Varda par Agnès
Cette critique a été rédigée dans le cadre de l’édition 2020 du Festival cinéma du monde de Sherbrooke.
Le décès d’Agnès Varda il y a un peu plus d’un an a secoué le monde du cinéma. Cette icône de la Nouvelle Vague française aura marqué le cinéma à sa façon, et aura donné une voie féminine bienvenue parmi les discours de ses confrères réalisateurs. Âgée de 90 ans, elle avait tout un bagage cinématographique avec lequel elle a beaucoup joué au cours des dernières années. Le documentaire Visages villages est un exemple parmi tant d’autres où la réalisatrice a puisé dans sa longue carrière pour offrir un nouveau contenu à la fois pertinent et réinventé. Varda par Agnès, son dernier film, se présente lui aussi comme une rétrospective de sa carrière, cette fois plus comme une classe des maîtres (maîtresses, plutôt) qu’un projet artistique en soi. Le résultat est un plongeon introspectif et informatif sur son cinéma avant-gardiste, que vous ayez vu ses films ou non.
Le documentaire présente succinctement les trois vies de Varda : photographe, cinéaste et artiste. Tout du long, elle commente la structure de ses films ainsi que ses choix de tournage et de montage. On connait ses qualités de conteuse et le charisme qu’elle dégage devant la caméra. Ses explications théoriques sont accompagnées d’extraits de ses films, qu’on aurait souhaité plus nombreux. Elle propose une lecture enrichie de ses références et de ses expériences, et prend soin de nous expliquer le cheminement qui l’a menée là où elle l’était à la veille de ses 90 ans.
Nous avons droit ici moins à une œuvre-testament qu’un regard critique et introspectif de son œuvre. Il est intéressant de discuter des diverses collaborations avec les grands artistes de son temps (Godard, Warhol, De Niro, etc.), sa relation avec Jacques Demy, son passage vers le numérique et l’art visuel, et enfin sa vieillesse. C’est dans cette dernière thématique que le documentaire prend tout son sens.
Le film m’a beaucoup fait penser au documentaire Le cri du rhinocéros de Marc Labrèche, dans lequel l’acteur s’entretenait avec différents artistes sur la continuelle quête de leur pertinence en vieillissant. Varda aborde la même question et démontre comment, à un moment de sa vie, elle s’est détournée du cinéma pour se consacrer aux arts visuels. Alors que plusieurs réalisateurs âgés auraient regardé avec nostalgie les vieilles bobines désuètes de leurs films prendre la poussière dans les cinémathèques, Varda a décidé de les recycler en construisant des cabanes pour que ses films puissent bénéficier à un tout autre auditoire, à l’extérieur des salles de cinéma. Loin d’être nostalgique, la réalisatrice nous montre à quel point l’art est en constante évolution, et nous prouve qu’elle sait se réinventer pour demeurer pertinente à toute époque.
J’ai vu quelques films de Varda (La pointe courte, Cléo de 5 à 7, L’opéra-mouffe, Visages villages et Du côté de la côte), mais j’avoue qu’il me manque quelques-uns de ses grands classiques pour avoir pleinement compris toutes les références du documentaire. Il m’a toutefois donné le goût de plonger dans sa filmographie le plus rapidement possible, surtout dans Sans toit ni loi et Le bonheur. Le film s’est montré particulièrement inspirant. On a ici une femme qui n’a jamais cessé de surprendre et ne s’est jamais laissée décourager par l’adversité à laquelle elle a fait face. Alors que plusieurs ont accueilli froidement le passage de la pellicule au numérique, Varda l’a accueilli à bras ouverts, et ce à près de 70 ans!
Varda par Agnès est un film très touchant d’une artiste que j’apprécie beaucoup. Son parcours est impressionnant, et sa mort laisse un grand vide dans le cinéma français comme international. On souhaiterait que davantage de réalisateurs et réalisatrices fassent ce genre de documentaire sur leur vie, puisque cela pourrait inspirer une jeune génération à se lancer dans le cinéma!
Le film fait partie du coffret The Complete Films of Agnès Varda de la Collection Criterion.