de fois où elle a fait *69 sur son téléphone pour voir si un homme l’avait appelée ou encore les minutes passées à réfléchir à la liste d’invités à son souper d’anniversaire (237, le 16 mars). Je suis consciente qu’on veut provoquer le rire ici, mais en ce qui me concerne ce n’est pas cette réaction que ces lignes m’ont fait vivre.

Tous ces points, qui sont à mon avis les plus grands défauts du roman, ne sont pas vraiment présents dans le film. On a droit à quelques moments narrés à partir du journal intime, mais ils sont plus rares, ce qui contribue grandement à ne pas fatiguer le public, qui a envie de se rallier au personnage principal !

Si je disais dans ma critique du film que le choix des acteurs pour interpréter Mark Darcy et Daniel Cleaver avait été bien pensé, le mérite ne revient pas totalement à la production. Prenant place dans un environnement anglais, le roman mentionne Hugh Grant et Colin Firth explicitement, quand les amies de Bridget rêvent à eux en tant qu’acteurs. Il aurait été surprenant à ce moment-là de ne pas en profiter, et tant mieux si les deux hommes ont voulu faire partie du projet.

Outre quelques passages du roman qui ont été coupés pour le film et des personnages qu’on a préféré laisser tomber, l’adaptation est très fidèle au matériel d’origine, mais le roman nous donne davantage accès aux pensées de Bridget, et on peut voir plus facilement que sa brève relation avec Daniel n’est peut-être pas aussi chaleureuse que celle présentée dans le film. Cela dit, on a envie de lui crier de s’enfuir à toutes jambes quand elle commence à réaliser que ça n’ira peut-être nulle part (mais qu’elle reste là, en attendant que les choses changent). Finalement, l’écriture de type "journal intime" est venue avec de nombreux raccourcis dans la rédaction, qu’on pourrait attribuer au fait que, dans les années 1990, le journal n’était assurément pas informatique, et donc que notre héroïne devait écrire à la main. Si certains passages sont remplis de détails et racontent des événements passés avec les dialogues entre les personnages, la plupart omettent des mots ou pronoms ce qui fait en sorte que la lecture n’est vraiment pas aussi fluide qu’on le voudrait. Évidemment, transposé à l’écran, le problème n’existe plus car il aurait été saugrenu d’entendre Bridget narrer les situations en enlevant des mots.

21 :30. Suis descendue acheter des cigarettes. En remontant, ai entendu sonner le téléphone. Zut ! Ai oublié rebrancher répondeur après coup de fil de Tom. Suis montée quatre à quatre, ai renversé contenu de sac sur palier pour dénicher clés et me suis précipitée sur téléphone. Qui s’est arrêté de sonner. Étais aux chiottes quand sonnerie a repris. S’est arrêtée le temps que j’arrive. A recommencé quand j’y retournais. Ai réussi à décrocher.

Au final, les deux versions de Bridget Jones’s Diary sont correctes, mais sans plus. Je suis d’avis que le tout est mieux rendu au grand écran, même si le film ne prend pas autant son temps que l’histoire qu'on lit. Cela dit, c’est aussi un avantage, car ça fera en sorte que l’on n’aura pas le temps de se lasser de Bridget en tant que personnage (ce qui nous arrive à la lecture du roman)... et c’est tant mieux.

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