Cette critique a d’abord été publiée dans le journal Le Collectif. Pour consulter la critique originale, cliquez ici.

Danny Boyle (Trainspotting, Slumdog Millionaire, Steve Jobs) nous revient cette année avec la comédie dramatique à saveur musicale Yesterday, inspirée de la musique des Beatles. Si ce n’est pas le genre de film auquel Boyle nous a habitués au fil de sa carrière, quoi de mieux que l’univers des Beatles pour nous faire aller au cinéma en ce début d’été.

Une intéressante prémisse

Jack Malick (le très talentueux Himesh Patel) est un musicien qui connaît peu de succès. Son agente (Lily James) lui déniche des spectacles, mais dont l’auditoire, très peu nombreux, est majoritairement constitué de leur groupe d’amis. La vie de Malick bascule lorsqu’une immense panne de courant à l’échelle mondiale entraîne une collision entre celui-ci, à vélo, et un autobus. S’en tirant miraculeusement indemne, il constate dans les jours qui suivent qu’il est le seul à connaître les Beatles et leurs chansons. Profitant de l’opportunité qui lui est offerte, il tente de se souvenir du plus de chansons possible pour se les approprier et ainsi finalement espérer accéder à la gloire, Il est découvert par Ed Sheeran, puis par son agente Debra Hammer (interprétée par Kate McKinnon), qui tous deux le propulseront vers la célébrité.

Cette intrigue soulève des questionnements intéressants. À quoi ressemblerait un monde sans la musique des Beatles? Comment serait perçue leur musique dans le contexte actuel? Comment une seule personne, et non un groupe, pourrait faire face à la pression et à la popularité qu’entraîne la sortie de chansons qui deviennent succès après succès? Yesterday tente de répondre à ces interrogations, mais n’y parvient que partiellement.

Un scénario mal ficelé

Le scénario souffre de nombreuses incohérences qui font perdre de la crédibilité à l’univers créé par Boyle et Richard Curtis, le scénariste. D’autant plus que l’univers est primordial à la réussite de Yesterday. D’entrée de jeu, le personnage de Jack Malick manque de profondeur. Il n’est jamais mentionné que Malick aime les Beatles et qu’il en connaisse même les chansons. Il est évident qu’en tant que musicien il ait joué plusieurs de leurs chansons à un moment ou à un autre. Et il faut, à notre avis, qu’il ait été un grand amateur du groupe pour pouvoir se souvenir par cœur des paroles et partitions. Si tout le monde connaît les paroles de Hey Jude, All You Need Is Love ou Let it Be, d’autres chansons plus obscures apparaissant dans le film (The Long and Winding Road, par exemple) semblent plus difficiles à recréer de mémoire.

Si on peut pardonner ces écarts au scénariste, d’autres éléments sont moins excusables. En fait, il semble que les Beatles ne soient pas les seuls à avoir disparus de la mémoire collective. D’autres éléments de la culture populaire, dont le Coca-Cola, la cigarette (!), le groupe Oasis et même une série de livre populaire dont nous tairons le nom, semblent avoir été effacés eux aussi. On ne questionne pas beaucoup dans le film ces autres éléments disparus (nous sommes ici pour les Beatles de toute façon), mais il aurait été intéressant que Malick ait cherché à comprendre les raisons de ces disparitions, ou du moins le lien qui les unit.

Heureusement pour l’histoire du Rock’n’Roll, les Rolling Stones sont toujours présents, même si on passe sous silence le fait que John Lennon et Paul McCartney aient déjà écrit des chansons pour le groupe. Si ce détail peut passer inaperçu pour le simple spectateur, il peut néanmoins irriter les grands fans des Beatles (qui seront plusieurs à aller voir le film, soyons honnêtes). On tait du même coup toute l’influence que le groupe a eue sur d’autres artistes – c’est un fait connu que l’album Pet Sounds des Beach Boys était une tentative de faire mieux que l’album Rubber Soul des Beatles, sorti l’année précédente.

Un dernier aspect problématique est le ton donné au film. S’il se veut une comédie dramatique, aucun de ces deux aspects n’est vraiment rendu avec justice. Peu de gags font vraiment rire, si ce n’est de quelques réactions de gens qui découvrent la première fois la musique des Beatles. L’un des meilleurs moments comiques est d’ailleurs dans la bande-annonce, la surprise nous est donc gâchée en partie… L’aspect dramatique est quant à lui forcé, alors qu’on ajoute une romance dont on aurait bien pu se passer.

Il n’y a pas que de mauvais côtés à l’intrigue de Yesterday. Les références à l’histoire des Beatles sont bien rendues, le choix musical est très efficace et l’instant fame est présenté sous toutes ses facettes. On est donc loin d’un désastre, malgré les aspects précédemment amenés.

Un jeu qui laisse à désirer

Si la tête d’affiche de Yesterday brille, on ne peut en dire autant des acteurs et actrices de soutien. Ed Sheeran y joue son propre rôle, ou plutôt le rôle de la Rock Star ultime, mais sa performance manque de crédibilité, surtout si on connaît toute l’humilité dont le véritable Ed Sheeran est capable. Le personnage le plus détestable est probablement Kate McKinnon, l’agente d’Ed Sheeran et de Jack Malick. On semble lui avoir collé tous les clichés de l’industrie musicale, en passant de la production de masse d’albums, de la recherche du profit et du changement d’image corporelle. Sa performance est surjouée, mais il faut avouer que le scénario et les dialogues qu’on lui impose n’aident en rien à trouver son personnage attachant. Lily James vient compléter le tableau, en rendant une performance adéquate, sans plus. La chimie entre elle et Patel est visible, mais mal exploitée.

Y trouverez-vous votre compte?

Difficile à dire. Si on prend toujours grand plaisir à réentendre la musique des Beatles, ou des reprises dans ce cas-ci, le scénario n’a que peu d’intrigues et de péripéties. On a plutôt droit à une succession de chansons, interprétées avec brio par Patel. Si la bande-annonce laissait présager un feel-good movie, on reste indifférent face au produit final. Pour pleinement en profiter, il faut éviter de chercher les incohérences et tout simplement profiter d’une trame sonore envoûtante.

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