Lorsqu’on observe la filmographie de J.J. Abrams, on constate que Super 8 est son seul film qui ne fasse pas partie d’une franchise cinématographique. On sait qu’il s’implique dans une multitude de projets simultanément et qu’il ne fait que rarement le saut à la réalisation, mais ce film semble sorti de nulle part. Après Mission: Impossible III et entre deux Star Trek, Abrams prend le temps de réaliser Super 8, sorte de Stranger Things avant l’heure. Le résultat est un film de science-fiction original (au sens de non-adapté), simple mais efficace, qui concerne un groupe de jeunes adolescents qui tentent par tous les moyens de faire leur premier film amateur.

Il peut sembler anachronique de comparer Super 8 à Stranger Things, mais c’est véritablement le meilleur comparatif qu’on puisse établir ici. C’es même à se demander si les frères Duffer n’ont pas repris les grandes lignes du film comme base de leur série. On y suit Joe Lamb (Joel Courtney) dont la mère vient de décéder dans un accident de travail. Joe vit donc désormais seul avec son père Jack (Kyle Chandler), qui est également le shérif de la ville de Lillian, en Ohio. Quelques mois après la mort de sa mère, Joe décide d’aider son ami Charles (Riley Griffiths) à réaliser un film de zombies à petit budget. Ce dernier fait appel à plusieurs de leurs camarades de classe, dont Alice (Elle Fanning). Lors d’une scène tournée en pleine nuit près d’un chemin de fer, ils assistent au déraillement spectaculaire d’un train, semant l’émoi auprès de la communauté, surtout lorsque les services secrets américains viendront enquêter sur l’affaire.

Si l’histoire se déroule en 1979, il y a définitivement une ambiance des années 1980, ne serait-ce qu’à travers le visuel du film ou sa trame sonore aux sonorités électro. On assiste depuis quelques années à une résurgence de la nostalgie des années 1980, et Super 8 peut être considéré à raison comme l’un des instigateurs de ce phénomène. On recrée à perfection la transition entre les années 1970 et 1980 avec la musique et les décors, mais également avec le concept même du film que les jeunes tentent de réaliser. Dawn of the Dead de George A. Romero vient à peine de sortir, et avec lui un tout nouveau courant cinématographique qu’on nommera le body horror (qui sera propulsé quelques années plus tard par les films de David Cronenberg, notamment).

Super 8 est un film de science-fiction avec certains éléments d’horreur. Il pourra rappeler par moments la nouvelle mouture de It, d’autant plus que dans les deux cas on met en scène des jeunes qui tentent de percer un mystère plus grand qu’eux. Peu à peu, alors que Charles voudra ajouter de la crédibilité à son film amateur, le groupe ira tourner devant les vestiges du train ou encore une opération de perquisition de l’agence secrète, se rapprochant toujours un peu plus de la clé du mystère entourant le contenu du train, sans toutefois chercher à le résoudre. Du moins, au début…

En parallèle, l’amourette entre Joe et Alice vient nous rappeler qu’on est dans un film pour adolescents (ou jeunes adultes). C’est habile de la part d’Abrams d’inclure au récit ces deux niveaux scénaristiques, car on propose ainsi une expérience de visionnement différente pour un adulte ou pour un adolescent. Cet amour, il semble impossible, surtout parce que leurs pères respectifs, Jack et Louis (Ron Eldard) sont des rivaux (pour des raisons qui nous échapperont évidemment jusqu’à la fin du film). Les deux empêchent leur enfant de voir l’autre, mais comme on peut s’en douter, les jeunes outrepasseront l’autorité parentale.

Super 8 est un film qui à sa sortie a dû surprendre par son aspect rétro, son scénario original et ses effets spéciaux impressionnants (considérant son budget plus que raisonnable de $50 millions). Toutefois, si on peut encore l’apprécier aujourd’hui, force est d’admettre que les thématiques qu’il explore (l’étrange « créature » qu’on tente de dissimuler, le récit mettant en vedette des adolescents) sont devenues assez courantes, tout comme son ambiance, réutilisée à outrance. Même les effets spéciaux semblent un peu vieillots aujourd’hui, malgré que le film n’ait pas dix ans d’âge. Il est toujours important de remettre un film dans son contexte, celui-ci peut-être plus que d’autres encore.

On sent que le film ne tente pas de réinventer un genre, mais plutôt de proposer une bonne histoire efficace qui allie romance et mystère. C’est très bien réussi, notamment en raison des très bonnes performances de Joel Courtney et d’Elle Fanning. Le reste de la distribution est adéquate, mais ce n’est pas un film qui laisse la chance à ses acteurs de briller. Si on visionne Super 8, c’est d’abord et avant tout pour l’histoire qu’il propose. À cet égard, elle ne déçoit pas, mais elle n’est pas exceptionnelle non plus. Encore une fois, c’est l’efficacité qui prime, et la seule intention du film est de nous faire passer un bon moment. Et c’est réussi.

À voir comment J.J. Abrams s’est tiré d’affaire avec ce film, on souhaiterait qu’il en fasse davantage comme ceux-ci. Maintenant que l’épopée Star Wars semble terminée pour lui, peut-être ressentira-t-il le besoin de revenir à un projet moins ambitieux, de moins grande envergure? On le souhaite, car Super 8 c’est du Abrams à son meilleur.

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