Les documentaires animaliers ont la cote depuis quelques années, surtout depuis le succès retentissant de Planet Earth et de tous les projets subséquents de la BBC. Leur force est de savoir élaborer une trame narrative autour d’animaux que l’on connait parfois très bien, parfois peu, et d’associer leurs gestes mêmes les plus anodins à des choses que nous, en tant qu’humains, faisons également. Leur approche est généralement empirique et scientifique, et nous rappelle que les animaux sont beaucoup plus intelligents que nous le pensons.

My Octopus Teacher s’inspire de ces documentaires, en adoptant toutefois une approche plus personnelle, émotive, envers non pas une diversité d’animaux, mais un seul plutôt : une pieuvre. À travers l’expérience du documentariste sud-africain Craig Foster, les réalisateurs Pippa Ehrlich et James Reed explorent la curieuse relation entre un homme et une pieuvre, et la façon dont cette « amitié » a redonné un nouveau sens à la vie de Foster. On suit donc les diverses étapes de leur relation au cours d’une seule année (puisque les pieuvres ne vivent habituellement qu’un an), de leur première rencontre jusqu’à sa mort.

La première chose qui nous frappe lors du visionnement est à quel point le documentaire est apaisant, poétique et envoûtant. Certains (comme moi) ont une peur bleue des fonds marins, d’autres y voient un endroit magique qui ne ressemble à rien sur Terre. C’est un tout autre univers qui nous est en partie inconnu et qui parait à première vue hostile. Toutefois, les images tournées par Foster donnent une véritable impression de calme, de sérénité, qui m’ont presque donné envie de me lancer à la plongée sous-marine. Presque…

Lorsque Foster découvre la pieuvre, elle attire tout de suite son attention, comme si son intuition lui disait que ce n’était pas un animal comme les autres. Il l’approche donc, et tente d’obtenir sa confiance en respectant ses distances et en ne faisant aucun geste pour la brusquer. Un peu à la manière des premiers scientifiques, il l’observe de façon empirique, tentant de deviner la raison derrière chacun de ses gestes. Le film est monté pour que l’auditoire expérimente le processus par lequel Foster est passé, et donc on suit de façon linéaire son évolution, ce qui nous permet d’en apprendre davantage sur un animal méconnu du grand public. Ainsi, nous la verrons chasser, fuir des prédateurs, et s’amuser avec Foster, d’une façon qui nous surprend pour un animal non domestique.

Il est facile d’être séduit par My Octopus Teacher, d’une part parce que ses images sont spectaculaires, d’autre part parce que l’amour que Foster porte envers la pieuvre transcende l’écran. Par contre, j’ai été passablement déçu du sensationnalisme forcé que l’on superpose à une histoire qui n’en a pas vraiment besoin. Prenons l’exemple d’un moment où la pieuvre se fait attaquer par des requins pyjamas et perd l’une de ses tentacules. Foster est bien évidemment atterré par la situation et, au bord des larmes, nous indique qu’à ce moment il s’est demandé s’il aurait dû intervenir ou non. Puis, à son grand étonnement, le tentacule repousse et la pieuvre, après une courte convalescence, retrouve ses moyens. Cette scène (et quelques autres par la suite) laisse clairement paraître une forme de manipulation émotionnelle des réalisateurs envers le public. Il n’est pas rare de voir des segments mis en scène dans les documentaires, mais ici ils sont tous plus flagrants les uns que les autres. Cela rend bien évidemment le récit plus dynamique, mais fait perdre un peu de crédibilité au film à mon avis.

Cela dit, on en vient à s’investir rapidement de la relation entre eux deux, et l’émotion que Foster transmet à travers sa narration est palpable, ce qui pardonne en partie ces éléments plus sensationnalistes. Le documentaire fait beaucoup réfléchir sur la relation entre les humains et les animaux, nous rappelle que se rapprocher de la nature peut être bénéfique pour notre santé mentale comme physique, et est une fenêtre de choix sur un événement aussi anodin que précieux. Si j’aurais préféré qu’il assume pleinement ses visées contemplatives plutôt que de sombrer par endroits dans le documentaire traditionnel, My Octopus Teacher demeure une expérience sensorielle fascinante et est assuré de plaire à tous et à toutes.

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