The Ladykillers (2004)
Déjà bien établis dans le monde du cinéma hollywoodien, les frères Coen semblent à la croisée des chemins au début des années 2000. Après les succès phénoménaux de Fargo et de The Big Lebowski, ils connaissent deux insuccès commerciaux pourtant reconnus par la critique avec O Brother, Where Art Thou? et The Man Who Wasn’t There, ce qui les pousse probablement à faire leur deux films les plus grand public avec Intolerable Cruelty et The Ladykillers, souvent considérés parmi leurs pires projets. S’il y a définitivement plusieurs éléments à aimer dans ce dernier (qui est d’ailleurs un remake d’un film britannique des années 1950), on sent que les fétiches du duo de réalisateurs sont poussés à l’extrême, bien que la formule ne fonctionne pas totalement. Sans être un mauvais film, c’est possiblement un projet que les frères Coen souhaiteraient oublier.
Cette comédie quasi burlesque raconte l’histoire d’un groupe de criminels, avec à sa tête Goldthwait Higginson Dorr (Tom Hanks), qui tente de cambrioler un casino. Dorr est un parfait mélange entre le Colonel Sanders et un poète excentrique déchu. Il récite du Edgar Allan Poe à qui le veut bien, et son rire étouffé a quelque chose de véritablement terrifiant. Il prend logis chez Marva Munson (Irma P. Hall), une veuve du sud des États-Unis dont la résidence est adjacente au casino. Dorr a donc l’intention, avec son équipe, de creuser un tunnel entre la demeure de Marva et le coffre-fort de l’établissement.
Pour ce faire, le chef compte sur un groupe des plus hétéroclites. Gawain MacSam (Marlon Wayans) est un jeune qui n’a pas la langue dans sa poche, et est le concierge du casino. Garth Pancake (J.K. Simmons) est un homme à tout faire atteint du syndrome du côlon irritable. Le Général (Tzi Ma) est un fumeur compulsif qui a fait le Viêt Nam (et qui connait bien les tunnels). Enfin, Lump (Ryan Hurst) est un dur à cuire pour qui ne dire qu’une seule phrase est un exploit. Ensemble, ils se font passer pour une troupe de musiciens, alibi qui, on s’en doute, ne pourra durer éternellement auprès de Marva.
Alors que dans la version britannique l’humour provenait davantage des situations, ici, les frères Coen ont décidé de miser sur les caricatures extrêmes de leurs personnages pour faire rire le public. C’est un pari échoué pour ceux et celles qui s’attendent (de plein droit) à un film de braquage comique, mais réussi en tant que divertissement simpliste. Quand on accepte que le film tire davantage vers ceux de Wes Anderson que des Coen, on pourra éprouver un certain plaisir dans The Ladykillers, sans toutefois en tirer bien plus que ce qui nous est présenté. La versatilité de Hanks est une fois de plus mise à l’épreuve, et s’il ne rate pas complètement la note, on le sent plus décalé que dans ses autres interprétations comiques. C’est un film qui nous jette son humour en pleine face et qui nous force à rire à des endroits spécifiques, mais s’il y a une chose que les Coen doivent pourtant savoir, c’est que c’est le public qui décide de ce qui est drôle, malgré tous les efforts qu’ils aient pu déployer.
Bien qu’il comporte de nombreux défauts, je ne dois pas bouder le plaisir que j’ai eu à visionner The Ladykillers. Son plus grand problème est probablement que les films habituels des frères Coen sont reconnus comme étant d’une grande qualité, et que le public pourrait avoir de hautes attentes envers celui-ci. S’il avait été réalisé par un jeune et nouveau réalisateur, on aurait certes soulevé ses points faibles – le peu de profondeur du récit, la caricature ou encore le melting pot culturel qui ne colle pas vraiment -, mais on aurait dit que, dans l’ensemble, c’est un bon premier film. C’est pourquoi je ne suis pas prêt à lancer des pierres au duo de réalisateurs qui, je crois, ne tentent pas de nous amener quelque chose de nouveau sur la table. Ils ont simplement voulu faire une comédie, un divertissement efficace, et ça fonctionne.
Il faut saluer la performance d’Irma P. Hall, étonnamment la plus crédible du lot, bien qu’elle ne se détache jamais du stigmate de la veuve du sud des États-Unis. Son interprétation est légitime dans le cadre très restreint de l’univers que les Coen ont construit ici. Elle contribue pour beaucoup à l’humour du film, tout comme J.K. Simmons, toujours aussi efficace. Il y a également quelques blagues la façon de disposer d’un cadavre qui m’ont étonnamment fait rigoler, tout comme quelques surprises bienvenues, mais rien pour véritablement rehausser la qualité du film. Son esthétisme particulier pourra par ailleurs plaire à certains et en rebuter d’autres.
On peut comprendre la « longue » pause entre The Ladykillers et leur projet suivant, No Country for Old Men. On sent les Coen en manque d’inspiration, et ils trouveront un second souffle à partir du milieu des années 2000 pour forger plusieurs de leurs meilleurs films. On leur pardonnera l’insuccès de cette comédie, mais on souhaite une nouvelle collaboration entre Hanks et eux, puisque celle-ci ne fait pas honneur au talent de l’un comme des autres.