The Trial of the Chicago 7
Aaron Sorkin est bien connu pour ses drames politiques et ses biographies marquantes. Scénariste oscarisé, il signe les adaptations de nombreux faits vécus comme A Few Good Men, The Social Network, Moneyball et Steve Jobs. Ayant fait le saut à la réalisation en 2017 avec Molly’s Game, Sorkin nous revient cette année avec un film qui pourrait se mériter de nombreuses nominations aux Oscars dans quelques mois. The Trial of the Chicago 7, c’est un drame de justice qui a l’étoffe d’un meilleur film, au sujet des manifestants des émeutes de la Convention Démocrate de 1968 à Chicago, sujet qui résonne encore puissament aujourd’hui.
Le film raconte l’histoire du procès d’Abbie Hoffman (Sacha Baron Cohen, dans l’un de ses meilleurs rôles au cinéma), Jerry Rubin (Jeremy Strong), Tom Hayden (Eddie Redmayne), Rennie Davis (Alex Sharp), David Dellinger (John Carroll Lynch), Lee Weiner (Noah Robbins), John Froines (Danny Flaherty) et Bobby Seale (Yahya Abdul-Mateen II), accusés d’avoir instigué les émeutes de Chicago. La grande partie du film reprend les codes des meilleurs drames de justice. On a, d’un côté, les procurreurs Tom Foran (J.C. MacKenzie) et Richard Schultz (Joseph Gordon-Levitt), de l’autre les avocats William Kunstler (Mark Rylance) et Leonard Weinglass (Ben Shenkman), chargés de défendre les accusés. Enfin, ils font face au juge Julius Hoffman (Frank Langella), hostile aux manifestants et surtout assez incompétent dans sa gestion du procès. Toutes les cartes sont en place pour un procès ardu, frustrant, mais très excitant.
Dans ce genre de films où la distribution nous donne le tournis, il est très rare que l’un ou l’autre ait sa chance de briller. Tous ont de petits rôles qu’ils interprètent avec justesse. Surprenamment, l’excellente performance de Sacha Baron Cohen sort du lot, qu’on retrouve ici dans un rôle plus sérieux qu’à l’habitude (malgré qu’il soit celui qui lance les meilleures blagues, permettant du même coup de détendre l’atmosphère). Son interprétation est très juste, ce qui pourrait lui mériter une nomination comme meilleur acteur de soutien en avril prochain. De même, Redmayne (que je n’apprécie pas particulièrement) est étonnant, alors qu’il incarne un personnage moins « atypique » que dans ses précédents projets (Fantastic Beasts, The Aeronauts), ce qui amène un vent de fraîcheur chez l’acteur, typecasté depuis The Theory of Everything. Clairement identifié comme le personnage principal, il est toutefois meilleur lorsqu’il interagit avec le reste de la distribution, elle aussi très juste. Rylance et Langella, dont la réputation n’est plus à faire, sont également excellents, tout comme Gordon-Levitt, posé mais efficace.
Chicago 7 est ce qu’on appelle un crowd-pleaser (littéralement « plaiseur de foule »). C’est un film à construction classique qui vous fait vivre toutes les émotions que vous vous attendez à vivre, précisément au bon moment. Il jette la lumière sur un procès complètement déjanté, avec des accusés charismatiques et des institutions déconnectées. On a même droit au fameux retournement de situation aux trois quarts, gracieuseté de Michael Keaton. Sans être dénué de surprises, le film est très conventionnel dans son approche, ce qui plaira à un vaste auditoire, mais pourra décevoir les cinéphiles aguerris.
Encore une fois, Sorkin nous livre un scénario bien ficelé dont lui seul a le secret. Les dialogues sont punchés, les personnages sont attachants, et une fois qu’on outrepasse une introduction très rapide et bourrée d’informations (qu’on prendra le temps de démystifier par la suite, ne vous en faites pas), Chicago 7 devient très accessible même à ceux et celles qui ne connaissent pas l’histoire derrière ces émeutes. Il vous donnera assurément l’envie d’en découvrir un peu plus sur le sujet, ce qui est, après tout, le but de tous les films biographiques.
Dans une année plus forte, The Trial of the Chicago 7 aurait décroché deux ou trois nominations aux Oscars. Cette année, toutefois, il sera assurément pressenti pour les grands honneurs. Ce n’est pas que le film est dénué de qualités, loin de là. En ces temps difficiles, nous avons besoin de voir des histoires qui nous font nous sentir bien une fois le visionnement terminé, et c’est encore mieux si les perdants sont les institutions rigides américaines. C’est cependant un film qui prend bien peu de risques, que je comparerais dans sa nature à Ford v Ferrari sorti l’an dernier. L’exécution est au rendez-vous, tant sur le plan scénaristique qu’au niveau de la distribution, mais les mordus de drames de justice pourraient par contre rester sur leur faim devant le peu d’éléments nouveaux que le film a à nous présenter.
The Trial of the Chicago 7 a pris l’affiche sur Netflix le 16 octobre 2020.