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Dans la France des années 1770, Marianne (Noémie Merlant), une peintre de renommée, obtient le contrat de produire le portrait de mariage d’Héloïse (Adèle Haenel), fille d’une comtesse promise à un Suisse. Marianne doit cependant peindre à l’insu de son modèle puisque l’idée d’un mariage arrangé avec un homme qu’elle ne connaît pas ne l’enchante guère et qu’elle saboterait le travail accompli si elle venait à l’apprendre, l’ayant déjà fait avec les peintres s’y étant risqués avant la venue de l’artiste.

La première chose que l’on remarque dans Portrait de la jeune fille en feu est le fait qu’il n’y ait qu’un nombre limité d’hommes dans son récit. On nous emmène d’abord dans la salle de classe de Marianne, professeure de peinture pour jeunes filles. Puis, lorsque l’histoire débute, racontée sous forme de souvenir, les seuls hommes que l’on voit sont l’équipage du bateau qui amènera Marianne au château de la comtesse, puis le messager qui vient récupérer le portrait pour l’envoyer à l’époux suisse.

Alors que ce pourrait paraître comme un détail, le fait de ne rencontrer que des femmes dans le film sert son propos d’une délicieuse façon. Par ce choix, Céline Sciamma nous avise que l’aventure dans laquelle nous allons nous lancer est celle de femmes fortes et indépendantes, dans leurs relations entre femmes, sans que celles-ci ne soient teintées de la présence des hommes. La solidarité, l’amitié et l’amour, même, n’en seront que plus solides.

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On ne pourrait passer sous silence également le choix de la réalisatrice d’effacer les classes sociales. Quand ce n’est pas Marianne qui a une conversation ouverte et franche avec la mère d’Héloïse, c’est Sophie (Luàna Bajrami), la ménagère, qui prend son repas à la même table que la comtesse et l’artiste, dans la complicité et les rires.

Portrait de la jeune fille en feu est construit comme un tableau : les plans serrés sur les visages nous font prendre la place de Marianne observant Héloïse. On analyse alors la distinction des teintes entre le haut et le bas de son oreille dans le soleil, la finesse de sa peau, les mouvements de ses sourcils. En complément aux plans, la lumière, sous forme de chandelles, soleil ou feux, en réaction aux vêtements et aux corps, est tout simplement extraordinaire. Les décors, quant à eux bien simples, servent d’arrière-plan au portrait, laissant la place aux personnages qui sont devant, dans un contraste marqué de chaleur. La plage, venteuse et froide, et la chambre de Marianne, plutôt sombre et triste, s’opposent à la naissance du désir entre les deux femmes et aux couleurs plus franches de leurs costumes, vert et rouge, qui se font face et se complémentent comme autour d’un cercle chromatique.

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Lorsque le spectateur devient lui-même artiste en arrivant à comprendre (et vivre) le portrait d’Héloïse, on ne peut qu’apprécier davantage les nombreux élans de brosse ou de crayon sur les toiles. Toujours en plans rapprochés, ces moments sont captivants et arrivent à nous calmer, d’abord par leur fluidité mais aussi par le son qu’ils dégagent. Puis, avec toute la poésie que l’on constate déjà, l’amour prend naissance entre ces deux femmes qui passent leurs journées à s’observer. Et il n’y a aucune faille dans la façon de présenter ce désir.

Portrait de la jeune fille en feu est délicat, sensible et bien dosé. Ses aspects techniques sont aussi réussis que significatifs, et on prend un doux plaisir à voir évoluer son histoire. Un film réussi sur toute la ligne.

Fait partie de la Collection Criterion (#1034)

Fait partie des 1001 films à voir.

Fait partie du top 100 de Jade (#7).

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