En 2007, le monde faisait connaissance avec l’agence de publicité Sterling Cooper et son meilleur vendeur, Don Draper. Mad Men nous amène dès le départ au cœur de réunions d’exécutifs et leur tentative de demeurer compétitifs dans le passage des publicités des magazines à celles de la télé. Avec ses sept saisons, la série nous aura présenté les aventures extraconjugales de ces hommes de pouvoir, en ayant pour trame de fond la décennie 1960 et ses événements historiques. L’agence a beau être fictive, les marques présentées et les personnes qui en sont responsables sont bien réelles. En 2011, on s’est intéressé cette fois à la compagnie aérienne Pan American World Airways, mieux connue sous son surnom « Pan Am », pour représenter le quotidien des pilotes et hôtesses de l’air de la plus importante compagnie aérienne américaine entre 1927 et 1991. Si elle parvient assurément à créer une ambiance visuelle et thématique intéressante, Pan Am manque toutefois de tonus dans son exécution. Avec des cotes d’écoute peu convaincantes, la série est finalement annulée après seulement 14 épisodes. Critique d’un projet avorté trop tôt.

En 1963, Laura Cameron (Margot Robbie, dans son premier grand rôle aux États-Unis) fuit son mariage pour joindre sa sœur aînée Kate (Kelli Garner) à titre d’hôtesse de l’air pour la compagnie Pan Am. Quand la cheffe de quart des filles, Bridget (Annabelle Wallis), ne se présente pas et est introuvable, on envoie chercher l’ambitieuse et énergique Maggie Ryan (Christina Ricci) pour la remplacer. À elles se joignent Colette Valois (Karine Vanasse), une Parisienne dont les parents sont morts aux mains des nazis, ainsi que le pilote Dean Lowrey (Mike Vogel), amant de Bridget, et son copilote Ted (Michael Mosley). Pan Am suit donc la vie des membres de l’équipage, à travers leurs relations amoureuses, leur travail et les événements politiques importants de cette année-là.

Mais comment rendre le tout assez intéressant? Après tout, l’essentiel des lieux visités dans la série tient dans un corridor d’avion (plus large en première classe, mais quand même), et dans les espaces « clos » que l’on peut finir par trouver si on tire les rideaux. On passe donc beaucoup de temps derrière le comptoir d’alcool à préparer des cocktails ou trancher du roast beef. Lorsqu’on a rencontré la famille de certains membres de l’équipage (Laura a quitté son futur mari juste avant de dire oui et les parents de cette dernière ont bien l’intention de la ramener à la maison), que nous reste-t-il à se mettre sous la dent?

On a décidé ici de remédier à ce problème de plusieurs façons. D’abord, en nous présentant aussi ce qui se passe quand les vols sont terminés. On visite donc plusieurs hôtels un peu partout dans le monde (quoique tous tournés en studio à New York), on se présente à des cocktails politiques, on rencontre des journalistes à bord et on les accompagne dans leurs aventures… Et on vit, aussi, des aventures avec certains passagers. À cet effet, les hôtesses de l’air n’ont rien à envier à leurs cousines spirituelles de Mad Men. On nous présente ici des femmes envoûtantes qui savent exactement ce qu’elles font, et qui mèneront la danse, la plupart du temps. Puis, au-delà des voyages, on rentre à New York, on signe la paperasse, on encaisse nos chèques, on rencontre les patrons, et, pour les filles, on se fait peser quotidiennement avant un départ, devant tout le monde. Précisons qu’il s’agissait d’une pratique courante chez Pan Am, qui n’acceptait pas de fille mesurant moins de 5’1 », ni ne pesant plus de 130 livres. Celles-ci ne pouvaient pas être mariées ni avoir d’enfants, et elles se faisaient remercier après avoir eu 32 ans. Tout ça pour que Pan Am conserve son statut de compagnie aérienne glamour que tout homme devrait choisir.

Mais si ce n’est pas encore assez, rassurez-vous! Dès le premier épisode de la série, si on se demande comment Pan Am pourra nous surprendre, on a notre réponse : pourquoi ne pas ajouter une histoire d’espionnage à bord? L’épisode pilote (dans ce contexte, le jeu de mot est bien tentant!) présente donc la première mission de Kate, qui doit obtenir le passeport d’un passager russe, pour réaliser, arrivée à destination, qu’il s’agit plutôt de son futur patron qui la testait. Kate réussit, et son entraînement à titre de messagère commence. Après tout, « A Pan Am stewardess can travel all around the world without suspicion. » C’est donc pour ça que la CIA lui demandera d’accomplir toutes sortes de missions à travers ses vols et destinations, que ce soit d’obtenir des empreintes digitales, une liste d’agent compromis, remettre un appareil photo à un contact, ou encore tenter trouver des ennemis en Russie, tâche plutôt ardue et dangereuse.

Et c’est là où la série pourra en avoir perdu plus d’un. Alors que Mad Men n’a jamais eu besoin de sortir des dynamiques de Sterling Cooper pour être intéressante et accrocheuse, Pan Am ne peut pas affirmer la même chose. Ainsi, si on avait voulu demeurer strictement dans la vie simple des employé.e.s, ce n’est pas ce que la série offre. Cependant, en ce qui me concerne, les missions de Kate sont les développements les plus intéressants, car le reste, à mon avis, n’a que peu d’intérêt. En effet, Pan Am semble avoir cru bon nous présenter toute l’information dont on a besoin en créant des mystères autour de chaque élément qui se passe dans le temps présent, pour nous ramener en arrière (des fois seulement pour quelques secondes) et nous donner des réponses. On apprend donc en flashback que Laura était presque mariée avant d’arriver, en flashback comment Ted en est venu à avoir son travail, en flashback que Colette a eu une aventure avec un homme marié… Bref, on utilise ce raccourci scénaristique à toutes les sauces. C’est bien, parfois, car on préfère montrer qu’expliquer, mais on s’en lasse rapidement ici, surtout quand on réalise que la plupart des épisodes sont construits de cette façon, et que les événements qui se produisent en temps réel sont rares. J’ajoute au passage que, malgré le contexte historique dans lequel on se trouve, les événements présentés sont peu nombreux, et il aurait été particulièrement intéressant d’en faire plus à ce niveau. On a droit au discours de JFK à Berlin en juin ainsi qu’à son assassinat en novembre, mais presque rien entre les deux, si ce n’est de la présence annoncée des Beatles dans un hôtel.

Petite mention également sur la cinématographie et les effets spéciaux. Malgré les nominations de la série pour les effets spéciaux qu’elle présente (dans l’épisode pilote) force est de constater que ceux-ci vieillissent moins bien qu’on le pensait à l’époque. Il devient rapidement gênant de voir ces avions modélisés dans des nuages de couleur « coucher de soleil » roses et oranges, au même titre que les vues aériennes des villes où on n’ira jamais en réalité. À certains moments, on se croirait davantage dans les années 1990 que 2010 et, même si ce n’est pas le but de la série, ces décisions sont maladroites. Les couleurs, toutefois, sont belles, mais tellement saturées et chaudes qu’on sait que la réalité devait être toute autre. Ce que l’on voit est beau, certes, mais rappelle trop la vaste famille des effets Instagram. À cet effet, une petite comparaison des deux images plus haut est évocatrice (il s’agit de la même scène).

Cela dit, l’expérience de visionnement de Pan Am pourra être convaincante pour certains.es, et j’en fais partie. On a beau ne pas s’attacher aux motivations et histoires des membres de l’équipage, savoir que l’on est en studio et ne pas être impressionné par les effets, mais on a une ligne directrice plus intéressante que ce qui nous était annoncé, dans quelque chose qui ose sortir de New York, avec des finis léchés et particulièrement esthétiques. J’ai regardé Pan Am parce que je m’ennuyais de Mad Men et de son ambiance. J’ai réussi à la retrouver ici, et je n’aurais pas boudé quelques épisodes supplémentaires, bien que ce ne soit pas un avis populaire. J’imagine que ce qu’il me reste à faire maintenant est de retourner chez Sterling Cooper, où je sais exactement à quoi m’attendre.

Disponible en streaming sur Amazon Prime.  

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