Transit
Cette critique a été rédigée dans le cadre de l’édition 2020 du Festival cinéma du monde de Sherbrooke.
Au moment où Christian Petzold présente Undine à la Berlinale 2020, son précédent projet, Transit, parvient finalement jusqu’à nous. Avec ce film de science-fiction (ou, du moins, de réalité alternative), Petzold s’attaque à la crise migratoire et aux exilés politiques, plus près de ce que l’on a observé durant la Deuxième Guerre mondiale qu’à la situation que l’on vit actuellement. C’est un récit bien particulier que nous propose le réalisateur allemand, récit qui ne parvient véritablement jamais à trouver son ton ni à prendre son envol.
L’histoire se situe de nos jours, à Marseille, où des réfugiés, voulant fuir les forces d’occupation fascistes, rêvent d’embarquer pour l’Amérique. Parmi eux, l’Allemand Georg (Franz Rogowski) prend l’identité de l’écrivain Weidel, qui s’est suicidé pour échapper à ses persécuteurs. Il profite de son visa pour tenter de rejoindre le Mexique, mais tout change lorsqu’il tombe amoureux de la mystérieuse Marie (la charmante Paula Beer), en quête désespérée de l’homme qu’elle aime, et sans lequel elle ne partira pas.
Transit est très long à démarrer. On se questionne pendant plus de la moitié du film à savoir où l’on veut en venir, puisqu’on sent qu’il y a plus à ce récit d’exil qu’il n’y paraît. À cet égard, le film est très mal construit. La première moitié du film, si elle sert à établir quelques éléments qui seront nécessaires à créer une surprise assez peu surprenante auprès de l’auditoire, aurait pu être enlevée complètement. On prend la peine de bâtir une relation entre Driss (Lilien Batman) et Melissa (Maryam Zaree), sa mère sourde et muette, avec qui Georg tente de se rapprocher après que son ami et partenaire de voyage, qui était le paternel de la famille, est mort en cours de route. Pourtant, on perd complètement de vue Driss et Melissa dans la seconde moitié du film, ce qui nous donne l’impression d’avoir perdu notre temps.
Le film n’est pas exempt de qualités. Rogowski est très bon, dans une performance qui nous rappelle un sobre Joaquin Phoenix (autant dans l’interprétation que dans le physique de l’acteur). Paula Beer (qui interprète Marie) est elle aussi très bonne, bien qu’elle ne soit pas suffisamment présente. Elle dégage un charisme inhérent, et parions qu’on la verra de plus en plus dans les années à venir (rappelons qu’elle a remporté le prix d’interprétation féminine pour Undine plus tôt cette année). L’histoire, dans sa deuxième moitié, contient également quelques retournements de situations bien amenés, mais trop peu intéressants. Tel est le cas du dévoilement du narrateur, ou de la finale prévisible. Le dilemme que présente la relation entre Georg et Marie est l’aspect le plus poignant de ce film qui manque cruellement de saveur.
Transit vous laissera probablement sur votre faim. C’est un film qui possède une prémisse kafkaïenne intéressante, mais dont les occasions manquées sont abondantes. Sa relative dystopie résonne jusqu’à nous aujourd’hui, mais ne nous fait pas suffisamment réfléchir (et, avouons-le, n’est pas l’élément central du film) pour en valoir la peine. C’est avant tout un récit d’amour traditionnel qui n’amène aucun nouvel élément sur la table, malheureusement.