Malcolm & Marie est arrivé sur Netflix en février 2021. Tourné en pleine quarantaine sur une période de deux semaines avec une équipe d’environ vingt personnes, le film propose une intrusion dans la vie de couple compliquée des personnages titres, à leur retour d’une soirée où Malcolm (John David Washington) présente son prochain film qui signera probablement le début de sa carrière à Hollywood. Après qu’il oublie de remercier sa copine dans son discours, Marie (Zendaya) se remet en question sur la place qu’elle occupe dans leur relation. En l’espace de quelques heures, on assiste donc aux nombreux hauts et bas des amants, qui s’adonneront à une séance crue, vicieuse et intense de règlement de comptes.

Il y a plusieurs aspects à aimer de Malcolm & Marie. Le huis clos, d’abord, car les personnages ne quitteront jamais la maison que l’équipe de production du film de Malcolm leur a prêtée pour les jours entourant l’événement. L’endroit, qui devient rapidement une prison pour le couple, ajoute au sentiment d’étranglement qu’on peut ressentir en regardant le film, et il faut admettre qu’au milieu d’un champ et avec des murs complètement vitrés, on adhère rapidement au choix de lieu. Cela dit, la première chose que l’on remarque ici ne sera pas la grande cuisine ou les tout aussi immenses baies coulissantes, mais plutôt le choix d’avoir rendu le film en noir et blanc, qui donne l’occasion de réfléchir métaphoriquement sur la relation entre les protagonistes, car celle-ci est tout aussi floue que le nombre de nuances des images ; parfois très sombre, parfois plus légère, mais assurément toujours dans l’entre-deux. Le noir et blanc ajoute considérablement à la lourdeur de la nuit à laquelle on assiste, mais on pourrait se demander si les émotions qu’on tente de faire passer auraient eu le même effet, en couleurs. Probablement pas.

Au-delà de ces choix, notons aussi que le film ne compte que deux acteurs, pour un résultat qui s’apparente donc par la force des choses à une pièce de théâtre. Si j’ai habituellement de la difficulté avec les films en huis clos empruntant les codes de la scène, j’avoue avoir été plutôt charmée de tous ces éléments ici. Le duo Zendaya-Washington fonctionne, même si certains ont adressé la grande différence d’âge entre les deux (elle avait 23 ans et lui 35 au moment de la sortie), bien que ces critiques proviennent probablement du fait que le public n’est pas prêt à voir la jeune star de Disney dans des films plus matures, comme elle le dit elle-même. Les deux acteurs, qui passeront par une large gamme d’émotions pendant ces quelques heures, auront la chance d’aller dans des registres différents de ceux qu’on leur connaît. Zendaya ici est encore plus gracieuse et hypnotisante qu’à l’habitude, tout en étant à la fois davantage vulnérable et fragile, pour un jeu particulièrement au point. Washington est pour sa part inégal dans un rôle auquel on a donné moins de nuances, alternant entre les grandes joies et les abyssales frustrations qui nous feront décrocher à quelques reprises.

Le film réussit donc moins dans l’enchaînement de ses arguments qui à eux seuls parviendront malheureusement à distraire de tout le reste. Je ne peux pas parler pour ceux qui vivent ou ont vécu des relations telles que celle représentée ici, mais pour quelqu’un de l’extérieur, voir autant d’allées et venues dans des confessions blessantes entre deux élans d’affections est étourdissant. Chaque moment heureux où le couple rit et semble fort et soudé est précédé et suivi d’une chute dans des aveux douloureux qui n’ont parfois aucun lien avec ce qui est en train de se passer. Marie est d’abord blessée de ne pas avoir été remerciée pendant le discours de Malcolm, parce que le film serait inspiré de sa vie. Quelques minutes plus tard, elle affirme que le film est réussi et que les choses vont changer rapidement pour la carrière de son copain. Elle revient ensuite sur ce dernier élan pour remettre en question plusieurs des éléments du film quand la première critique paraît au milieu de la nuit. Elle revient encore à la charge plus tard pour demander pourquoi Malcolm ne l’a pas choisie elle pour interpréter son propre rôle, et revient à son argument principal : elle aurait dû être remerciée d’une quelconque façon.

De l’autre côté, Malcolm aura plusieurs accès de colère tout au long de la nuit et sera assurément le plus blessant des deux, allant jusqu’à nier que l’inspiration pour son personnage principal revient à sa copine. Elle serait en fait un composite de plusieurs de ses anciennes conquêtes, et tous les moments où Marie croyait voir leur relation à l’écran est plutôt un écho à d’autres femmes. Entre les nombreux éclats de leur longue conversation, Malcolm ne retient que les éléments qui touchent à sa carrière et à son film, reléguant donc les préoccupations plus profondes de sa copine au dernier rang. Dès le départ, on remarque une grande différence dans leurs personnalités, et même si on pourra se rallier plus fortement à une cause plutôt qu’à une autre, on souhaiterait avant tout que les personnages se laissent, tout simplement.

Plus facile à dire qu’à faire, probablement. Car derrière tout ce qui sort de cette nuit, il y a assurément de l’amour, même s’il est moins évident par moments. Encore une fois, il est difficile pour moi de commenter adéquatement sur ce sujet, mais ce sera aussi le cas pour la plupart des gens qui regarderont le film. L’enchaînement malsain auquel on assiste est ce qui fera qu’on décrochera complètement du récit, ayant juste envie qu’il se termine, d’une part, mais aussi que la relation parvienne à une fin. J’ai énormément de difficulté à encourager une engueulade qui verse dans les « toujours » et les « jamais », car il y a peu de nuances à des arguments ultimes tels que ceux-là, et il me semble tout aussi problématique de passer à autre chose rapidement et accepter de poursuivre une relation qui amène, semblerait-il, plus de mal que de bien. Au final, Malcolm & Marie a de bonnes idées, et le jeu de ses deux acteurs n’est absolument pas en cause (sauf peut-être l’élan exagéré de Washington lorsqu’il lit la première critique), mais on se perd trop rapidement et on s’enfonce trop profondément dans une relation qu’on devine aussi intense chaque jour, et c’est probablement là où c’est le plus problématique.

 

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