Adapté du roman du même nom d’Aravind Adiga, The White Tiger explore la relation entre un chauffeur indien et ses maîtres, du point de vue de l’employé. Raconté sous forme de souvenir, le récit d’élévation sociale nous présente ainsi le mode de vie de familles de différentes castes, entre la corruption politique qui fait partie du quotidien des riches et l’esprit de communauté qui se dégage des moins nantis.

Le film s’ouvre sur Balram (Adarsh Gourav), quelques années après son emploi au sein de la famille d’Ashok (Rajkummar Rao) à titre de chauffeur. On devine qu’il est maintenant aisé, par son costume, sa coiffure, le bureau dans lequel il travaille et le fait qu’il soit en pleine rédaction d’un courriel (que l’on entend en voix off) à un diplomate chinois qui doit venir le visiter. Comment un chauffeur pauvre s’est-il retrouvé à une telle position? Et pourquoi est-il recherché par la police pour meurtre? Ainsi commence le long retour en arrière caractéristique des films biographiques habituels.

Lorsqu’il était enfant, Balram s’est fait offrir de quitter sa ville natale pour rejoindre une école de Delhi où il pourrait mettre à profit son esprit aiguisé avec un encadrement adéquat. Après la perte de son père, le jeune élève n’a d’autre choix que de travailler pour assurer les besoins de sa famille et abandonne ses études. Maintenant adulte, Balram rêve de devenir chauffeur pour les familles influentes. L’occasion se présente quand les Stork viennent manger au restaurant où il travaille. Dès la fin de son quart, ce dernier les suit et se fait engager rapidement comme le second chauffeur de la famille. Développant une relation de confiance avec le fils de Stork, Ashok, et sa femme Pinky (Priyanka Chopra), tout change subitement lorsque celle-ci demande à conduire la voiture à la fin d’une soirée arrosée et happe un enfant sur le chemin du retour. Balram se fera ensuite forcer de signer une déclaration attestant qu’il a lui-même frappé l’enfant, en échange de quoi sa propre famille sera sauve de toute forme de représailles des Stork.

The White Tiger présente l’Inde d’une façon qui n’a rien à voir avec Bollywood. Le récit que l’on voit se dérouler sous nos yeux n’est pas flamboyant et aucun numéro musical ne nous attend au générique. Par ailleurs, si la prémisse peut rappeler Slumdog Millionnaire, il ne faut pas s’y méprendre. Comme nous le dit Balram, « I was trapped in a rooster coop, and don’t believe for a second there’s a million rupee game show you can win to get out of it« . Pas de moyen miracle de se sortir de sa situation sociale ici, et le « rooster coop » auquel on fait référence plusieurs fois dans le film est plutôt explicite. Selon notre narrateur, l’Inde est le pays où l’on est soit le poulet en attente d’une mort aux mains des hommes, soit l’homme qui tue les poulets. Il n’y aurait donc aucune autre alternative.

Cela dit, tout au long du film, Balram balance entre les deux positions, étant tantôt à la merci des Stork et du fils ainé Mukesh (Vijay Maurya) qu’il compare à une mangouste, tantôt ayant l’avantage sur eux. Balram, de la même façon que la famille de Parasiteinfiltre les Stork et magouille à faire renvoyer le premier chauffeur pour devenir le seul à avoir son poste. Il utilisera ensuite sa position pour épier les conversations politiques de ses maîtres et emmagasiner l’information qui lui sera nécessaire pour éventuellement quitter la famille. Dans l’univers du film, le « tigre blanc » fait référence à un être exceptionnel que l’on ne rencontre qu’une fois dans une vie, et c’est lorsqu’il démontre tout ce dont il est capable étant enfant que Balram se fait comparer à la bête. Le récit nous donnera ensuite l’occasion de constater les prouesses intellectuelles du chauffeur, mais tout parvient uniquement dans le dernier tiers du film. Ainsi, on passe la majeure partie du visionnement à alterner entre de courts moments de joie et de satisfaction quand les choses semblent prendre un nouveau tournant pour lui, pour retourner ensuite à quelque frustration et indignation devant la façon dont ses maîtres le traitent, le point culminant étant évidemment la signature de la fausse déclaration. Il faudra prendre son mal en patience pour espérer voir un changement de situation du chauffeur, et les événements que l’on attend tout au long se produisent si tard que la fin semble particulièrement précipitée.

En effet, si on peut avoir des relents du film de Bong Joon Ho par moments, les éléments de surprise, les revirements de situation et le suspense ne font malheureusement pas partie de ce récit et il sera plutôt difficile de se placer derrière Balram dans les dernières minutes du film où tout nous est annoncé en même temps dans un moment que l’on aurait étrangement souhaité plus sensationnaliste. Oubliez donc les révélations plus grandes que nature et, même, le sentiment d’accomplissement. La scène finale en est une qui laisse avec un sentiment doux-amer, et il aurait été nettement plus intéressant de préparer le tout en un lent crescendo depuis la moitié du récit.

Malgré ses quelques problèmes de découpage et de rythme, The White Tiger demeure un bon divertissement qui permet de se familiariser avec les inégalités en Inde et d’avoir un aperçu de la vie plus difficile des habitants du pays, que l’on soit en position de pouvoir ou en attente de se retrouver dans une telle position.

Laissez un commentaire