Nous sommes aujourd’hui tous familiers avec le style documenteur (mockumentary) qui a fait la renommée de séries comme The Office et Parks and Recreation ainsi que des films comme Borat ou Popstar : Never Stop Never Stopping. On l’aura peut-être oublié, mais une grande part leur est due à l’un des précurseurs du genre : This Is Spinal Tap. Le premier film de Rob Reiner (Stand By Me, The Princess Bride, A Few Good Men) aura marqué toute une génération par son style novateur, en plus de populariser le faux groupe de rock Spinal Tap (qui feront quand même partie du célèbre concert Live Aid en 1985). Parodie célèbre du monde de la musique, plusieurs artistes comme Ozzy Osbourne et The Edge salueront le réalisme de ses situations.

Spinal Tap, c’est avant tout un groupe britannique formé de Nigel Tufnel (Christopher Guest), David St. Hubbins (Michael McKean) et Derek Smalls (Harry Shearer). Ils ont certes un batteur, mais inscrire son nom ici serait difficile, car les percussionnistes s’enchainent à la vitesse de l’éclair, comme si une malédiction s’abattait sur eux. Les trois précédents batteurs du groupe sont malheureusement morts, ce qui n’augure pas bien pour celui qui occupe le poste! Le groupe, en perte de vitesse depuis quelques années, décide de faire une tournée américaine, et c’est là que le réalisateur Marty DiBergi (Rob Reiner) a l’idée de tourner un documentaire sur le groupe. Il les suivra à travers les États-Unis, en captant les hauts et les bas de la tournée et de la sortie de leur nouvel album.

Rien ne sert de résumer d’avantage This Is Spinal Tap, car c’est avant tout un film qui se vit. Les acteurs ont en effet improvisé la plupart des répliques et des situations du film, et il faut se laisser guider par le faux documentaire pour pleinement l’apprécier. On remarque dès les premières minutes que le film parodie bien évidemment les groupes rock des années 1960 à 1980, des Beatles jusqu’à Poison. En effet Spinal Tap, malgré la jeunesse apparente de ses membres, est actif depuis les années 1960, comme on peut le voir lors de l’apparition du groupe à la télé dans une émission qui s’apparente au Ed Sullivan Show. Ils ont vécu l’évolution de la musique, du rock’n’roll au hair metal, en passant par le rock psychédélique et au disco, mais leurs meilleurs jours sont derrière eux. Ils peinent à remplir de petites salles américaines, et la sortie de leur plus récent album, « Smell The Glove », est problématique. Les membres du groupe s’attachent néanmoins autant que possible à ce qu’ils aiment le plus, quitte à tomber dans un pathétisme hilarant.

Parodie du monde de la musique, certes, mais This Is Spinal Tap se veut également une parodie des documentaires sérieux sur la musique. Presque hagiographiques, des documentaires comme Gimme Shelter, Let It Be et The Last Waltz sont en effet réalisés par et pour les fans, et veut avant tout mettre en valeur les membres du groupe. Ici, l’intention de Rob Reiner est tout à fait contraire, et il est plus intéressé par les déboires du groupe que par ses faits d’armes. Les problèmes techniques que vivent le groupe (des accessoires défectueux lors des concerts, se perdre en arrière-scène) sont mis en avant-plan, pour notre plus grand bonheur.

La chimie entre Guest, McKean et Shearer est palpable. Ayant participé à l’écriture du « scénario », on sent que c’est un projet de cœur des trois acteurs, ainsi que de Reiner. Ce qui surprend le plus, c’est peut-être à quel point l’humour a bien vieilli. Toutes les comédies ne peuvent se narguer d’être aussi drôles aujourd’hui qu’à l’époque de leur sortie, puisque l’humour est habituellement un produit de son temps. Certes, Spinal Tap était probablement plus drôle en 1984 qu’il ne l’est aujourd’hui, mais la plupart des blagues ont très bien vieilli, spécialement auprès de ceux et celles qui connaissent le monde de la musique. En effet, cette parodie peut s’appliquer à tous les genres de musique, et est encore pertinente aujourd’hui. Popstar se veut en quelque sorte une mise à jour de Spinal Tap, et si le premier s’est avéré somme toute assez sympathique, il faut voir au moins une fois le second. On comprend très rapidement comment ce dernier a pu s’élever au rang de film culte.

En somme, This Is Spinal Tap, dans sa forme la plus basique, est une comédie extrêmement efficace. Comme tous les faux documentaires, il veut parodier à la fois son sujet et le genre documentaire, tout en exposant de façon humoristique une thématique relativement banale. On s’étonne que pour un projet aussi peu sérieux, la musique du groupe soit aussi bonne! Il faut évidemment aimer le hard rock, mais le culte qui entoure le film aura permis au groupe de faire des tournées et des concerts, en plus de nombreux autres documenteurs sortis dans les années 1990 et 2000. Il est assez rare qu’un film culte connaisse également un succès critique comme celui qu’a connu le film. Dans sa catégorie, force est d’admettre que This Is Spinal Tap est dans une classe à part.

Fait partie de la Collection Criterion (#12).

Fait partie des 1001 films à voir avant de mourir.

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