Les jeunes filles de Meru
Cette critique a été rédigée dans le cadre de l’édition 2020 du Festival cinéma du monde de Sherbrooke.
Durant cinq ans, la réputée cinéaste Andrea Dorfman suit la déchirante histoire des filles de Meru, au Kenya, et de leur courageux cheminement vers l’égalité effective pour les filles du monde entier. Si la prémisse et les premiers instants du film nous laissent présager une saga judiciaire digne d’un documentaire Netflix, l’aspect juridique n’occupe qu’une petite partie du film. Nous avons plutôt droit à une étude de cas qui analyse en profondeur les erreurs policières commises à Meru. Au sujet bien intéressant et pertinent, le documentaire risque toutefois de vous laisser sur votre faim.
Au Kenya, une fille sur trois est victime de violence sexuelle avant l’âge de dix-huit ans. Pourtant, les enquêtes policières sont rarement conduites, et celles qui le sont sont souvent menées dans un laxisme évident. Les jeunes filles de Meru, c’est l’histoire d’une équipe multinationale pilotée par l’avocate canadienne Fiona Sampson et la travailleuse sociale kényane Mercy Chidi Baidoo qui tente d’établir les preuves dans les causes de onze filles en vue de mener à bien une stratégie juridique inédite. Ensemble, ces personnes tentent de repousser les limites de la nouvelle constitution kényane.
Le film est plus pertinent en ce qui a trait aux témoignages crus et dérangeants de jeunes filles et du viol qu’elles ont vécu. Ils sont très déchirants à entendre et nous causent beaucoup de frustrations envers l’État kényan passif. Pour alléger le tout (autant que le sujet le permette), Dorfman allie sa passion pour le cinéma d’animation à celle du documentaire en proposant de jolies scènes animées qui dynamisent le film. Le visuel est intéressant, bien que l’objectif ne soit pas de divertir son auditoire.
L’histoire judiciaire est assez inintéressante, malgré la portée qu’un jugement favorable pourrait avoir en Afrique. Après quelques ralentissements dans les procédures, bien rapidement le juge de la cour suprême du pays donne raison au conglomérat, et impose au système de police de meilleures enquêtes à travers le pays. C’est bien, excellent même, mais on se serait attendu à plus qu’un ou deux segments de quelques minutes en cour. On comprend assez aisément l’impact de la jurisprudence dans ce dossier, sans toutefois nous convaincre d’approfondir le cas. On aurait dû opter d’approfondir soit le cas, soit l’organisme qui chapeaute les jeunes victimes. On se retrouve dans un perpétuel entre-deux qui ne nous satisfait jamais pleinement.
Les jeunes filles de Meru explore diverses problématiques, mais n’en approfondit pas assez au final. Le résultat est un film qui veut nous inciter à nous renseigner sur les violences à caractère sexuel, mais qui ne nous en apprend bien peu, tristement. On aimerait en savoir plus, surtout sur la suite et les impacts de cette décision judiciaire sur l’ensemble des pays africains qui vivent des problématiques judiciaires. Il est peut-être trop tôt, toutefois, pour trouver réponse à cette question.