Les Invincibles
Cette critique contient des spoilers.
tou.tv a récemment ajouté la série Les Invincibles à son catalogue. Présentée à Radio-Canada entre 2005 et 2009, cette comédie regroupe Patrice Robitaille, Pierre-François Legendre, Rémi-Pierre Paquin et François Létourneau, que l’on s’est habitués au fil des ans à voir travailler ensemble (tous ou partiellement), que ce soit dans Québec-Montréal (2002), Horloge Biologique (2005), Série Noire (2014) ou la plus récente comédie criminelle éclatée C’est comme ça que je t’aime (2020).
Dans ce faux-documentaire à la The Office, on suit quatre hommes dans la trentaine à travers leurs aventures amoureuses et sexuelles. Dans le premier épisode, les Invincibles font le pacte de laisser simultanément leurs copines pour enfin prioriser leur propre bonheur, et demeurer célibataires pour ne rien manquer des plaisirs charnels qu’une vie de couple, croient-ils, les empêcherait de vivre. Carlos (Legendre), travaille dans un abattoir de poulets tout en aspirant à devenir bédéiste professionnel. La BD « Les Invincibles » parsème le récit tout au long des trois saisons et fait office de narration. Il est en couple avec Lyne (Catherine Trudeau), une directrice de ressources humaines difficile et surnommée par tous « Lyne la pas fine ». Rémi (Paquin), est le chanteur et guitariste du groupe Skydome et tente de percer en musique, mais travaille chez CD Dépôt en attendant. Il partage sa vie avec Jolène (Lucie Laurier). Steve (Robitaille), est un développeur de sites web efficace qui choque sa copine Kathleen (Geneviève Néron) quand elle découvre ses films pornos et tente de le surprendre au travail alors qu’il s’offre une gâterie particulière. Finalement, P-A (Létourneau) égocentrique puéril, habite toujours chez son père Alain (Germain Houde, excellent) tout en travaillant pour un professeur de psychologie à l’Université de Montréal.
La première saison met la table à une dynamique humoristique et pour le moins malsaine entre les quatre hommes et les gens qui partagent leur vie. Alors que Rémi se fait laisser par Jolène avant que celle-ci ne parte avec son propriétaire (Normand D’Amour), Carlos ne sera jamais capable de quitter sa contrôlante Lyne, au grand dam de son beau-père (un très drôle Donald Pilon) qui tente de l’avertir de ce qui l’attend s’il la garde dans sa vie. P-A laisse sa parfaite Vicky (Amélie Bernard) et, après deux semaines de courtise, convainc Marie-Ange (Marilyse Bourke), une chrétienne affirmée, de le laisser prendre sa virginité, avant de la laisser en plan à quelques minutes de l’acte, parce que le pacte stipule que les nouvelles relations ne doivent pas durer plus de deux semaines. Steve, de son côté, rencontre rapidement Sandra (Édith Cochrane) avec qui il tentera, à de nombreuses reprises, de passer la nuit, jusqu’à aller dans une soirée échangiste avec elle et qu’ils conviennent de rester amis.
Malgré leur amitié qui remonte pour certains à l’époque du secondaire, les gars n’hésitent pas à se mentir à profusion pour ne pas montrer leurs faiblesses. Certains coucheront même avec les ex des autres, ce qui créera des tensions dans le groupe. Cette première saison nous permet de suivre Carlos, pris entre Lyne et les Invincibles, qui usera de stratagèmes parfois douteux pour que les gars ne découvrent pas que Lyne partage encore sa vie, et inversement, que celle-ci ne sache pas qu’il voit encore ses amis. En effet, Lyne, en apprenant le pacte, décide que la décision d’une rupture, ça se prend à deux! Il est donc hors de question qu’elle laisse son Carlos partir, et en contrepartie à le laisser rester dans sa vie, elle lui demande de ne plus voir ses amis, qui exercent une mauvaise influence sur lui.
C’est là qu’on fait la connaissance de Richard, dit « Rich the Rich » (Patrick Drolet, dans l’un des meilleurs rôles de la série) collègue de Carlos et prêt à tout pour se faire accepter parmi la bande. Carlos utilisera Richard à de nombreuses reprises, celui-ci acceptant toujours les demandes de son « ami ».
La première saison se conclut sur un Carlos affirmé qui va oser prendre une décision pour le moins controversée. Rémi a quitté CD Dépôt, P-A, à la suite d’une chicane avec son père, habite chez la blonde de celui-ci (Louise Bombardier, dont l’humour est très efficace) et Steve est à la recherche de son identité sexuelle.
Dans la saison deux, on retrouve les gars dans un rallye à la découverte d’eux-mêmes, initié par Carlos. Les invincibles auront trois mois pour réussir à atteindre leurs objectifs de croissance personnelle. Si tout le monde y arrive, ils partent à Punta Cana.
Pour Rémi, le bonheur passerait par le fait de vivre de sa musique. P-A, quant à lui, veut revivre le sentiment amoureux. Carlos, nouvellement célibataire, tente de reconquérir une flamme de la première saison et Steve veut arrêter de prendre des antidépresseurs, dommage collatéral de sa quête initiée précédemment.
Dans cette deuxième saison, les gars n’ont pas changé. Les mensonges créent des situations toujours aussi drôles et malaisantes et le narcissisme de P-A atteindra son paroxysme alors qu’il réussit à revivre le sentiment amoureux. Richard devient le coloc de Carlos et rappellera parfois Norman Bates dans la relation qu’il entretient avec sa mère, la propriétaire de leur appartement et qui loge en haut. Dans un revirement de situation prévisible, le voyage à Punta Cana est mis en péril et la fin de la deuxième saison laisse présager une ultime saison pour le moins différente. Cette saison est légèrement plus dramatique que la précédente. Alors que dans la première l’accent était sur les manigances de Carlos, toujours malaisantes (et, avouons-le, assez drôles), cette fois les histoires des personnages sont un peu plus sombres. La quête de Steve prend beaucoup de place et on a hâte de le voir mieux aller. Vers la fin de la saison, les gars réévaluent leurs priorités, admettant pour la première fois depuis le premier épisode qu’ils n’ont pas été honnêtes les uns avec les autres.
La troisième et dernière saison donne davantage de place aux filles qui partagent la vie des invincibles. Les segments de bande-dessinée sont passés à la couleur dans la saison précédente, pour finalement avoir trois nouveaux personnages au début de la troisième ; Atomik Nurse (Cynthia, qui a aidé Steve lors de la deuxième saison et qui est maintenant sa copine), Vick-O-Tron (Vicky, avec Rémi depuis qu’elle lui a trouvé un contrat de musique dans la deuxième saison) et Leather Angel (Marie-Ange, de retour dans la vie de P-A depuis la deuxième saison). Dark-Evil-Hin (Lyne) est toujours présente et mène cette nouvelle bande d’héroïnes.
Tristement, cette saison est à mon avis la moins forte de la série. Alors qu’on suivait les gars célibataires ou en train de mentir dans leurs relations de couple précédentes (ce qui donnait lieu à beaucoup de quiproquos et situations humoristiques réussies), ici, les filles se vengent sans qu’on ne puisse avoir accès à leurs motivations. On se range encore du côté des gars, mais on ne nous montre plus vraiment l’arrière-scène. Même si les gars n’ont jamais été des modèles à suivre, les filles sont particulièrement méchantes dans cette saison, et c’était presque douloureux de regarder les gars subir tout ce qu’elles leur font traverser.
La fin de la série ne fera certainement pas l’unanimité. Si Steve et P-A connaissent une belle évolution et conclusion, Rémi dérape jusqu’à enfin se trouver dans une situation correcte, et Carlos est victime de son karma, malgré que sa conclusion est ce qui m’avait le moins plu à mon premier visionnement il y a plus de 10 ans. Le souvenir que j’en avais n’a malheureusement pas changé après mon deuxième essai. Si pour certains la fin de la série offre une conclusion satisfaisante aux histoires des Invincibles, je m’ennuyais du temps où je riais de voir des gars puérils tenter de devenir des hommes. Après trois saisons et une trentaine d’épisodes, la série demeure excellente, mais la fin n’est pas pour tous.