L’un des cinéastes les plus influents de l’expressionnisme allemand des années 1920, F.W. Murnau (Nosferatu, The Last Laugh), comme plusieurs autres de ses compatriotes, émigre aux États-Unis (dans son cas, sous invitation de William Fox). Son premier film américain, Sunrise: A Song of Two Humans est véritablement une perle parmi les films hollywoodiens de l’époque. Considéré comme l’un des meilleurs films muets de l’histoire du cinéma, Murnau aura su transposer avec brio les caractéristiques de ce courant artistique (qui distorsionne les décors et les ombres de façon symbolique) tout en proposant une allégorie simple mais touchante.

Une femme de la ville en vacances à la campagne (Margaret Livingston) a une aventure avec un des villageois, un homme marié (George O’Brien). L’amante invite l’homme à quitter sa femme (Janet Gaynor) et venir s’installer en ville avec elle. Elle concocte alors un plan pour qu’il la tue et fasse passer le tout pour un accident, ce à quoi l’homme consent, avec réticence. Lorsque vient le moment de passer à l’acte, l’homme ne parvient pas à aller jusqu’au bout, et le couple quitte vers la ville, où ils retombent follement amoureux l’un de l’autre. La tragédie n’est cependant jamais bien loin.

Sunrise est l’un des rares films américains de l’époque qui prône la contemplation plutôt que l’histoire comme moteur principal. En plus des somptueux décors (construits expressément pour le film), la signature visuelle est tout simplement sublime. Des plans superposés aux ombres du marais, tout est travaillé pour véritablement plonger au cœur d’un univers quasi mystique. Le mouvement de la caméra est fluide et très contemporain. De même, plus le film avance, moins les intertitres sont présents, renforçant l’immersion au sein de cette allégorie. Il n’est donc pas étonnant que Sunrise ait été le premier muet à être porté en Blu-Ray en 2009.

Le film est brillamment porté par O’Brien et Janet Gaynor (qui sera oscarisée pour ce rôle lors de la première cérémonie des Oscars), ce jeune couple en perte de passion qui se retrouve finalement lorsque l’adversité se présente. La chimie entre eux est palpable, ce qui rend la scène finale véritablement touchante et crève-cœur. Malgré l’épuration de leurs personnages (qui ne possèdent ni nom ni trait caractéristique), le duo parvient à rendre justice au récit et au message qu’il porte.

Vu aujourd’hui, Sunrise est beaucoup plus intéressant sur le plan visuel que scénaristique. Son histoire, somme toute simple, est l’éternel récit de tentation et d’adultère, mais c’est la façon dont on la présente qui caractérise sa singularité. Comme plusieurs films expressionnistes, il faut se laisser porter par les images pour pleinement apprécier l’expérience. On comprend alors pourquoi le film a remporté l’Oscar de la meilleure production unique et artistique (catégorie équivalente au meilleur film). On se désole toutefois que ce soit l’un des derniers films de Murnau, et que ceux qu’il fera par la suite aient été perdus. Si Sunrise est votre entrée dans la filmographie du réalisateur, il vous incitera assurément à visiter ses précédents films allemands.

Fait partie des 1001 films à voir avant de mourir.

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