@A-Z FILMS

Le concept du body swap (échange de corps) au cinéma est presque aussi usé que celui du Groundhog Day (où la même journée se répète sans fin). Freaky FridayDans la peau d’une blonde et même Face/Off se sont essayés au genre, parfois avec succès, souvent avec redondance. Qu’est-ce que Le sens de la famille, troisième long métrage de Jean-Patrick Benes, avait de plus à contribuer à cette formule? D’abord (et on pourrait dire : enfin), ce ne sont pas deux, mais bien six personnes qui s’interchangent leur corps! Ensuite… eh bien, c’est tout! Mais c’est déjà quand même pas mal.

Après une brève scène d’introduction où Alain (Franck Dubosc) nous présente d’un air découragé sa petite famille éclatée, il fait le souhait que sa situation familiale « change » devant un rocher où il est écrit « Faites un vœu » dans un parc d’attraction français. Il n’en fallait pas plus pour que le lendemain matin, le jour du 7e anniversaire de Chacha (Rose de Kervenoaël), tous et toutes aient échangé leur corps. Alain, éditeur en chef d’un journal au bord de la faillite, se retrouve dans le corps de son adolescent Léo (Nils Othenin-Girard), qui lui se trouve maintenant dans le corps de sa sœur de 17 ans, Valentine (Mathilde Roehrich), elle-même prise dans le corps de sa mère, Sophie (Alexandra Lamy). Cette dernière, enfin, est prisonnière du corps de sa toute petite, qui elle se trouve dans le corps de son père. La boucle est bouclée, ou du moins, le croit-on, jusqu’à ce que le lendemain, tous et toutes changent à nouveau de corps sans raison apparente, ajoutant au lot la grand-mère maternelle, Thérèse (Christiane Millet).

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Si la recette originale est légèrement altérée, l’objectif est toujours le même : se mettre à la place de l’autre pour mieux comprendre sa réalité, son point de vue. Ici, nous avons droit à la relation dysfonctionnelle entre Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan en triple dose. On joue évidemment beaucoup sur la différence générationnelle entre grands-parents, parents et enfants, mais également sur les relations de couple. À un moment du récit, Alain se retrouve dans le corps de sa femme et apprend qu’elle entretient une aventure depuis un an avec Christiphe (Victor Artus Solaro), un collègue de travail. Cela l’amène d’abord à être frustré, puis à reconsidérer la suite des événements qui ont mené à cette situation.

Pour une comédie qui se veut moins familiale qu’on pourrait le penser, j’ai été surpris d’avoir si peu ri. Cela devrait être suffisant pour vous décourager d’aller le visionner, mais pourtant j’y ai relativement trouvé mon compte. Certes, les surprises n’abondent pas – les nombreuses blagues de zizi ou de contraste générationnel sont inévitables – mais la prémisse laisse place (sur papier) à des interprétations relevées, d’acteurs comiques qui ont d’ailleurs fait leurs preuves par le passé. Si Dubosc et Lamy sont somme toute efficaces, ils sont éclipsés par la jeune Rose de Kervenoaël qui brille par son interprétation autoritaire et mature. L’avenir lui réserve assurément de belles choses. Sa performance est inégalée, bien que Mathilde Roehrich, qui joue la plupart du temps une grand-mère dans un corps d’adolescente, soit elle aussi plutôt efficace.


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Le bât blesse cependant dans sa pauvre présentation des personnages précédant les fameux échanges corporels. On ne les voit que brièvement au début du film, et plutôt que de nous montrer les mimiques ou traits caractéristiques de chacun d’eux, on nous gave d’une narration biaisée et inutile qui détruit complètement toute l’évolution de personnages à laquelle on aurait eu droit autrement. Plutôt que de nous laisser deviner quel acteur interprète quel personnage, on prend la peine de nous le dire (ou nous le montrer, comme on peut le voir sur les chandails arborant les visages de leur personnalité) qui joue qui, sans que l’auditoire n’ait de véritable effort à déployer. Les gags auraient davantage fonctionné si on avait pris la peine d’établir la psyché de chacun d’eux, ne serait-ce que pendant dix minutes.

Non, Le sens de la famille n’est pas la comédie de l’année. Mais ses intentions sont louables et sans malice. Il ne prétend être rien d’autre qu’un divertissement, bien qu’il nous porte (parfois) à réfléchir à l’impact de nos actions sur les autres. Parmi toutes les histoires qui se déroulent en parallèle, certaines sont touchantes et bien fondées, même si aucune n’est véritablement aboutie. Le film fera sourire à l’occasion sans jamais nous pousser à l’éclat, mais on ne sortira pas de la salle de cinéma en ayant le sentiment d’avoir perdu notre temps. Il nous laissera tout au plus indifférent.

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