Inspiré du roman du même nom de Paulette Jiles, News of the World suit Jefferson Kyle Kidd (Tom Hanks), un ancien capitaine texan de l’armée confédérée, reconverti en conteur de nouvelles ambulant qui se promène de villages en villages pour lire l’actualité à qui veut bien l’entendre. En transit vers sa prochaine destination, il découvre une charrette vandalisée bloquant le chemin. Son conducteur, noir, est pendu à un arbre à proximité, victime d’un acte raciste d’un groupe de blancs non-identifié. Kidd découvre à proximité une jeune enfant (Helena Zengel) et apprend que le conducteur avait pour mission de la ramener auprès de son oncle et sa tante, la seule famille qui lui reste.

Kidd est un homme trop bon pour continuer son chemin comme si rien n’était, et il entend amener l’enfant, prénommée Johanna, auprès d’un représentant du Bureau des Affaires Indiennes. C’est qu’en fait Johanna semble avoir été élevée par les Kiowas, l’un des peuples autochtones de la région, et elle ne parle aucun mot d’anglais. On s’en doute, le représentant, absent, ne pourra prendre en charge l’enfant, et c’est à Kidd, ce bon samaritain, que reviendra le fardeau d’accompagner Johanna auprès de sa famille, à plus de 400 miles vers l’ouest.

Les westerns sont les films qui ont permis d’imposer Hollywood comme la plaque tournante du cinéma mondial dans la première moitié du 20e siècle. Toutefois, ce genre est en perte de vitesse depuis de nombreuses années, ou du moins en transformation vers des thématiques plus contemporaines (comme en témoignent les récents Wind River et Hell or High Water). Le réalisateur Paul Greengrass entend toutefois proposer ici un film qui se rapproche davantage de la tradition du genre, bien que News of the World résonne étonnamment bien actuellement. L’histoire, campée au lendemain de la Guerre de Sécession, expose une époque de grande tension raciale similaire à celle que vit les États-Unis de nos jours, et fait de plus écho à toutes les questions entourant les médias et la diffusion de l’information. Kidd, qui se promène avec un corpus de journaux locaux et nationaux, s’assure de diffuser les nouvelles auprès d’un public souvent analphabète et plus distant des centres de décision américains, et s’il adopte un style qui soit plus près du spectacle que de la rigueur journalistique lorsque vient le temps de « lire » les journaux, on le perçoit comme un homme intègre qui veut sincèrement informer son public. À un moment, on lui demande même de lire de fausses nouvelles, ce qu’il refuse, évidemment, parce que Kidd dégage la vertu.

Il ne faut pas donner trop d’importance à ces quelques allusions contemporaines, puisqu’elles sont davantage sous-jacentes au récit que partie prenante de celui-ci. News of the World est davantage un hommage aux westerns traditionnels, et c’est l’objectif que s’est fixé l’équipe technique, qui excelle en tout point ici. Au niveau de l’histoire, d’abord, que certains pourraient trouver qu’elle manque d’originalité ou de péripéties, mais qui est pourtant très ancrée dans ce genre particulier. Les amateurs de westerns savent qu’ils sont souvent assez simples dans leur construction narrative (un homme doit voyager d’un point A à un point B, ou encore un cowboy arrive dans un village et doit démanteler d’une bande de gangsters qui sème l’anarchie), et ce film ne fait pas exception à la règle. On y retrouve toutes les péripéties traditionnelles, de la course de char à la fusillade en montagne en passant par la tempête de sable. On retrouve toutefois ces codes non pas avec redondance, mais un peu à la manière d’un James Bond : le film ne peut être complet sans ces éléments caractéristiques, et on se conforte de cette certaine prévisibilité.

Dans tous les cas, la force d’un western est moins souvent sa trame narrative que son ambiance prenante, et c’est le cas ici. On pourrait croire que d’avoir deux personnages principaux qui ne parlent pas la même langue peut limiter les types d’interactions possibles, mais le duo Hanks-Zengel fait un excellent travail pour nous garder investis. La réputation de Hanks n’est plus à faire, lui qui excelle peu importe son rôle, et si on se doute qu’il sera efficace à nouveau ici, on se surprend de le retrouver autant à ses aises, surtout quand on apprend qu’il s’agit de son premier western en carrière. Zengel, qui fait carrière en Allemagne principalement, est probablement la plus grosse révélation du film. Elle transmet avec brio ses émotions à travers ses yeux et son visage, et la dynamique qui s’installe entre Hanks et elle est crédible en tout point. La distribution de soutien est elle aussi très efficace, ce qui contribue grandement à notre immersion. Mais ce sont surtout les aspects techniques qui brillent. Les décors et costumes sont impressionnants, la musique de James Newton Howard est prenante et la direction photo nous éblouit paysage après paysage. Tous les artisans semblent au sommet de leur art et compensent pour le peu de profondeur scénaristique.

Paul Greengrass est l’un des réalisateurs les plus méconnus de Hollywood, et il en est pourtant l’un des plus efficaces. Il s’approprie un projet qui en apparence semble banal et parvient à en rehausser la qualité, ce qui fait de chacun de ses films une expérience mémorable. Se détournant cette fois du thriller d’action pour rendre hommage aux westerns, il est parvenu à faire l’un des meilleurs westerns récents et une expérience visuelle fort intéressante, que malheureusement peu de gens pourront vivre en salles, pandémie oblige.

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