J’ai grandi en visionnant deux séries de films de super-héros : Batman et Spider-Man. Si j’ai découvert les premiers de la maison, j’ai pu vivre les seconds au cinéma. J’étais trop jeune à l’époque pour comprendre en quoi il était particulier que Sam Raimi (Evil Dead, Darkman), réalisateur de films de série B, soit aux commandes de cette méga-production, l’une des premières de l’univers Marvel, et assurément la meilleure jusqu’à l’avènement du Marvel Cinematic Universe. J’avais gardé un bon souvenir de la trilogie de Raimi, et j’avoue avoir appréhendé de la visionner avec mon œil d’adulte et, surtout, mon regard critique. Si le premier opus m’a tout de même fait bonne impression, j’avoue que certains éléments du film ont mal vieilli.

Douce était l’époque où il n’y avait pas assez de films de super-héros pour se lasser des interminables histoires d’origines. Celle-ci, on la connait peut-être plus que d’autres, car c’était tout simplement l’une des premières au cinéma. On retrouve donc un jeune Peter Parker (Tobey Maguire) en amour avec Mary-Jane Watson (une sublime Kirsten Dunst), mais qui se fait couper l’herbe sous le pied par son meilleur ami Harry Osborn (James Franco). Lors d’une visite au laboratoire de génétique de l’Université Columbia, Peter se fait mordre par une araignée, ce qui modifie son ADN et lui donne des super pouvoirs : coller aux murs, tisser des toiles, une force surhumaine et un 6e sens le protégeant des dangers. Des dangers, il devra en affronter, New York étant une ville possédant un monde interlope vibrant. Toutefois, son principal ennemi sera le Goblin Vert, qui est nul autre que le père de son ami Harry, Norman (Willem Dafoe).

On est à mi-chemin entre un film d’action conventionnel et un coming-of-age. La plupart du film traite en effet des problèmes typiques des adolescents de l’époque : l’amour impossible, la recherche d’emploi, les durs à cuire du secondaire, etc. On colle ici assez bien aux bandes dessinées d’origine, ce qui n’est pas surprenant considérant qu’il s’agit du super-héros favori de Raimi. Ce faisant, il y a très peu de scènes d’action, du moins dans la première moitié du film. C’est normal pour le premier opus d’une série, puisqu’on passe la plupart du film à bien présenter chacun des personnages récurrents. On doit également montrer suffisamment l’ancienne vie de Peter pour justifier la transformation qui s’opère chez lui. On fait la découverte en même temps que lui de ses habiletés, bien qu’on ne justifie pas nécessairement comment des toiles d’araignées sortent de son corps (outre une animation présentant une mutation génétique). Dans les bandes-dessinées tout comme dans The Amazing Spider-Man et la plus récente mouture du MCU, ce sont plutôt des capsules installées dans un appareil accroché aux poignets qui rendent ces toiles possibles.

Qui dit scènes d’action dit effets spéciaux. À cet égard, j’avoue être assez partagé sur la réussite de l’équipe technique. Ils sont évidemment à la traîne par rapport à ce qui se fait de nos jours, mais je crois qu’à l’époque ils étaient la norme. Il y a à de nombreuses reprises cette espèce d’image générée par ordinateur qui s’approche parfois du jeu vidéo et qui se retrouve dans plusieurs films iconiques du début des années 2000 – The Lord of the Rings et Harry Potter, pour ne nommer que ceux-ci – lors des combats ou des cascades, qui a mal vieilli, vu aujourd’hui. Toutefois, outre ces quelques effets, le film est assez bien réussi sur le plan technique. Les producteurs et Sam Raimi ont affirmé à de nombreuses reprises que s’il n’était pas possible de représenter adéquatement un Spider-Man qui survole les gratte-ciels de New York, le film ne devrait pas être fait (c’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi le projet est né au début des années 1990, mais aura pris plus de 10 ans à voir le jour). On peut toutefois dire mission accomplie, puisque ces scènes sont très bien exécutées et nous font nous sentir comme si nous y étions.

Là ou la production se surpasse (et qui leur vaudra une nomination aux Oscars) c’est avec l’utilisation du CGI (Computer Generated Imagery) lorsqu’on n’a pas l’impression qu’il y en a. Et cela arrive très fréquemment tout au long du film. On se doute que la plupart du film a été tourné sur écran vert, mais en écoutant les bonus du DVD on se rend compte qu’il y en a beaucoup plus qu’on ne le pense. John Dykstra et Scott Stokdyk, les deux superviseurs d’effets spéciaux, mentionnent d’ailleurs qu’ils ont commencé le tournage du film sans savoir comment ils allaient faire la plupart des effets spéciaux, mais que c’est comme ça qu’il faut procéder dans une production de ce type qui s’échelonne sur plusieurs années, car si on reste campés dans la technologie disponible au début du tournage, on se retrouve avec des effets spéciaux à la traîne. Sans être exceptionnels, ces effets spéciaux sont tout de même impressionnants, et parviennent à bâtir un univers somme toute crédible.

Cet univers est d’autant plus réaliste avec les somptueux costumes créés par James Acheson. S’il ne prend pas trop de risques avec celui de Spider-Man, celui du Goblin Vert est très stylé, et contraste quand même avec le visuel du vilain dans les bandes dessinées. La musique de Danny Elfman (qui signe aussi celle des films de Batman des années 1990) est excellente. J’apprécie à la base le travail du compositeur qui aime créer des ambiances gothiques. Il se veut ici plus discret, mais on ressent tout de même sa touche caractéristique. Je me suis peut-être trop habitué à entendre la pièce thème du film, mais elle m’évoque des souvenirs et certains passages du film qui me sont impossibles à dissocier.

L’une des raisons du succès du film revient à sa distribution presque parfaite. Le public est mitigé encore aujourd’hui face à l’interprétation de Tobey Maguire. Était-il le meilleur choix pour incarner le mythique super-héros? À l’époque, probablement. Aujourd’hui? Probablement pas. Il fait un travail décent, et son interprétation est sobre et introspective. Ce n’est toutefois pas le genre d’interprétation qu’on attendrait de Peter Parker. Andrew Garfield et Tom Holland, à mon avis, sont parvenus à mieux le personnifier. Il faut toutefois admettre qu’il est difficile de bien interpréter Spider-Man, puisque l’acteur n’a qu’un nombre restreint de scènes où il peut jouer à visage découvert. Maguire n’est peut-être pas le plus expressif, mais il est le plus sensible de toutes les interprétations de Peter. Toutefois, Dunst est tout à fait l’image que je me fais de Mary-Jane. Si elle est charismatique dans chacune de ses scènes, il faut toutefois admettre – avec le recul peut-être – qu’elle ne semble jamais heureuse dans les relations amoureuses qu’elle entretient. Alors qu’elle sort avec l’un, elle flirte avec l’autre, toujours en entretenant un certain fantasme pour l’Homme-Araignée. On ne développe jamais vraiment son personnage, ce qui est assez dommage, puisqu’on est en présence d’une actrice qui serait capable d’ajouter une profondeur à son interprétation.

Il faut souligner la brillante performance de Willem Dafoe, qui à mon avis est l’un des meilleurs acteurs de sa génération. La dualité entre Norman et le Goblin ne pourrait être mieux interprétée qu’ici, et il faut admettre que Dafoe a le visage de l’emploi. Il n’a pas beaucoup de confrontations avec Spider-Man, mais il crève l’écran chaque fois. Tel est également de cas de J.K. Simmons qui interprète J. Jonah Jameson à perfection. C’est probablement le meilleur personnage de toute la franchise, même s’il ne s’y trouve que pour un nombre restreint de scènes, toutes merveilleuses.

Spider-Man n’est peut-être pas aussi bon que dans mes souvenirs, mais il se retrouve parmi les bons films de super-héros, devant plusieurs films du MCU. Son rythme est soutenu, et plusieurs scènes qui s’y trouvent sont devenues iconiques depuis. J’aurais souhaité plus de moments entre Spider-Man et le Goblin Vert, mais il est extrêmement difficile de bien établir les bases d’une franchise en devenir tout en approfondissant suffisamment un vilain. Sam Raimi a fait un excellent travail ici, et il nous laisse espérer le meilleur pour la suite.

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